Que la paix, soit un projet politique européen

le 22 mai 2024

Les flammes de la guerre lèchent dangereusement les frontières de l’Union européenne. Pourtant, l’enjeu de la paix sur le continent est évacué des débats préparatoires au scrutin européen du 9 juin prochain. Pire, lorsqu’il ne l’est pas, des va-t-en-guerre jettent de l’huile sur le feu, au risque de mener à l’apocalypse nucléaire.

Rien ou si peu n’est engagé pour rechercher une voie politique et réduire les souffrances et les destructions causées par l’armée de M. Poutine à l’Est. Quant au sud, on se contente de tombereaux de mots creux au-dessus des tombeaux où chaque jour sont enterrés les enfants de Gaza. D’un côté l’impérium nord-américains, et quelques pays européens dont la France, parachutent des miettes d’aide humanitaire aux Gazaouis, et de l’autre ils vendent armes et équipements au pouvoir israélien qui multiplie crimes de guerre et crimes contre l’humanité, à tel point que la Cour pénale internationale (CPI) met en garde contre le « risque de génocide ». La Maison-Blanche est vent debout contre le procureur de cette cour qui vient de déposer des requêtes pour poursuivre les responsables du Hamas, du Premier ministre Israélien et de son ministre de la Défense « aux fins de délivrance de mandats d’arrêt concernant la situation dans l’État de Palestine ».

À ces macabres forfaits, s’ajoutent, de par le monde, des dizaines d’autres conflits et guerres que l’Union européenne regarde de loin, quand certains des pays membres n’y sont pas impliqués.

Pourtant, l’entité politique que constitue l’Union européenne, avec son Parlement pourrait jouer un rôle décisif afin d’ouvrir les étroits chemins politiques, diplomatiques et économiques menant vers la justice, la paix et un avenir commun des peuples. Un tel projet est indispensable au moment où il y a tant à construire pour une sécurité humaine globale : environnementale, alimentaire, sanitaire, sociale. Et tant à faire encore pour l’égalité dans le progrès, notamment entre les femmes et les hommes.

Au lieu de la coûteuse et destructrice économie de guerre, les institutions européennes pourraient s’engager vers une économie de paix, de coopération et de solidarité. En se plaçant du côté de la paix, de la prévention des conflits, de la coopération, elles pourraient contribuer à la création d’un rapport de force obligeant M. Poutine à s’asseoir à la table de négociations, après avoir décrété un cessez-le-feu.

Or, la crédibilité des institutions européennes est quasi nulle, à cause, de leur alignement de plus en plus ostensible sur l’administration nord-américaine et ses bras armés, l’OTAN et le dollar.

Elles ne conçoivent le projet de défense commune européenne que, comme un pilier de l’alliance atlantique. Cet alignement est inscrit noir sur blanc dans le traité européen. Ainsi, elles participent activement à un projet d’organisation du monde à partir d’un bloc occidental capitaliste. Cette stratégie l’isole des autres grandes nations qui désormais comptent dans le monde. Elle va à l’encontre des besoins de développement harmonieux et de projets d’avenir plaçant les êtres humains et la nature au cœur. Elles s’opposent aussi à la recherche des voies du désarmement et de la paix, car elles considèrent « l’économie de guerre » comme une planche de salut pour le capitalisme à la recherche de l’amélioration de ses taux de profits.

Une France sortant du commandement intégré de l’OTAN et une Union Européenne qui, tout en fournissant du matériel militaire défensif à l’Ukraine, s’attacheraient à construire une alliance pour la paix avec la Chine, l’Inde, le Brésil, la Turquie, l’Afrique du Sud, pourraient conduire M. Poutine et M. Zelenski à une table de discussions. Qui a intérêt à nourrir le feu de la guerre – avec son cortège de morts et de destructions – à part les industries de l’armement de part et d’autre ?

Même si le chemin d’un cessez-le-feu et de la paix est étroit, il faut s’y engager pour qu’il puisse aboutir. Il est, en tout cas, préférable à l’apocalypse nucléaire que promettent d’importants cercles du Kremlin et quelques illuminés abonnés aux plateaux de télévision en Europe.

Des institutions européennes soucieuses de paix et de coopération se donneraient un audacieux projet de développement partagé, d’échanges culturels avec tous les pays du bassin méditerranéen. Elle cesserait en premier lieu de prendre parti en faveur du pouvoir israélien qui méticuleusement réduit Gaza en cendres, et bombarde, affame les populations palestiniennes, pille leurs maisons, leurs villes et villages, s’accapare les terres, les cultures, l’eau en Cisjordanie et à Jérusalem. Une nouvelle construction européenne ne se placerait ni du côté du Hamas qui sert de faire valoir à l’extrême droite israélienne, ni du côté de la puissance occupante, guerrière et colonisatrice bénéficiant de toutes les impunités de la part des puissances occidentales. Nous avions, en 2014, après un long travail au Parlement européen fait voter une résolution reconnaissant un État palestinien au côté de celui d’Israël dans les frontières de 1967 avec Jérusalem comme capitale des deux États. Cette résolution peut servir de base au Conseil et à la Commission européenne pour la reconnaissance de l’État de Palestine. L’Espagne, l’Irlande, Malte, la Slovénie s’apprêtent à annoncer cette reconnaissance officielle. De grandes personnalités israéliennes comme d’anciens présidents du parlement, des ambassadeurs, des directeurs généraux de ministères, un procureur général, des professeurs, des parlementaires, dans une tribune* adressée aux ministres des affaires étrangères des pays européens, les appellent à reconnaître le statut d’État pour la Palestine. « La reconnaissance d’un état palestinien est une question de principe et de justice historique » écrivent-ils. Ils insistent : « Un effort diplomatique aussi significatif permettrait de lever l’ambiguïté qui a entaché l’ensemble du processus de paix depuis ses débuts, remettrait la diplomatie sur les rails et forcerait les parties au conflit, ainsi que les principaux acteurs internationaux, à assumer leurs responsabilités ».

Une nouvelle Union européenne suspendant l’accord d’association qui la lie avec l’État d’Israël, décidant d’un embargo sur les technologies et équipements permettant la production des armes qui tuent à Gaza, refusant l’importation de produits israéliens des colonies modifierait le rapport des forces en faveur de l’application du droit international bafoué chaque jour depuis des décennies.

Il est urgent de réduire et de combler le fossé qui, sur les braises de Gaza se creuse toujours plus entre l’Europe et le monde arabe, qui constate, plus encore qu’hier que l’occident ne le considère pas comme un égal.

Avec son soutien « inconditionnel » au pouvoir d’extrême droite de Tel Aviv, l’Europe aura bien du mal à faire croire qu’elle représente les valeurs humanistes et les droits universels.

En sanctionnant des associations qui tout en dénonçant à la fois les crimes de guerre du Hamas et la folie guerrière israélienne, en disqualifiant les forces motrices des printemps arabes et en fustigeant les musulmans accusés de « séparatisme » et en les assimilant au terrorisme, alors que l’extrême droite est blanchie de sa tenace judéophobie, l’Union européenne accentue les clivages et la division là où il faudrait rassembler, relier, échanger, coopérer. Une autre construction européenne travaillerait à mettre fin aux dangereux engrenages dans l’ensemble du  Proche-Orient qui peut vite devenir une poudrière.

Les citoyens européens ont ce défi à relever dans l’action et dans le vote. On ne peut imaginer l’avenir au travers du prisme d’une guerre entre l’occident et le « reste du monde ». Une guerre fondée sur l’arrogante idée que cet occident capitaliste représentant « la civilisation » pourrait se donner le droit de s’affranchir du droit international pour combattre ce qu’il nomme « le mal ».

Un occident capitaliste arrogant, refusant de fermer le sanglant livre de la guerre. Ainsi, Le journal allemand « Die Welt » a révélé que cet occident, par la voix de Boris Johnson**, a fait capoter un projet de traité de paix comportant 17 pages datant du 15 avril 2022 complétant le mémorandum de 1994 entre la Russie et l’Ukraine. Ce projet d’accord prévoyait des garanties de sécurité des deux pays sous la supervision des États-Unis, de la Chine, du Royaume-Uni et de la France. La Russie souhaitait y ajouter la Biélorussie, et l’Ukraine la Turquie. Cette information, qui n’a toujours pas été démentie, prouve que les chemins de paix existaient et existent toujours. La guerre perpétuelle ne peut être l’horizon alors que tant de défis taraudent notre humanité commune.

C’est bien l’avenir de l’humanité qui se joue dans ces conflits. Ni la Russie ni Israël ne respectent le droit international. Mais l’occident, et l’Union européenne les différencient et appliquent un « deux poids, deux mesures ».

Une autre construction européenne de coopération et de paix dont les peuples seraient maître, devrait en permanence agir à partir de la négociation et du droit international contenu dans la charte des Nations Unies, dans la déclaration des droits humains de 1948, et de la convention européenne des droits humains de 1950.

C’est sur ces bases qu’elle devrait être active pour refonder un ordre international pour une paix définitive, pour préserver le climat et la biodiversité, assurer la sécurité sociale, alimentaire et sanitaire, la fraternité entre les travailleurs et les peuples. Loin de l’orientation des quinze pays européens qui, après le vote du pacte « asile – immigration » s’agitent pour réclamer l’externalisation des procédures de demande d’asile comme s’apprête à le faire le Royaume-Uni avec le Rwanda.

Une autre Europe fondée sur une association des peuples et des nations souveraines, libres et solidaires agirait en même temps pour jeter les bases d’une sécurité collective en Méditerranée et des projets de développements communs, l’augmentation substantielle de l’aide au développement humain, la taxation des transactions financières, la renégociation ou l’annulation des dettes contractées au Fonds monétaire international, la dé-dollarisation des échanges internationaux. Une telle Europe signerait le traité d’interdiction des armes nucléaires, agirait pour des traités de sécurité collective afin d’aller vers la dissolution de l’OTAN.

L’Europe de la paix durable et de la justice est l’audacieux projet politique à porter contre l’apocalypse. Au sein du Parlement européen, les communistes ont été, avec d’autres, au premier rang de ce combat essentiel et pour que le droit international ne soit plus un faux-semblant. Le vote pour leur liste le 9 juin sera un vote pour modifier le rapport des forces en faveur de la Paix.

Patrick Le Hyaric

21 mai 2024

* lettre ouverte de 17 personnalités israéliennes 9 mai 2024

**Boris Johnson, alors Premier ministre du Royaume-Uni arrivé à Kiev le 9 avril 2022.


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