Changer de régime !

le 25 mai 2016

loitravailintersyndicale

Par Patrick Le Hyaric

Que le président de la République puisse froidement déclarer, il y a quelques jours, qu’il « ne cédera pas » sur la loi de précarisation du travail, prouve une nouvelle fois la perversité de notre régime de monarchie présidentielle. L’immense majorité de nos concitoyens est opposée à ce projet et le fait savoir. Il n’y a pas de majorité à l’Assemblée nationale pour le voter. Une partie du groupe socialiste est contre. Une autre se tait par discipline. Quant au Président, ni dans « la primaire », ni dans sa campagne électorale, il n’a défendu cette thèse. Devenu Président, il se donne les mains libres et impose ses choix. Il fait le contraire de ce à quoi il s’était engagé devant les électeurs et impose ce qu’il s’était bien gardé de leur dire ! On pourra  disserter ensuite longuement sur la désaffection des citoyens à l’égard de pratiques politiques et d’institutions dont ils ont bien du mal à saisir en quoi elles leur sont utiles. Et, la droite promet elle de gouverner par ordonnances pour imposer en cent jours une cure ultralibérale copiée sur Mme Thatcher. Que dans ces conditions, nos concitoyens continuent à être attachés à l’élection directe du Président de la République signifie sans doute qu’ils ne font pas encore suffisamment le lien entre ce qui leur arrive et le pouvoir absolu conféré à l’exécutif. Pouvoir sans partage, puisque depuis l’inversion du calendrier électoral, ils sont invités à élire des députés susceptibles de donner une majorité au Président qu’ils viennent de choisir. La boucle est ainsi bouclée avec des parlementaires dont le sort dépend de l’hôte de l’Elysée, bien incapables de contrôler le pouvoir exécutif et de rendre des comptes aux femmes et aux hommes qui les ont élus. Ce tonitruant « Je ne cèderai pas »  tourne le dos à toute l’histoire de la gauche. Il ne satisfait que le manitou du  grand patronat, et l’ingénieux concepteur d’une fraude fiscale d’Etat, le Président de la Commission européenne M. Juncker. « La réforme du droit du travail, voulue et imposée par le gouvernement Valls, est le minimum de ce qu’il faut faire » a-t-il asséné.

Le moment actuel pourrait permettre d’éclairer de façon plus concrète et accessible la nécessité de déchirer le bâillon institutionnel et de reconquérir la souveraineté populaire. Aujourd’hui, les citoyens ont le sentiment de n’exister qu’au moment de l’élection présidentielle. Ils sont déclarés hors-jeu dans l’intervalle. Mais ils constatent aussi qu’ils sont plutôt invités à écarter tel ou tel candidat qu’à choisir un projet politique et l’homme ou la femme susceptible de l’incarner et d’en impulser la mise en œuvre. Dans ces conditions, on comprend leur peu d’empressement à voir rejouer en 2017, avec les mêmes acteurs, le film de 2012 alors que le scénario qui leur avait été promis a été profondément bouleversé en cours de route sans qu’ils puissent intervenir. Leur demande de respect des engagements pris ne devient qu’un cri perdu qui se fracasse sur le mur froid du pouvoir exécutif. Dans un système parlementaire combiné à de nouvelles pratiques démocratiques, il n’y aurait vraisemblablement pas eu de loi « travail ».

Nos institutions à bout de souffle pervertissent le concept même de démocratie. Il devient urgent de remettre tout cela d’aplomb, c’est-à-dire, avoir comme point de départ et d’arrivée, les citoyens eux-mêmes grâce à la combinaison harmonieuse de la démocratie directe et de la démocratie représentative, à laquelle n’échapperait aucun domaine de la vie en société, à commencer par celui du travail, aujourd’hui zone interdite. Le chantier est immense et appelle invention et créativité avec la pleine utilisation des outils nouveaux de communication et de participation. Sans attendre, redonner au Parlement le primat politique devrait devenir un objectif prioritaire qui supposerait de cesser d’ensevelir l’élection des députés sous le présidentialisme. Avec les mouvements sociaux et citoyens, des députés libérés de la tutelle présidentielle seraient les garants de l’expression des rapports de forces réels dans le pays. Avec la possibilité de porter au Parlement, puis de contrôler, des représentants, élus proportionnellement au nombre de voix recueillies, qui mèneront la lutte contre la prédation financière, décidés à affronter les logiques du capital, pour la souveraineté populaire et contre les actuels traités européens, deviendrait crédible l’ambition de renouer avec un progressisme de notre époque, aussi attentif au sort de la planète qu’à celui des individus qui la peuplent. Dès lors, pourrait s’imposer un droit nouveau qui sécurise le travail et anticipe ses métamorphoses, la défense des services publics comme des collectivités territoriales et des biens communs. Notre pays pourrait sans détour se prononcer pour l’arrêt des négociations sur le grand marché transatlantique, engagerait une nouvelle réflexion sur le changement de la construction européenne et les députés seraient maîtres des décisions d’engager la France dans des guerres. Autant de choix de nature à faire reculer l’ultralibéralisme ambiant et à couper l’herbe sous le pied d’une extrême-droite qui se nourrit de ses méfaits. Il s’agit ni plus ni moins que d’inventer et de construire la première République sociale, démocratique et écologique. Et chacun est à même de mieux mesurer en ce moment combien les choses auraient été différentes si des députés, libres de leurs choix, s’étaient opposés à la loi El Khomri. Imaginons un groupe Front de gauche et communiste plus important ! L’exécutif n’aurait pas eu l’espace politique pour ces mesures, les plus réactionnaires depuis quatre ans. Ces enjeux appellent à considérer avec le plus grand sérieux l’élection des députés. Bref, pour changer de politique, tout indique qu’il faudra la transformer elle-même jusqu’à changer de régime.


18 commentaires


Nassiet 25 mai 2016 à 22 h 42 min

100% d’accord, mais les choses étant malheureusement ce qu’elles sont, la question du candidat de gauche pour la présidentielle 2017 demeure et braquer les projecteurs électoraux sur les législatives ne suffit pas vu la culture politique actuelle. Si Pierre Laurent ne souhaite pas se présenter, alors il nous faut tout de même un candidat(e) communiste… qu’en pensez-vous ? j’ai voté une fois Mélenchon en 2012; mais je ne le referai plus!

Le.Ché 29 mai 2016 à 11 h 44 min

Il ne faut pas être raciste, Mélenchon peut être un bon candidat, il faut surtout savoir ce qu’il y a dans le programme, alors là c’est le PCF qui doit se révolutionner car son programme n’est pas à la hauteur, il faudrait qu’il soit au moins marxiste. Celui du PARDEM lui au moins est à la hauteur en soutenant la démondialisation.

Estela Lopez 26 mai 2016 à 15 h 31 min

Oui… plutôt d’accord.
Je vote, tu votes, il vote, nous votons vous votez, ils nous trahissent.

Cependant… aujourd’hui il y a URGENCE.
Aujourd’hui je dis:Ehhhhoooooo!!!!!
Et si chaque citoyen se constituait en
“FRANCE DEBOUT”
et s’auto-convocait “un de ces quatre”, bien au-delà de toute organisation syndicale en MANIFESTATION vers la place principale du village, la place historique de rassemblement de chaque ville… pour dire tous
RETRAIT DE LA LOI TRAVAIL
Peut-être qu’ils comprendraient non????

Faites circuler… on ne sait jamais. Peut-être nous sommes plus d’un à le penser et à le vouloir.

Bataille Louis 27 mai 2016 à 1 h 04 min

Déjà si les personnes de gauche arretaient avec leur querelle , on aurait , nous peuple de gauche plus de chance de l’emporter. Or je vois à la lecture de ce texte, déjà le premier commentaire qui se refuse de voter Melenchon, alors qu’à ce jour, il est le seul candidat de gauche…Bref on est mal barré !!!!

Colombe 29 mai 2016 à 18 h 23 min

Ce n’est pas la personnalité qui compte ,mais le projet que les citoyens doivent s’approprier pour éviter la bataille des égos.

maredia-mounier 27 mai 2016 à 14 h 44 min

Changer de régime, mais n’est-ce pas un peu trop prétentieux?; il me semble que la démocratie , le pouvoir des peuples est déjà représentée par l’organisation républicaine. Je dis peut-être une bêtise mais pour moi, l’essentiel passe dans la chose publique, la res publica. Les tendances s’expriment.

Zebra 29 mai 2016 à 16 h 04 min

Changer de régime, mais n’est-ce pas un peu trop prétentieux?

NON ! Ce régime a été mis en place dans une situation d’urgence qui donnait les pleins pouvoirs, en période d’exception à un “dictateur”, dans l’esprit de la République Romaine. Mais ce pouvoir était limité dans les temps (6 mois).
Or le “général”l’a conservé et transmis à ses héritiers. Cette exception qui a perduré dans le temps est un déni de démocratie auquel il conviendrait de mettre fin au plus vite.
Il faut redonner un VRAI pouvoir au peuple et séparer le législatif de l’exécutif, quitte à lui rogner les ailes.

Le.Ché 29 mai 2016 à 11 h 35 min

Pourquoi le PCF ne soutient-il pas la proposition de J.L Mélenchon d’une 6ième république, il nous faut une république qui soit vraiment démocratique, sinon nous allons tout simplement à une dictature en France.

Colombe 29 mai 2016 à 18 h 30 min

6 eme République ,6 eme République ne veut rien dire ,c’est le contenu qui compte.
C ‘est comme , nationalisation ca ne veut rien dire si l’entreprise est gérée comme une entreprise privée ,il vaut mieux parler de socialisation des moyens de productions ,en donnant du pouvoir aux travailleurs.

alain harrison 31 mai 2016 à 20 h 51 min

Bonjour Colombe.
Qu’entendez-vous par socialisation des moyens de productions ?

Socialiser demeure vague et à interprétation.

Serait-ce la formule PS de l’entreprise progressiste !
Ou encore, de la pirouette d’UBER, qui tente le jeu de passe passe de l’ÉCONOMIE DU PARTAGE !!!

Vous voyez, le néo-lib. sauvage est éclaté, en plus d’être très intégré, deux dimensions.

Mais nous…..

Et puis, quand on parle de socialiser, les pourfendeurs ramènent le populisme, un de leurs clous préférés qui sème la confusion.

Nous devons sortir de la confusion et être plus précis.

Les coopératives autogérées par les travailleurs-citoyennes, sans patron.

Voilà une notion que le FN fuit comme la peste, et pour cela les PME sont propices au FN.

Et chez les travailleurs, la notion du coopératisme est mal comprise, sans doute.

Comment organiser un Hôpital en coopérative de santé. Trop gros !
Ce n’est qu’un exemple.
Voyez, voilà une question des plus intéressantes
à explorer.

Former des regroupements d’exploration serait un nouvel outil. Il y a des gens propices à cela.

Les patrons ne lâcheront pas le morceau.

Nous pouvons développer des moyens. Légaux mais moralement discutable.
C’est leur jeu, et tôt ou tard ça rebondi.
La fourberie, même de plusieurs millénaires, ignorance oblige des époques passées, restent de la fourberie. Un crime reste un crime. Un viol reste un viol.
L’arroseur arrosé !!!

Colombe 3 juin 2016 à 10 h 00 min

J’ai travaillé dans une entreprise qui a été nationalisée en 1982 ,elle comptait 824 salariés. A la tete de cette entreprise des dirigeants ont été remplacés et les problémes ont commencés.
Les éffectifs n’ont pas arrété de chuter jusqu’a la fermeture. Cette entreprise était leadeur mondial .
Les salariés n’avaient aucun pouvoir.Toutes les propositions que l’on faisait etait rejetées.On nous disait :” eh bien si ce sont les ouvriérs maintenant qui nous disent ce qu’il faut faire!”
De plus on a vu en URSS dans les entreprises d’Etat tout venait d’en haut ,les travailleurs n’avaient pas de pouvoir ,c’était la dictature sur le prolétariat,il ne faut pas refaire cette erreur.

C’est pour quoi je dit socialisation des moyens de productions. Dans l’entreprise on travaille socialement c’est a dire a plusieurs c’est pourquoi il faut donner du pouvoir aux travailleurs.
En 2002 ils ont vendu l’entreprise a un concurrent qui la fermée ensuite pour la délocaliser. Au Comité Central d’Entreprise un vote a eu lieu pour ou contre la vente ,la CGT majoritaire a voté contre .La direction a répondu :”C’est votre avis mais nous on vend.” On a droit a la parole ,mais aucun pouvoir. Patron privé ou Etat patron il n’y a pas beaucoup de différence .C’est pourquoi il faut donner du pouvoir aux travailleurs dans l’entreprise.

Patrice Urvoy 30 mai 2016 à 5 h 16 min

Ancien membre du Parti, compagnon de route et lecteur assidu de l’Huma, je soutiens Mélenchon.
Il a bien vu qu’une primaire “de gauche” était un piège. Il propose une constituante pour mettre fin à la monarchie.
Si les députés “socialistes” frondeurs et les députés de la véritable gauche votaient avec la droite pour déjouer l’immonde 49-3, Valls serait dehors !

Colombe 31 mai 2016 à 8 h 43 min

Il ne faut pas oublier que Mélenchon a appelé a voter oui au traité de Maastrisht ,traité qui nous a conduit dans la situation que nous sommes aujourd’hui.Le PCF a été plus clair en appelant a voter non.
C’est le PCF qui a percu le 1er les débuts de la crise dés 1967.
Les médias ne sont pas neutres, entre Melenchon et nous on sait bien qu’ils mettront en avant Mélenchon pour nous diviser.

alain harrison 31 mai 2016 à 21 h 08 min

Colombe, vous touchez un point.

Alors quelle personnalité ne diviserait pas ?

Colombe 3 juin 2016 à 10 h 02 min

C’est pourquoi le projet doit passer avant la personnalité.

alain harrison 31 mai 2016 à 21 h 05 min

Bonjour Patrice Urvoy.

Je vous suis, Mélenchon prend de l’initiative et il fait bien, il a compris qu’il faut cesser de se complaire dans les slogans et les chicanes et d’égo.

La constituante doit être le moment du choix des représentants aux élections, et le moment de l’agenda politique en y associant les nombreuses initiatives “citoyennes” des dernières années.

Pour construire l’agenda et les priorités “synergiques”.

Il y aura toujours de la controverse sur toute personnalité et les remises en surface de leur squelette dans le placard.

Pierre Laurent est-il mieux, est-il plus solide, plus frondeur.

Chavez était frondeur, il n’avait pas la langue dans sa poche, et connaissait bien la mentalité.

La culture forme la mentalité d’un peuple, ou si vous préférez les moeurs.

C’est une dimension incontournable.

Mais le discours doit parler des vérités des choses.

alain harrison 31 mai 2016 à 22 h 37 min

Une chose encore concernant le nombre de mandat d’un président.
Hollande peut parfaitement faire plus de deux mandats. OUI NON. S’il a la confiance de son parti et de ses membres. Ici, au Canada et au Québec, c’est comme ça que ça marche.

Alors, pourquoi ce tollé hypocrite contre les référendums de Chavez et dernièrement celui de Moralès !?

alain harrison 2 juin 2016 à 7 h 39 min

Busch à inauguré le Nouvel Ordre:

Mondialisation du capital et militarisme : les interelations

Par Claude Serfati. Chercheur, spécialiste de l’économie d’armement
paru dans le bulletin D’ATTAC, avril 2003.

– Dans la doctrine de sécurité nationale des Etats-Unis rappelée par l’Administration Bush en septembre 2202, il n’est pas seulement mentionné la doctrine de la “guerre préventive” ce qui est désormais bien connu. Il est aussi affirmé que “la paix, la démocratie, la liberté des marchés, le libre-échange” doivent être défendus comme des “valeurs non négociables de la dignité humaine” . Ce qui signifie qu’elles sont bien sûr justiciables d’une défense militaire. Sur ces questions, le continent latino-américain sera dans les mois qui viennent, plus encore que dans le passé récent un lieu déterminant où sera posée la question de la relation entre la mondialisation et la “guerre sans limites”. L’articulation entre l’extension des “marchés” (en particulier par la création de la ZLEA en 2005) et la posture militaire des Administrations américaines (dont le “Plan Colombie” est un des emblèmes) éclaire sur la relation de l’économie au militaire.

http://journal.alternatives.ca/spip.php?article1470

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