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Le président de la République a entamé sa campagne de l’élection présidentielle. Il le fait sur les deniers de l’État en faisant croire qu’il se met à l’écoute des gens.
Il y a quelques jours il a accordé un très long entretien à un magazine pour parler de « sa France ». Très bien ! Mais on aimerait qu’il nous parle des Françaises et des Français : celles et ceux qui n’ont que de petits salaires ou des retraites de misère pour vivre, celles et ceux qui triment dès le petit matin, sans un mot ni un sou de reconnaissance.
Evite-t-il d’aborder ces sujets parce qu’il prépare, au nom de l’après crise et du remboursement de la « dette », une cure d’austérité ?
Tout ceci est déjà en brûlante cogitation dans les cerveaux formatés et les ordinateurs tout aussi inhumains des cabinets ministériels.
J’avais révélé en avril dernier, que dans un document intitulé « Programme de stabilité 2021-2027 » envoyé à la Commission européenne, le gouvernement nous donnait déjà de sérieux gages sur les politiques publiques qu’il entend mettre en place en matière budgétaire. (Lire mon éditorial de L’Humanité Dimanche du 22 avril 2021 : « Refuser l’austérité infinie »).
Un avant-goût du projet du président-candidat Macron en quelque sorte, toujours avec le souci de ramener la France sous la barre des fameux 3% de déficits instaurés par l’ubuesque Traité de Maastricht, c’est-à-dire en suivant toujours la même ligne funeste de l’austérité et faisant fi de ses terribles conséquences sociales. Voici que le travail se poursuit. L’exécutif prévoit de limiter la croissance annuelle des dépenses publiques à 0.7% entre 2023 et 2027 – et ce malgré un contexte de crise économique, sociale et écologique qui nécessiterait au contraire d’augmenter les dépenses utiles de l’État.
Voici que des textes commencent à circuler entre les stratèges et experts de Bercy, ceux de l’Elysée et d’économistes bien en vue au Palais. Cette semaine, un premier programme, portant sur dix mesures fortes visant à « économiser » plus de 60 milliards d’euros en 5 ans, a fait surface. Sans surprise, ce sont encore une fois les mêmes activités qui se retrouvent dans le viseur ultralibéral du pouvoir : santé, statut des fonctionnaires, culture, services publics, retraites…
Retraites : la mère des contre-réformes. Suspendue en mars 2020 face à la puissance du mouvement social, la contre-réforme des retraites reste bien en vue sur le bureau du chef de l’État qui ne s’en est d’ailleurs pas caché lors de son récent déplacement dans le Lot. En fait, ils cherchent dans l’immédiat deux dispositions pour priver les retraités de 15 milliards d’euros en sacrifiant encore plus les travailleurs et cotisants. Ils veulent reculer l’âge de départ en retraite – 5 trimestres en 5 ans – puis indexer les pensions de retraite sur la moitié de l’inflation, soit moitié moins qu’aujourd’hui !
Résultat : allongement du temps de travail, diminution des pensions, baisse du pouvoir d’achat des retraités, soit un réajustement du système vers le bas et la porte qui s’ouvre grand pour la capitalisation, les fonds de pensions et autres assurances privées. Les fonds vautours ne rêvent que d’une chose : s’attaquer au pactole des richesses produites par les travailleurs. Ce chemin qui mène à l’individualisation des parcours de vie nous dirige aux antipodes du projet d’Ambroise Croizat et de la philosophie initiale de la Sécurité sociale, basée sur la solidarité nationale : « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ».
Massacre des Services publics. Nombreux étaient déjà les élus à tirer la sonnette d’alarme en 2018 lors de la mise en place de la suppression de la taxe d’habitation. Ce cadeau empoisonné, en réalité une baisse des dotations locales, ne représentait rien d’autre qu’une énième attaque contre la puissance publique et donc la possibilité d’offrir des services publics de qualité.
Sous le quinquennat de M. Hollande, les dotations aux collectivités locales s’étaient déjà amenuisées de 11 milliards d’euros. M. Macron en annonçait encore 13 milliards de moins en début de mandat. Le projet est maintenant d’aller chercher 5 milliards d’euros dans la poche des collectivités, en baissant le taux de financement de leurs dépenses de fonctionnement (de 3,5% à 1,5 %) ! Et ceci alors que l’année et demie écoulée a prouvé la place irremplaçable des services publics locaux face aux ravages de la pandémie.
En continuant d’étouffer les collectivités locales, le pouvoir met à mal les services publics de proximité (centres de santé, aide aux personnes âgées, accueil de la petite enfance, culture, etc.) et rend donc plus difficile la vie quotidienne de la population. De cela il n’est aucunement question dans les débats des élections départementales et régionales. Corollaire de la mesure antérieure, les agents des services publics ou les fonctionnaires continuent de représenter un trop grand poids aux yeux du pouvoir, duquel il conviendrait (selon lui) de se délester. A travers la réduction des effectifs de la fonction publique d’État (25 000 postes en moins par an) et un verrouillage de la fonction publique territoriale, 6,5 milliards d’euros d’économies seraient envisagés… sur le dos des usagers et de la qualité des services publics rendus. Ce qui est bien pratique pour ensuite dénoncer une inefficacité qui est provoquée pour pousser ensuite à la privatisation ! Vous inoculez la rage à votre chien, pour justifier de l’abattre !
Et il y aurait encore 5 milliards d’euros à trouver sur le dos des travailleurs de la fonction publique, en abaissant les règles de calcul de revalorisation annuelle de leurs salaires ! Gageons que le pouvoir trouvera encore de nombreux « experts » qui défileront sur les plateaux télé pour nous expliquer à quel point les fonctionnaires représentent une classe « privilégiée ».
Santé, on oublie tout ! Bien que la page de la pandémie soit encore loin d’être tournée, les dépenses pour l’assurance-maladie continuent d’être perçues par nos dirigeants comme des coûts qu’il faut à tout prix réduire… et en l’occurrence il s’agira de reporter ce « coût » sur le dos des usagers, notamment avec une hausse du ticket modérateur. Dix milliards d’économies sont ainsi visées grâce à une limite à 3 % de la croissance des dépenses dans ce secteur. Un objectif qui passe par une amélioration de « la productivité du système de santé », ce qui en langage de technocrate signifie toujours plus de marchandisation des soins à base de tarification à l’activité et de management entrepreneurial de l’hôpital public.
Alors que l’énorme secousse que représente le Covid-19 appelle à redéfinir les priorités en investissant massivement dans un système de santé public, le pouvoir continue sur la voie du saccage de l’hôpital public et de tous les services publics à coups de hache autoritaires.
Culture : ils s’en moquent depuis longtemps. Il en va de même pour les dépenses affectées aux « politiques culturelles, sportives et récréatives ». On sait pourtant combien ces secteurs ont pris de plein fouet les conséquences du confinement imposé par la pandémie (lire mon éditorial de L’Humanité Dimanche du 03/06/2021). Mais qu’importe : il s’agirait là aussi de s’attaquer à ce maigre budget en le réduisant de 4 milliards d’euros sur 5 ans – pour s’aligner sur l’imbécile moyenne de la zone euro – soit une baisse de 1,4 % à 1,1 % du PIB. Une honte à l’heure où ces domaines en grande souffrance auraient plutôt besoin d’argent public pour financer des dispositifs d’accompagnement. Et quel symbole ! Leur monde d’après est sans culture, sans sport sauf pour Amazon qui s’accapare les droits TV de certains sports dont le foot et les films que l’on pourra voir sur cette plateforme. Il est urgent de reprendre le combat pour la diversité et l’exception culturelle.
Autre recommandation des « experts de la finance publique » : diminuer de 10 % les subventions aux secteurs des transports et de l’énergie pour économiser 3 milliards d’euros… Cela fait des années que la SNCF, en tant qu’entreprise publique, est dans la ligne de mire du pouvoir, poussé par les directives européennes qui cherchent à placer les entreprises publiques de transport (voyageurs et marchandises) dans le jeu de la concurrence et de la compétitivité.
Là encore, aucun débat dans la perspective des élections régionales alors que c’est un enjeu capital pour les années à venir. Dans le sud par exemple, on amuse la galerie avec le débat entre les frères ennemis Muselier et Mariani, mais tous les deux veulent ouvrir le transport régional au compagnies privées.
Les gouvernements ont beau jurer que jamais la SNCF ne sera privatisée, c’est bien l’inverse que l’on observe depuis plusieurs années, et les exemples de France Télécom et Gaz de France – qui devaient aussi rester publics – n’autorisent aucune naïveté à ce sujet.
A ce sujet, l’arrivée de M. Macron à l’Elysée a d’abord été marquée par sa « loi pour un nouveau pacte ferroviaire », qui organisait la liquidation de ce qui était encore un Etablissement public. Depuis le 1er janvier 2020, la SNCF est devenue une Société anonyme. Pas à pas, les gouvernements successifs ont toujours su s’appuyer sur les bons conseils « d’experts » (ou même la Cour des comptes et sa vision comptable du service public) pour dérouler leur argumentaire fallacieux et, au final, justifier l’ouverture à la concurrence et la privatisation.
Il en va de même pour EDF, aujourd’hui menacée d’être découpée en morceaux avec le projet « Hercule ». Après plus de 15 ans d’attaques en règle (ouverture du capital, passage du seuil de la capitalisation boursière, etc.), il s’agit aujourd’hui de scinder EDF en deux entités (voire trois), et d’ouvrir la branche distribution à la concurrence. Un pas de plus vers le démantèlement de ce qui était un pilier de la République sociale érigée à la Libération pour garantir une péréquation tarifaire dans l’accès à l’électricité, symbole d’égalité et de solidarité nationale » (lire «Hercule » contre l’intérêt général, mon éditorial de L’Humanité Dimanche du 11/02/2021).
Pour les usagers, une hausse des tarifs depuis maintenant plus de 10 ans et bientôt peut-être la « tarification dynamique », c’est-à-dire des contrats et des tarifs indexés sur le cours du kilowattheure à la « Bourse européenne de l’électricité », comme nous le révélions le mois dernier dans l’Humanité (lire Électricité. La « tarification dynamique » va faire exploser vos factures, l’Humanité du 18/05/2021.) Ce panel de mesures confirme, pour peu qu’il fallut encore le démontrer, la dangerosité du projet macroniste, partagé d’ailleurs par toute l’aile qui se trouve – si l’on peut dire – à sa droite. Un seul objectif pour les mandataires du capital : raboter les crédits publics sans qu’importent les conséquences sociales. Il ne fait aucun doute que le démantèlement de l’État continuera d’être à l’ordre du jour d’un prochain quinquennat dirigé par M. Macron, à base de sacro-sainte austérité budgétaire.
Une politique à contre-courant du bon sens. Dans la bataille intra-capitaliste, les Etats-Unis choisissent, à rebours de l’Union Européenne, une toute autre voie avec un programme de relance colossal basé sur l’investissement public et un petit rattrapage de la rémunération et de la protection de certains travailleurs.
Ces débats devraient être portés sur le devant de la scène durant les actuelles campagnes électorales. Se réjouir d’une gauche faible comme cela se fait place Beauvau et à l’Elysée, c’est laisser préparer le pire.
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Extrait de la Lettre de Patrick Le Hyaric du 06 juin 2021 : ici
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5 commentaires
Je ne suis pas d’emblée d’accord avec tout mais des informations sont vraies à propos de ressources trop insuffisantes pour vivre avec leur baisse depuis la pandémie, d’augmentations sensibles de plusieurs dépenses mensuelles qui ne sont pas maîtrisables par les particuliers consommant selon leurs vrais besoins.
Je trouve précoce d’évaluer le progrès réel de la culture en raison du frein qu’a été la pandémie du coronavirus obligeant la majorité présidentielle à un surcroît imprévisible de travail. La majorité présidentielle peut encore faire ses preuves. Oui, il faut donner certaines libertés et certains droits du vingt et unième siècle aux gens.
Bon, la poursuite de démolition continue.
Invité : Raphaël Enthoven, philosophe et éditorialiste. Le philosophe et éditorialiste Raphaël Enthoven publie « L’École des dames », une pièce inspirée de Molière où il dresse un portrait sans concession de notre époque. Mélenchon complotiste, l’affaire Mila au tribunal, les réseaux sociaux en accusation… Il réagit à l’actualité. Présentation : Patrick Simonin.
7 juin 2021Durée :8 min
Waw ! à lui tout seul il est le peleton, un BHL 2,0 ! Il défend la République, Zémour défend la France ??? Qui défend le Peuple ?
JLM : comment sortir de la mouise. La gauche doit faire des pas, et pour cela un agenda politique qui tient la route, pour lequel les citoyens travailleurs aient envie de se lever.
Stratégie et cohérence.
Quand il y a “philosophie” contre “philosophie”, il y a absence de philopoésie, c’est le désert philopoétique tout ça monsieur Harrison ! Laissez tomber ce qui ne vaut pas ou pas assez, il y a tellement mieux sur la Terre alors que le nouveau monde progresse.
Parfait mais alors vous devriez vous y retrouver dans le programme de l’AEC. Pouvez vous m’exposer clairement ce que vous désireriez supprimer ou ajouter afin d’améliorer ce programme. Merci. Cordialement.
Un travail de dingue mais pour défendre la cause commune. Pas celle des puissants et Le Pen ne peut pas en faire autant car elle, elle ne défend pas le peuple.