Liberté de la presse en Turquie : l’Union européenne doit montrer sa vigilance

le 16 novembre 2012

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Après ma rencontre avec les représentants de la Fédération Internationale des Journalistes,  j’ai écrit à Catherine Ashton pour l’alerter sur la situation des journalistes turcs

Comme je vous l’indiquais dans un précédent billet, j’ai rencontré au Parlement européen Halide Kurt, la compagne du journaliste turc Soner Yalcin, emprisonné depuis le 14 février 2011.

Suspecté d’appartenir à une organisation clandestine visant la déstabilisation du gouvernement turc, Soner Yalcin est emprisonné  au camp de détention de Silivri. Ses prises de position, ses articles et ses livres qui font office de référence dans le journalisme d’investigation en Turquie et surtout ses critiques virulentes contre la dérive autoritaire du gouvernement actuel sont la principale cause de son emprisonnement.

L’acte d’accusation porté à son encontre, le même que pour d’autres journalistes du site d’information créé par Soner Yalcin OdaTV.com ,  se base sur des documents trouvés sur les ordinateurs du site attestant  la préparation d’un coup d’Etat. Or les journalistes d’OdaTV ont découvert ces documents devant le tribunal. D’après une expertise indépendante ceux-ci auraient été introduits via un virus dans les ordinateurs du site dans la perspective de l’accusation.

Depuis le démantèlement du réseau clandestin Ergenekon qui préparait un coup d’Etat militaire contre le gouvernement Erdogan, les autorités turques lient volontairement les journalistes qui leurs déplaisent à cette affaire afin de les décrédibiliser.

76 journalistes turcs sont actuellement incarcérés simplement pour avoir exercé leur profession. Depuis leur prison, ils ont rédigé le journal “Tutuklu Gazete”, financé par le syndicat des journalistes turcs, et Soner Yalcin a écrit un ouvrage (à la main car les ordinateurs sont interdits). Ces documents m’ont été présentés par Halide Kurt. Avec elle et les représentants de la Fédération Internationale des Journalistes j’ai pu échanger sur les actions que nous pourrions entreprendre avec d’autres groupes au Parlement européen  pour alerter sur la situation de Soner Yalcin et de ses collègues.

Ainsi, j’ai décidé de poser une question écrite prioritaire à la Commission et d’écrire à Catherine Ashton, à la tête de la diplomatie européenne. Dans ces deux documents j’ai demandé à ce que la Commission renouvelle ses demandes concernant la liberté de la presse en Turquie et ai proposé l’envoi d’un observateur lors de la prochaine audition de Soner Yalcin devant la justice turque le 16 novembre.

Voici la lettre envoyée à Catherine Ashton le 8 novembre dernier :

Madame la Haute-Représentante,

Depuis le 14 février 2011 le journaliste Soner Yalcin est emprisonné en Turquie pour le seul fait d’avoir exercé son métier.

Dans le cadre de l’affaire ODATV, un site d’information qu’il avait créé et dont il est le rédacteur en chef, les autorités turques accusent M. Yalcin de prendre part à une organisation clandestine visant la déstabilisation du gouvernement turc.

Ce type d’accusation est utilisé à de nombreuses reprises par les autorités turques pour museler les journalistes trop critiques envers le gouvernement actuel. Actuellement 76 journalistes sont en prison sous cette inculpation. En liant volontairement cette affaire au réseau clandestin Ergenekon, soupçonné de fomenter un coup d’Etat, les autorités ont également trouvé le moyen de discréditer tout le travail d’investigation et d’information de ces journalistes.

Le cas de M. Soner Yalcin est symptomatique d’une tendance prise par les autorités turques afin de limiter la liberté de la presse tout jetant l’opprobre sur la profession de journaliste. Le secrétaire général du Conseil de l’Europe M. Thorbjorn Jagland s’en est d’ailleurs alarmé en rappelant que 1 000 cas en instance à la Cour de justice européenne des droits de l’homme concernent la liberté des médias en Turquie.

La liberté d’expression et de la presse sont des socles de la démocratie et de l’Etat de droit. Elles ne peuvent subir de tels assauts rétrogrades sans remettre en cause les fondements de la démocratie.

Conscients des efforts de la Commission pour faire respecter les principes de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dans ses relations avec ses partenaires extérieurs, qui plus est candidats à l’élargissement, et rassuré par les déclarations du Commissaire à l’élargissement Stefan Füle qui manifestait son inquiétude lors de l’annonce de l’arrestation de Soner Yalcin, je souhaite vous interpeller quant à la prochaine comparution de M. Yalcin qui aura lieu le 16 novembre prochain.

Il est important que la Commission et le service d’action extérieur que vous présidez démontrent leur vigilance quant aux attaques qui sont portées à la liberté de la presse en Turquie.

L’envoi d’un représentant du Service d’action extérieur européen à l’audition de M. Yalcin aurait certainement un impact positif. Tout comme un suivi régulier des conditions de détention des journalistes et des motifs de leur incarcération. Enfin, il est du rôle de la Commission de rappeler aux autorités turques leurs obligations en matière de respect des droits de l’homme et de liberté d’expression au titre de la convention européenne des droits de l’Homme, de l’accord d’association Union européenne – Turquie et du partenariat pour l’adhésion.

Ce cas étant emblématique des atteintes portées à la liberté de la presse en Turquie, je suis certain qu’il retiendra toute votre attention.

Recevez Madame la Haute-Représentante l’expression de ma plus haute considération.

16/11/2012

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