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L’ambition d’une unification des forces populaires qui, en Europe, contestent l’austérité et le chômage, est de plus en plus d’actualité. Face à des dirigeants européens sourds aux souffrances des familles populaires qu’elles imposent, incapables de juguler ni la récession qui s’avance, ni la profonde crise globale de leur système capitaliste frappant tous les pays européens, des rassemblements contestent l’austérité et appellent à une réorientation profonde de la construction européenne.
Ces derniers jours, de puissantes manifestations ont eu lieu au Portugal, en Espagne, en Grèce, en Belgique. Des actions syndicales ont lieu en Italie, en Roumanie, en Allemagne. D’autres auront lieu le 9 octobre. Après la Fête de l’Humanité, marquée du triple sceau du refus de l’austérité, des plans de licenciements et du traité européen, la grande marche de dimanche dernier pour obtenir un débat national sur le traité budgétaire et un référendum porte en elle une demande de participation démocratique pour donner toutes ses chances à une politique de progrès social, économique et écologiste qui permette la renaissance du pays et celle de l’Union européenne.
Qu’une soixantaine d’organisations syndicales, associatives et politiques ancrées au cœur de la gauche, soucieuses de sa réussite, puissent ainsi se regrouper et agir ensemble est un événement d’une grande portée politique pour l’avenir. Il peut ouvrir la voie à la construction d’un front large et rassembleur de la gauche sociale, politique et intellectuelle. La marche nationale dans les rues de la capitale est une des premières initiatives populaires, depuis la victoire de la gauche, visant à modifier le rapport de forces politiques en faveur de « l’humain d’abord » contre les puissances financières.
Sa concomitance avec le débat parlementaire sur le nouveau traité européen voulu par les puissances d’argent, co-écrit par M. Sarkozy et Mme Merkel, pour obliger les Etats à se dépouiller de leurs fonctions sociales, de soutien public et de régulation de l’économie n’est pas fortuite. Pas plus que celle avec le débat sur la loi de finances, alors que tombent des avalanches de plans de licenciement soigneusement dissimulés par le gouvernement précédent. S’il en est ainsi, c’est que plus nombreux sont nos concitoyens qui font le lien entre ces grandes orientations politiques, la pression des marchés financiers et leur vie quotidienne de plus en plus difficile. Dans l’affrontement qu’ils pressentent avec les puissances d’argent, ils attendent du nouveau pouvoir qu’il se situe à leur côté.
De ce point de vue, qualifier le projet de budget du gouvernement de manière simpliste n’aiderait en rien les indispensables mobilisations, bien au contraire. Avec ce travers, on aurait vite fait d’apporter de l’eau au moulin des leaders de la droite et de la dangereuse extrême-droite qui ont fait de l’inégalité fiscale et des cadeaux aux plus fortunés la base de leur politique pendant dix ans.
Le projet de budget correspond à ce qu’avait annoncé F. Hollande durant la campagne des élections présidentielles, sous les mots « d’efforts pour tous, mais justement partagés ». Il est incontestable qu’une partie des prélèvements va être rééquilibrée. Le bouclier fiscal disparaît. L’impôt sur la fortune revient à ce qu’il était en 2011. La progressivité de l’impôt sur le revenu est rétablie en partie. Les prélèvements sur le capital et certains revenus spéculatifs sont alourdis. Les grandes entreprises participent plus à l’effort national que les petites. L’investissement locatif sera favorisé. Mais il est vrai aussi que la masse des contribuables verra ses impôts augmenter avec le maintien d’un dispositif, mis en place par la droite, de gel des barèmes sans prise en compte du niveau de l’inflation. L’augmentation de certains impôts indirects comme celle de la fiscalité des collectivités locales mises à la diète auront des conséquences plus lourdes pour ceux dont les revenus sont modestes.
Fondamentalement, même si un effort de justice est engagé, cela reste un budget d’adaptation qui maintient 175 milliards d’euros d’aides sociales et fiscales aux entreprises sans contrepartie pour l’emploi. Qui exonère les revenus financiers du capital du financement de la protection sociale, alors que les retraités assujettis à l’impôt vont être taxés. Ces limites qu’il s’impose conduisent le gouvernement à poursuivre les réductions de moyens aux grands ministères, à l’exception de l’école, de la sécurité et de la justice. Les services publics victimes du redéploiement seront moins efficaces dans l’accomplissement de leurs missions d’intérêt général. Ils seront encore affaiblis alors qu’ils constituent pourtant le patrimoine commun de celles et ceux qui n’ont rien. Le malade moins bien soigné ne se consolera pas parce que son petit-fils est mieux accueilli à l’école de son quartier ! Cette contraction, conjuguée au gel de certains investissements et aux dotations des collectivités locales, aura un impact très négatif sur l’emploi. Pour atteindre l’objectif ambitieux de l’inversion de la courbe du chômage, il faut donc corriger tous ces aspects négatifs du projet de budget. Les personnels, les usagers, les élus locaux sont sûrs de trouver dans les parlementaires du Front de Gauche des relais efficaces de leurs propositions et de leurs mobilisations.
Cela implique de ne pas se soumettre comme à des dogmes aux règles des traités européens existants et du futur traité qui prône l’équilibre des finances publiques d’ici deux ans. Nous avons marché pour cela dimanche dernier ! Instruits que nous étions de ce qui arrive aux Espagnols, Portugais, Grecs, Irlandais ou Italiens assommés par ces règles aussi imbéciles qu’inefficaces qui, d’une part, aboutissent à plus de souffrances pour le monde du travail et de la culture, davantage de chômage, de précarité et des déficits en hausse pour cause de récession. Et d’autre part, à des profits au top niveau pour les grandes entreprises, les banques et les compagnies d’assurances qui, dans un bel ensemble, en redemandent encore. Tous et les élites à leur service, militent en faveur d’un « choc de compétitivité » devenu à leurs yeux indispensable pour accompagner « le choc budgétaire ».
Les grands patrons de Renault, d’Arcelor Mittal, de Sanofi, de Conforama, d’Unilever, de Doux, se placent à l’avant-garde de ce combat en procédant à d’insupportables licenciements boursiers et en réclamant des conditions d’exploitation de leurs salariés encore plus favorables…sinon, ils ferment l’entreprise ou ils partent ailleurs ! Il s’agit, comme l’exige aussi le traité européen, de réformer le « marché du travail ». C’est-à-dire de démolir les codes du travail, de pousser à la précarité du travail, sous couvert de « flexisécurité », d’abaisser les salaires et en même temps d’affaiblir les systèmes de protection sociale publics avec, dans un premier temps, l’application des hausses de TVA et de la CSG ou d’inventer un impôt dit « environnement ». Ces mêmes recettes sont mises en œuvre dans toute l’Union européenne pour abaisser partout les droits économiques et sociaux des travailleurs, abaisser les niveaux de protection sociale à un point tel qu’on peut se demander si ces chantres de « la concurrence libre et non faussée » n’ont pas en tête l’objectif d’abaisser la condition du salariat européen au niveau de celle des pays émergents !
Sur notre continent commence à grandir la conviction que tout ceci est non seulement très injuste, mais très inefficace au point d’aggraver de plus en plus la crise. Nous y voyons une base de rassemblement et d’actions pour les peuples et les jeunesses européennes de plus en plus appelés à choisir entre leur vivre mieux et celui de la finance débridée. C’est l’un des grands débats de l’heure à animer pour permettre un changement de cap, une réorientation des choix européens : quels moyens pour partager les richesses avec une autre fiscalité, un autre crédit et une augmentation des rémunérations et des retraites ? Quels nouveaux choix industriels, agricoles pour entamer la transition écologique ? Quels nouveaux services publics permettant le développement humain et le progrès écologique ? Quels droits nouveaux pour les salariés dans la cadre d’un nouveau saut démocratique ? Quels moyens consacrer à l’éducation, la formation, la recherche innovatrice ? Quelles coopérations nouvelles à l’intérieur de l’Union européenne pour le travail, un nouveau développement industriel et agricole, la culture, le progrès social et humain ?
Et les pressions des puissances financières et des possédants nous conduisent de plus en plus à nous poser la question suivante. Est-il possible d’empêcher l’écroulement de l’industrie sans inventer une nouvelle maîtrise publique et sociale de l’appareil productif et des banques ? Je crois que non. On ne peut laisser plus longtemps les salariés de toutes les grandes entreprises aujourd’hui menacés de licenciement et de fermeture se heurter à un tel mur. Nous refusons cette impuissance.
L’une des grandes questions posées aux populations européennes est celle de la maîtrise de l’argent, du système bancaire et de la Banque centrale européenne. C’est bien la finance qu’il faut mettre au pas parce que c’est elle qui, pour une large part, barre la route à toute transformation progressiste. A ce titre, la perspective d’un audit public des dettes d’Etat et de la création d’un crédit nouveau, sélectif, pour le travail, le développement des individus et la métamorphose écologique, devient décisive et unificatrice pour sortir de l’austérité et de la crise.
Rien ne sert de composer avec la loi de la finance. Elle ne sera jamais rassasiée. C’est à défricher les chemins inédits de construction d’un large front citoyen unitaire et progressiste européen contre le mur de l’argent en Europe qu’il nous faut travailler, avec patience et détermination.
04/10/2012