L’échec du soviétisme, l’échec des tentatives sociales-démocrates et la crise historique du capitalisme appellent une mobilisation de la réflexion

le 6 novembre 2009

EDITORIAL DE L’HUMANITE DIMANCHE

Nous ne nous plaindrons pas que beaucoup de choses soient dites à propos du 20ème anniversaire de la destruction du mur de Berlin. Un tel événement, de portée historique, appelle en effet des débats, sans tabou, au moment où le capitalisme fait la preuve de son incapacité à résoudre les questions fondamentales posées à l’humanité. Pour être salutaire, utile,  qu’ils soient les plus approfondis,  les plus sérieux,  les plus ouverts et contradictoires possibles.

La construction du  mur de Berlin a certes été le produit d’une histoire tragique. Mais, remarquons cette incongruité de la séparation du peuple allemand par un mur hermétique, gardé par des militaires et des policiers, autorisés à tirer sur toute personne tentant de le franchir. Son effondrement est aussi le résultat d’une histoire tout aussi dramatique que préoccupante : celle de la perversion d’un bel idéal baptisé « communisme » ou « socialisme ».

La chute du mur qui n’était que l’une des phases terminales d’un processus entamé des années auparavant, a accéléré la fin de ce système nommé du mot de « communisme » alors qu’il s’agissait de sa caricature « le soviétisme ». Qu’il ait apporté un certain nombre de progrès sociaux, des avancées, dans l’accès à la santé, à l’éducation, au logement, à la culture, à la garantie de l’emploi, est indéniable. Mais, le niveau de vie des populations y était resté faible, l’accès aux biens de consommation courante difficile et surtout, une tare profonde, indélébile le conduisait inexorablement à sa perte : son refus de reconnaître la démocratie et la liberté, comme des données humaines, universelles pour tout progrès humain, social, culturel, a fortiori lorsqu’on prétend construire une société faite pour l’émancipation humaine.

Cette caractéristique fondamentale a marqué et continue de marquer l’ensemble des mouvements qui se réfèrent au communisme à l’échelle de la planète. Or, ne pas vouloir s’y attaquer, en théorie comme en pratique, aboutit à ce que l’idée communiste elle-même s’éteigne. Elle n’est pas née en Union soviétique. Elle trouve sa source dans la tradition de l’utopie sociale de Platon à Thomas More en 1517, puis chez Rétif de La Bretonne en 1797 ou encore Babeuf que Jaurès qualifiait de « notre grand communiste ».

L’échec de cette tentative de transformation sociale, amorcée avec la révolution de 1917, est un drame, une déchirure pour des générations d’hommes et de femmes à travers le monde, pour qui elle représenta une puissante espérance. Certes, cette révolution dut faire face à de puissantes forces opposées. Mais, n’est-ce pas le lot de toute révolution ? Celle-ci aurait d’ailleurs pu réussir si elle avait eu l’assentiment des peuples. Le stalinisme l’a entachée à jamais.

 Le rapport de N. Krouchtchev en février 1956 avait tenté de jeter les bases d’une auto-transformation. Il avait agi comme un violent choc éclairant la nature d’un système, ses crimes abominables, le culte de la personnalité, l’état policier qu’il avait engendré, y compris à l’égard des communistes eux-mêmes, les prisons, les asiles psychiatriques et les goulags. Malheureusement, il en fut tenu peu de compte, ni en Union soviétique, ni d’ailleurs en France puisque le Parti communiste français alla jusqu’à cacher l’existence et le contenu de ce rapport.

Au lieu d’associer les citoyens à la construction d’une société supérieure au capitalisme, le soviétisme s’est acharné à vouloir perdurer de force contre l’opinion et les aspirations des peuples. Les exemples ne manquent malheureusement pas. De l’invasion de la Hongrie en 1956 aux chars russes contre le peuple tchécoslovaque en 1968 parce qu’il recherchait une voie nouvelle pour un socialisme à visage humain. De l’état de siège en Pologne, face au syndicat Solidarnosc en 1981 à la mise à l’écart de toute voix discordante dans l’appareil d’état ou dans les directions des partis communistes eux-mêmes, certes toujours… « pour raison de santé ». Et puis la catastrophe de Tchernobyl a agi comme un violent révélateur qui en disait long sur les retards de développement et le peu de cas accordé aux enjeux environnementaux, dans un pays qui pourtant avait ouvert la voie à l’aventure spatiale. Après ces échecs, les peuples de ces pays sont aujourd’hui les victimes de l’ultra libéralisme le plus sauvage et sont, de fait, la variable d’ajustement d’une construction européenne au service des puissances d’argent.

La démolition du mur de Berlin est le symbole de l’échec d’un type d’alternative au capitalisme et à l’impérialisme. Cela fait-il de l’idée communiste un astre mort ? Je ne le crois pas. Le soviétisme ou le prétendu communisme soviétique est du passé, d’un passé à ne pas oublier. Mais le communisme peut avoir un avenir à condition qu’il se ressource à ses origines, à l’humanisme, à la démocratie, à l’authentique partage. A  condition aussi qu’il se frotte au temps de l’évolution des sociétés et des êtres humains. Ceux-ci ne peuvent être brutalisés par quelque dictature que ce soit. Au contraire, ils doivent être les auteurs et les acteurs de leur propre histoire donc de l’évolution révolutionnaire des sociétés.

C’est dans le partage des savoirs, des biens et des richesses, des pouvoirs, dans une démocratie authentique, plurielle que peut naître autre chose que le capitalisme en crise. C’est à partir de ces éléments que peut naître, mûrir et progresser ce que l’on pourrait appeler « communisme ». Ce mouvement permanent qui dépasserait sans cesse l’état des choses existant. C’est d’autant plus nécessaire quand on entend le secrétaire général des Nations Unies, s’écrier comme il l’a fait récemment : « nous fonçons vers l’abîme ».

Nous ne sommes donc pas à la fin de l’histoire. Mais à un moment charnière de celle-ci où l’échec du soviétisme, l’échec des tentatives sociales-démocrates de changement et la crise historique du capitalisme appellent plus que jamais une mobilisation dans la réflexion, l’analyse des échecs, le débat contradictoire à leur propos et l’expérimentation de nouvelles formes d’action, de gestion, de participation citoyenne dans le cadre d’une démocratie d’intervention.

Il est un fait que la désintégration du soviétisme n’a pas rendu le monde meilleur. Au contraire, il a permis un déchaînement sans précédent des forces du capital devenues encore plus agressives, anti sociales, anti démocratiques, anti humaines.

Vingt ans après, la planète n’a jamais été hérissée d’autant de murs infranchissables. Mis bout à bout, ils parcourent 18 000 kilomètres. Le monde est globalisé. La liberté de circulation des biens et des hommes ne vaut que pour les besoins du grand capital.

Il y’a ce mur de la honte qui sépare la Palestine du reste de la planète ou celui qui longe la frontière mexicaine avec les Etats-Unis. Le mur de l’argent n’a jamais été si haut. Les idéologues de la réaction nous avaient promis « un monde libre », des murs de fer séparent désormais de plus en plus les êtres humains de l’accès à leurs droits fondamentaux.

Les guerres et les conflits se sont multipliés de la première guerre du Golfe à celle de l’ex Yougoslavie, à l’Irak et à l’Afghanistan. Des forces terroristes se nourrissent de la pauvreté et de la misère. Le fossé des inégalités se creuse. Le chômage est devenu un cancer mondial tandis qu’un milliard d’individus souffrent désormais de la famine et de la malnutrition. Et la fin de l’asile, le renvoi de réfugiés afghans ou rwandais, n’est-il pas le visage hideux de nouveaux murs ?  

L’heure est donc bien à trouver une issue à tout cela. Celle-ci ne peut être que post-capitaliste. Certes, celles et ceux qui aspirent aujourd’hui à une autre société et à un autre monde, ont du mal à énoncer un projet d’alternative. Mais les principes d’égalité, de justice, de démocratie, de désarmement et de paix, de sociétés fraternelles, respectueuses de chacun et de chacune, de l’environnement ne constituent-ils pas les bases à jeter pour un tel processus progressiste ?

Celui-ci combinerait liberté et démocratie d’intervention. Nouvelles formes de gestion des mairies, des départements et des régions mais aussi  de toutes les entreprises. Reconnaissance des biens communs, appropriés par la communauté des hommes et non plus par les forces de l’argent, afin que vive l’égalité et la justice, avec l’élaboration de moyens nouveaux dont l’égalité d’accès de toutes et de tous à un travail et une formation garantis. De bonnes rémunérations grâce à un nouveau partage des richesses. Une économie plurielle combinant un secteur public dominant, combiné avec d’autres formes de propriété sociale, coopérative, mutualiste, propriété et initiative individuelle, économie solidaire, maîtrise par le peuple des secteurs bancaires, publics, pour l’accès à un crédit non usuraire. De nouveaux choix mettraient désormais l’accent sur les qualités de la vie, l’éducation, la formation tout au long de la vie, des activités utiles au service de toutes et tous, la culture, l’émancipation individuelle, la préservation des ressources naturelles, l’environnement, un changement total des modes de production et de consommation.

Ce nouveau monde frappe à la porte. C’est la belle œuvre humaine à accomplir aujourd’hui pour qu’enfin éclose l’humanité ; une société et un monde d’hommes libres, égaux et associés. Belle ambition enthousiasmante !


0 commentaires


Daniel Paquet 7 novembre 2009 à 5 h 52 min

Oui, voilà j’hésite… Me permets-tu le tutoiement, Patrick. Ici au Canada c’est plus notre tasse de thé et c’est toujours respectueux, même si c’est familier. Bon, je suis d’accord avec ton éditorial. Maisje voudrais tout de même t’expliquer pourquoi j’ai été “stalinien” et un farouche défenseur de la République démocratique allemande.
Ici, au Québec (c’est le coin de pays que je connais le mieux), la campagne médiatique contre l’idéal communiste n’a jamais vraiment cessé. Être communiste, c’est être un peu fou (à prendre au premier degré). En effet, comment -au royaume des libertés individuelles- pouvons-nous accepter qu’une poignée d’hommes et de femmes, plus souvent qu’autrement, maladroitement revendiquement une société où le capitalisme sera aboli. Tout de suite, cette exigence est ridiculisée, même si les communistes avaient en tête le grand capital.
La droite a de l’argent et elle peut acheter bien des consciences, y compris celles d’intellectuels qui pourraient aider la classe ouvrière à mieux verbaliser ses intentions. Nous vivons dans un monde dur. C’est pourquoi, les communistes canadiens se sont agrippés à l’URSS qui semblait indétrônable. Les plus instruits, ici, ajoutaient qu’on ne fait pas d’omelette sans “casser les oeufs”.
En général, nous étions malhabiles et ignorants. Nous avons beaucoup soufferts de la disparition de l’Union soviétique. C’est comme si nous avions perdu un être cher. Malgré tout, le parti communiste du Canada, a survécu, les travailleurs (peu nombreux au départ) ont accepté l’idée que ses militants étaient toujours nécessaires pour lutter contre les néo-nazis, les racistes, les tenants d’une attitude rigide à l’égard de la femme et de la jeunesse tant qu’à y être.
De plus en plus de syndicalistes acceptent cette idée que les communistes ont fait leur examen de conscience, mais que plus fort que tout, demeure un indérarinable amour pour le prolétariat, le monde de la culture et la démocratie dans notre beau, jeune et grand pays qui trouvera à faire parler de lui comme partie prenante aux luttes pour la paix et le progrès dans le monde et ouvert non seulement aux peuples des anciens pays socialistes, mais aussi à ceux qui se choisissent une nouvelle voie comme le peuple français. Merci beaucoup de votre patience et vive l’amitié entre les peuples de France et du Canada.

Daniel Paquet, danieleugpaquet@yahoo.ca

Pierre Kulemann 10 novembre 2009 à 8 h 06 min

Un beau texte très simple et émouvant de Daniel Paquet.
Quel contraste avec tous ceux qui disent, comme Susan George dans l’Humanité Dimanche du jeudi 5 novembre, page 72, “Je n’ai jamais eu de sympathie particulière pour l’Union Soviétique”!
Quelle ingratitude chez cette étatsunienne envers l’Union Soviétique, ce héros de la guerre antifasciste et de la lutte anticoloniale!
Est-ce cela le nouvel altermondialisme!

Michel Pastor 10 novembre 2009 à 16 h 54 min

Aunque la traducción sea bastante incorrecta ,el mensaje es coerente y compartido ,hace falta la suficiente voluntad de limar las fantacias que genero la URS en la izquierda y a partir de ahi creer un nuevo modelo social economico y cultural dentro de ella .Los modelos stalinistas y sus derivados en el seno de la izquierda le hacen el juego al gran capital…

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