Un coup de pistolet italien dans le concert de l’Euro-libéralisme

le 14 mars 2018

Les élections générales italiennes ont sonné comme un nouveau coup de tonnerre dans un ciel européen déjà bien chargé. Si la percée de la « Lega » xénophobe et antisociale est le nouveau signe inquiétant de l’affermissement d’une extrême droite européenne, le succès du Mouvement cinq étoiles révèle autant qu’il amplifie la crise de la politique.

La question migratoire face à laquelle l’Italie a été lâchement abandonnée par ses « amis » européens a bien sûr joué dans le score final. Mais ignorer le terreau économique et social sur lequel prospèrent les idées de rejet conduirait à une erreur  d’analyse.  L’Italie est un des pays qui a le plus souffert des effets de la crise de 2008. Sa dette publique a explosé pour éponger la gabegie bancaire, atteignant plus de 130 % des richesses produites. Le modèle italien de petites et moyennes entreprises réunies dans un réseau dense autour de filières industrielles à faible valeur ajoutée s’est fracassé sur l’accélération de la mondialisation capitaliste, les phénomènes de concentration et la concurrence des pays émergents. Les réponses austéritaires apportées par le commis de la banque Goldman Sachs Mario Monti, parachuté en 2011 à la tête du gouvernement, ont aggravé la situation. Le fameux Job Acts exigé par la commission européenne et mis en place par M. Renzi pour flexibiliser encore et toujours le travail et pressurer les salaires, a eu les mêmes effets. Le chômage n’a pas reculé. Par contre la précarité du travail s’est accentuée. Sur les dix dernières années, l’investissement a chuté de 22.4 % alors que l’argent versé par la BCE a coulé à flots pour nourrir le grand capital, laissant mourir à petits feux le modèle social sur lequel s’est bâti l’Italie moderne, bousculant tous les repères.

Les choix ultralibéraux, antisociaux, anti-solidaires ont brisé les idées de coopération européenne. Ailleurs, les mêmes choix, s’ils se poursuivent plus longtemps, perdront les peuples, particulièrement les travailleurs, dans les dents acérées des nationalismes, entretenant l’illusion qu’ils sont « antisystèmes » quand ils en constituent des béquilles. L’offensive des milieux capitalistes a rendu caduques les modèles distributifs nationaux dont se prévalaient le mouvement communiste depuis la Libération comme la social-démocratie jusqu’au milieu des années 1980. Cela n’a pas fait disparaître la nécessité du combat pour l’égalité politique et sociale, même si obligation est faite de renouvellement de ses formes, méthodes et moyens. La question posée aux peuples n’est donc pas la restriction de la liberté de circulation des personnes mais celle bien plus fondamentale d’une nouvelle manière de produire où chaque travailleur se verrait garantir un travail et une formation tout au long de la vie. « L’autre » n’est pas l’adversaire mais l’allié pour obtenir l’abolition de l’actuel pacte budgétaire européen qui étrangle les indispensables dépenses publiques pour l’école, la justice, les transports, la sécurité, la vie communale, pour impulser la création de nouveaux services publics et formes de propriété citoyenne.

Ce serait possible grâce à la création d’un fonds européen pour le progrès social, humain et environnemental, alimenté par les millions de milliards d’euros créés par la Banque centrale européenne, la taxation des mastodontes du numérique qui pillent nos savoirs, nos créations et nos richesses sans débourser d’impôts, le rapatriement des immenses sommes volées et détournées dans les paradis fiscaux.

La solution n’est donc pas le repli sur soi. Les défis climatiques, migratoires, sanitaires et les luttes contre les puissances financières ou numériques appellent au contraire à la mise en commun des énergies et des actions dans le cadre d’une autre construction européenne à la fois coopérative et respectueuse des souverainetés populaires : une union de nations et de peuples associés, libres et souverains. C’est un tout autre projet que celui qui pousse dans les impasses de l’euro-libéralisme ou des nationalismes qui alimentent la guerre économique et la militarisation au lieu d’avancer vers la transformation de la mondialisation capitaliste en une mondialité coopérative et de paix.

Seul un mouvement citoyen et populaire, porteur de progrès social et environnemental, pourra s’affirmer en positif sur les décombres actuels. Ce projet continental totalement repensé, refondé pourra prendre appui sur les contradictions qui minent l’Europe, sur ses formidables atouts, sa jeunesse formée, son potentiel créatif bridé par le règne de l’argent. L’action des travailleurs allemands pour la revalorisation des salaires et la baisse du temps de travail, au cœur d’un pays dont les élites écrasent de leur talon de fer les peuples européens, prend dès lors une importance considérable. Se rapprocher d’eux et engager un dialogue avec tous les travailleurs du continent apparaît comme une absolue nécessité au moment où les salariés, et particulièrement les plus précaires d’entre eux, sont laissés à l’abandon. Ce chantier doit s’ouvrir pour qu’une gauche de facture nouvelle, sociale et écologique, émerge de la colère populaire pour révolutionner l’Europe et, avec elle, les nations européennes.


4 commentaires


Moreau 14 mars 2018 à 20 h 27 min

C’est une idée d’Europe insoumise républicaine, démocratique, universaliste ; ça. Pour le moment, c’est de l’inédit, c’est ce qu’il faut, de l’inédit, en dépassant tous les nationalismes de droite, de gauche (fausse gauche), ou d’ailleurs.

Je n’ai pas de compétences dans la finance, mais je pense que seul un communisme du vingt et unième siècle (il faut écrire le livre du 21ème siècle), communisme à souhait pour se démarquer de toute dictature, pour la République universaliste comme pour la finance peut tout changer positivement.

Je lis bien :

« Ce serait possible grâce à la création d’un fonds européen pour le progrès social, humain et environnemental, alimenté par les millions de milliards d’euros créés par la Banque centrale européenne, la taxation des mastodontes du numérique qui pillent nos savoirs, nos créations et nos richesses sans débourser d’impôts, le rapatriement des immenses sommes volées et détournées dans les paradis fiscaux. »

Je suggère sans aucune compétence particulière si ce n’est en constitution d’une république universaliste du vingt et unième siècle, pour essayer de participer au déblocage de la transformation du communisme ; de réaliser la création d’un banque communiste sans frontières qui commencerait en Union Européenne et qui serait compatible avec le FMI, il y a déjà une banque communiste chinoise ; donc ça démontre la réalisabilité.

Je pense que pour le changement nécessaire et indispensable qui manque cruellement, il faut un bon communisme qui ramènera le capitalisme dominant et destructeur à l’équilibre qui en est le seul dépassement réel pacifique dont la Constitution républicaine universaliste avec son volet communiste inédit et si possible une banque communiste sans frontières prenant naissance en Europe insoumise. La constitution doit être compatible avec l’Organisation (républicaine j’insiste) des Nations Unies ; et la banque communiste sans frontières doit être compatible avec le FMI.

Un rassemblement européen en faveur de l’alternance communiste deviendrait ainsi à portée ; les libéraux républicains universalistes et les socialistes républicains universalistes seraient nombreux à approuver.

Le grand principe du communisme doit être « Communisme du vingt et unième siècle à souhait » ; le communisme totalitaire, plus jamais. Mais ça suppose que les partis communistes des pays de l’Union Européenne travaillent le bon communisme et abandonne irréversiblement le mauvais communisme ; ce serait bien ça, une transformation réelle promise depuis 2007, onze années gaspillées et encore rien ; d’où les votes fous et les abstentions, tout est de la faute des partis.

République aux qualités universelles, Commerce et associatif mondiaux, Finance, Justice ; tout construire le monde tel qu’il devrait être déjà, avec l’ONU, l’OMC, Le FMI, la CJI .

Il faut associer ce qui existe et qui est associable car compatible, et ce qui est inédit et réalisable.

Moreau 15 mars 2018 à 9 h 40 min

2007-2018 Quel temps perdu pour une opposition républicaine irréversible à l’ultracapitalisme qui détruit beaucoup de vies ; pour proclamer qu’il faut faire travailler plus les machines et moins les Hommes ; pour faire le revenu universel français et européen et mieux, pour faire la sécurité sociale française et européenne à 90 % ; pour donner comme première preuve de l’égalité, un service de santé dans chaque communde de France ; pour développer l’associatif culturel, utile, et sportif  !… Quel temps gaspillé pour réduire l’ultracapitalisme à l’équilibre politique sans lequel il n’y a pas de politique pour tous, c’est ce que dit sûre d’elle, l’abstention bien fondée !

Philois83 17 mars 2018 à 5 h 48 min

Ce n’est pas seulement la crise qui “favorise” l’extrême droite. C’est d’abord le problème migratoire. Imposer aux peuples cette migration, sans contrainte est insupportable. Sans mettre en œuvre des actions pour éradiquer les causes des migrations : cesser l’exploitation des richesses du sous sol, cesser de fomenter guerres, révolutions, corruptions… Aider aux développements des pays en voie de développement pour que les autochtones puissent vivre et élever leur famille dignement.

Joël Le Bras 17 mars 2018 à 15 h 42 min

Parfaitement d’accord.
Juste un truc : “l’Italie est un DES pays qui ONT…”
Merci.

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