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Pas un jour ne passe sans que le débat public ne soit phagocyté par une basse polémique de haute intensité. Elle ne porte ni sur les moyens de garantir un travail à chacune et chacun, ni sur les mesures nouvelles à mettre en œuvre pour augmenter le pouvoir d’achat des familles populaires. Non ! Il s’agit de la propulsion des propos abjects d’un obscur rappeur, ceux d’un chroniqueur qui, après avoir demandé d’assassiner Maurice Audin une seconde fois, lance la chasse aux prénoms, de la mise en avant par le manège médiatique d’insultes envers des policiers ou les bagarres à mort entre bandes rivales. Toute forme de provocation, de la plus travaillée à la plus idiote, trouve un écho démesuré, rendant significatif, voire central, ce qui aurait été maintenu hier à la périphérie du débat. Des émissions de chaines privées jouent un rôle prépondérant dans ce cirque, réunissant des plateaux de débatteurs où on appelle des réponses de droite à des questions de droite.
L’essentiel soit est ignoré, soit devient objet de polémiques. L‘accueil de cinquante-huit migrants sauvés des eaux devient ainsi un psychodrame national bien irrationnel au regard des véritables enjeux migratoires et des devoirs d‘humanité les plus élémentaires d’une nation qui se prétend civilisée.
Cet affaissement du débat démocratique, et surtout son détournement, vise à apporter continuellement de l’eau au moulin réactionnaire. Le lit idéologique de l’extrême droite est ainsi sans cesse élargi. Et, dans le même mouvement les tenants du pouvoir appellent les citoyens à endiguer son ascension dans les urnes ! C’est ainsi que le bureau politique du conformisme et de la défense des puissants travaille à maintenir en place un système pourtant de plus en plus rejeté. Et il s’est trouvé la semaine dernière une grande émission politique sur la télévision publique pour organiser un débat entre le Premier ministre et celui qui est devenu le chef du parti dont il était membre il y a un peu plus d’un an. Le thème choisi est celui que le Président de la République souhaite placer au centre du débat des élections européennes afin d’empêcher toute discussion sur les enjeux sociaux, démocratiques et écologiques : l’immigration, ravalée à un vulgaire problème de comptabilité quand il s’agit de vies humaines. Il est vrai qu’aucun autre sujet n’aurait sans doute pu faire l’objet d’un débat entre eux !
Dans ce brouhaha et dans un contexte de crise économique et sociale, s’instille une parole réactionnaire qui vise à fondre et à faire confondre la critique de la modernité et celle du capitalisme. Des réseaux intellectuels et des organes de presse travaillent à réconcilier ceux qu’ils appellent « les conservateurs des deux rives » et à définir, dans un même mouvement, un projet politique dont on a du mal à cerner les contours mais qui affirme une haine du « progrès » et de l’émancipation. Sans surprise, cette réconciliation des deux bords épouse le projet de dépassement du clivage entre la droite et la gauche avancé par le nouveau pouvoir. Ces « anti progressistes » ont effectivement, avec M. Macron, un parfait faire-valoir qui a fait du mot progrès l’étendard de son projet de mise au pas radicale de la société française aux normes et exigences du capitalisme mondialisé. La destruction des droits collectifs, la marchandisation accélérée des biens et services, une conception du pouvoir verticale et personnalisée, les mensonges sur une réelle transition écologique, sont pourtant bien opposés à l’idée même de progrès…
Bien entendu, jamais aucun de ces « clans » qui prétendent s’affronter ne questionnent la casse des solidarités sociales conquises grâce au rapport de forces politique des deux derniers siècles. Jamais ils ne remettent en cause les gâchis, le coût du capital. Ils ne critiquent le capitalisme que dans ses capacités transformatrices sociales et sociétales mais jamais comme système d’exploitation et de domination global. Jamais ils ne cherchent à réunir toutes celles et ceux qui ont intérêt à son dépassement. Au contraire, ils les divisent avec ardeur, en fonction de leur origine, de leur sexe, menant tambour battant une critique des droits chèrement conquis, particulièrement ceux des minorités, sapant ainsi toute unité populaire pour une vie meilleure. Ainsi la libération des femmes, les mouvements migratoires, le dérèglement climatique, voire l’antiracisme sont mis unilatéralement dans le panier de la menace globale et obscure sur la « civilisation ». L’extrême droite va, dans ces prochains mois et dans la perspective des élections européennes, adapter son discours à cette nouvelle donne.
Ces anti-progressistes qui furètent à droite comme à gauche préfèrent la critique pseudo-morale à la critique économique et sociale. Ils refusent surtout de voir les contradictions à l’œuvre dans les sociétés et les potentialités révolutionnaires qu’elles recèlent. Ils cherchent en fait une voie de secours pour un système capitaliste en crise, de moins en moins capable de répondre aux espoirs des peuples. Seul leur importe de conserver leurs positions sociales et intellectuelles.
Ce qui crée l’insécurité de vie, c’est bien la captation phénoménale des richesses par une infime minorité, l’enracinement de la pauvreté, la stagnation économique et sociale des milieux populaires, la mise en concurrence des travailleurs à l’échelle mondiale comme européenne et nationale qu’accompagne la casse de leurs statuts et de leurs droits. C’est encore la destruction ou l’affaiblissement des institutions sociales, du système de retraites à la Sécurité sociale, en passant par l’Éducation nationale. Voici des enjeux de taille ! En détruisant un à un tous les outils de solidarité, piliers qui ont fait la France depuis les avancées du programme du Conseil National de la Résistance, le pouvoir macroniste cultive la conscience du chacun pour soi, d’un nouvel individualisme sentier des ressentiments à l’égard de l’autre, terrain où se tisse le long manteau de la réaction extrême. En broyant les mécanismes de protection, ils ouvrent la voie à de nouveaux comportements pour des solidarités culturelles, cultuelles ou ethnicistes nourries par la polémique incessante et qui s’opposent les unes aux autres, tournant le dos à un projet égalitaire, social et démocratique. La réaction fait son miel de ces oppositions surjouées qui détournent les citoyens du combat émancipateur. Ces idées ne sont plus théoriques. Elles sont mises en pratique sous le Trumpisme, ou en Italie en Hongrie, en Autriche et en Pologne.
Les véritables forces de progrès et d’émancipation, la force communiste devraient se donner pour mission de s’unir pour mener en actes la contre-offensive idéologique et culturelle, contre la haine et le repli, qui trouve dans de nombreux pays une traduction politique alarmante. C’est une mission d’intérêt général à ne pas prendre à la légère !