Dans toutes les langues, à travail égal, salaire égal !

le 22 mars 2017

« Clause Molière » ! Comment en arriver à utiliser un si grand auteur pour des œuvres aussi basses ? Des présidents de droite de régions recourent à cette argutie juridique pour imposer l’usage du français sur les chantiers de construction, sous couvert de… sécurité. Les mêmes qui ont approuvé tous les textes, qui organisent la concurrence de tous contre tous, des traités de Maastricht à celui de Lisbonne en passant par la fameuse directive dite « Bolkestein », font semblant de refuser aujourd’hui ce qu’ils ont adoré et promu hier. Mieux, ils étaient avec MM. Fillon et Sarkozy du gouvernement qui a décidé de bafouer le « Non » au référendum de 2005. Chez eux, la ruse, le mensonge et la tromperie se conjuguent avec le discours antisocial et les envolées racistes.

Accepteraient-ils des clauses Goethe ou Shakespeare obligeant des centaines de milliers de français détachés ou expatriés en Europe à parler au travail la langue du pays d’accueil ? L’extrême droite se frotte les mains en voyant repris avec tant d’ardeur ses propositions nauséabondes. C’est une nouvelle fois la République égale et fraternelle qui recule sous les coups de responsables politiques qui ont usurpé son nom. C’est une insulte à ces millions de travailleurs, italiens ou algériens, polonais, marocains ou portugais qui ont contribué à reconstruire notre pays.

« Je suis arrivé à la conclusion que si les puissants de la terre sont capables de provoquer la misère, ils sont incapables d’en supporter la vue » écrivait Berthold Brecht, variation du « couvrez ce sein que je ne saurai voir » du Tartuffe de Molière, pièce de théâtre fort à propos renvoyée en boomerang à la face de ceux qui travestissent aujourd’hui son héritage intellectuel subversif.

Encourager la concurrence la plus brutale tout en prétendant s’en prémunir par la mise en accusation de celles et ceux qui n’ont que leur travail pour vivre, tels sont les projets de la droite extrême et de l’extrême droite. Ils ne sont rien d’autre que les amplificateurs de la violence capitaliste dans ce qu’elle a de plus abjecte lorsqu’elle prend des atours nationalistes. S’il fallait une démonstration nouvelle des logiques de guerre que sous-tend la concurrence à tous crins, la voilà !

La tartufferie tient aussi à l’impossibilité qu’il y aurait à faire respecter cette scélérate clause. Va-t-on demander aux inspecteurs du travail d’effectuer cette ridicule et illégale chasse au langage alors que leurs effectifs ont fondu comme neige au soleil depuis trente ans et qu’ils alertent avec leurs représentants syndicaux sur l’impossibilité de faire respecter dans de nombreux secteurs de l’économie le simple droit du travail ? Quelle hypocrisie ! On y devine la conception qu’auraient de ces agents publics, garants du droit social, Mme Pécresse, M. Wauquiez et leurs amis s’ils parvenaient au pouvoir. Ils seraient mis au service non plus des travailleurs et de leurs droits, mais d’une idéologie national-capitaliste portée par ce vent mauvais qui souffle désormais d’outre Atlantique.

La tartufferie tient enfin au fait que les puissants de ce monde et les logiques de profit font, en réalité, peu de cas de cette vertu langagière subitement imposée aux ouvriers du bâtiment. On ne voit pas grand monde s’émouvoir du slogan « Made for sharing » de la candidature parisienne pour les jeux olympiques de 2024, alors que la langue officielle du CIO reste pourtant le français. On n’a pas vu ces belles âmes s’étonner qu’un candidat à la fonction présidentielle, Emmanuel Macron, aille s’exprimer à Berlin, applaudi par M. Gattaz « dans la langue universelle des affaires », sorte d’anglais prémâché, comme pour indiquer quelles seraient ses priorités… Pour eux la défense de la langue de Molière est conditionnée à la réalité des affaires et à l’appétit des actionnaires.

L’objectif des progressistes doit être d’assurer aux travailleurs détachés l’égalité de traitement en maintien de salaire, de protection sociale, de conditions de travail, de logement, par le respect des conventions collectives. Pour contraindre à l’application de ce principe d’égalité, devrait être mis en place un nouveau corps européen d’inspecteurs du travail chargé de faire appliquer un haut niveau de droit social, notamment dans les entreprises sous-traitantes.

A travail égal, salaire égal et protection sociale égale. Voilà quel devrait être le mot d’ordre de tout internationaliste conséquent. Il faut impérativement se prémunir des tentations de repli et encourager la solidarisation des travailleurs sur l’ensemble des continents. Le combat pour changer la directive « travailleurs détaché » en ce sens s’inscrit dans celui à mener avec les syndicats pour mettre fin au dumping social et inventer l’union sociale et solidaire européenne qui devrait se fixer l’objectif d’une sécurité sociale professionnelle à chacune et chacun en Europe. C’est le seul chemin pour conjurer les réflexes nationalistes et assurer la défense des travailleurs, quelles que soient leurs origines.


10 commentaires


Moreau 22 mars 2017 à 22 h 45 min

A travail égal, salaire égal, c’est une réthorique facile : ce n’est pas ça l’Egalité républicaine : ce slogan n’a fait que des femmes victimes des mêmes inégalités que les hommes même en ayant un salaire d’homme ! L’autre égalité, la vraie, la totale, demande plus de progrès politiques !

Moreau 22 mars 2017 à 22 h 55 min

La rhétorique que résume certains slogans n’a fait que renforcer le système capitaliste, le dépassement du capitalisme demande le dépassement des slogans même dits dans toutes les langues. Il n’y aura jamais de régime socialiste, communiste, libéral, démocratique et républicain universaliste sans cela.

Moreau 22 mars 2017 à 23 h 10 min

L’Egalité avec la pseudo gauche est devenue les mêmes inégalités pour les femmes que pour les hommes, comme le droit de vote aux immigrés est devenu le droit de vote aux immigrés aux élections locale. Cette gauche se moque du monde. Le socialisme universaliste, le communiste universaliste, le libéralisme universaliste, sont infiniment plus que ça.
Cette France sans vraie gauche ne pouvait pas parrainer Rama Yade ! Le conseil constitutionnel ne trouve rien à redire à l’absence de motifs légitimes des refus de parrainages. Tant de maires et moins de 400 signatures pour Rama Yade, fichue République ! C’est honteux et révoltant.

Moreau 24 mars 2017 à 22 h 25 min

Il faudrait une clause Léopold Sedar Senghor car la discrimination positive s’avère discrimination négative et c’est un recul de plus de l’Egalité.
Pour la France de l’égalité, contre le racisme et les discriminations, Pierre Laurent expose au mois de mars 2017 une série de proposition dans laquelle ne figure pas la refondation de la clause des 500 signatures malgré l’injustice et l’arbitraire puisque sans raison réelle et sérieuse, les maires de france ont été moins de 400 à parrainer Rama Yade, favorisant par leur refus entériné par le conseil constitutionnel monsieur Macron et Madame Le Pen, et forçant des Electeurs à l’abstention. De nombreuses personnes pensent que si Rama Yade n’a pas recueilli 500 signatures voire bien plus, c’est qu’une certaine dose de discrimination l’a désavantagée.

Pierre Laurent a proposé, mais c’est dérisoire en ne commençant pas par proposer la refondation de la clause des 500 signatures de maires pour l’élection présidentielle :

La mise en œuvre effective de l’arsenal juridique en matière répressive contre toutes les
discriminations, en particulier en matière d’embauche et d’accès au logement ;
Le renforcement de l’éducation antiraciste à l’école et développement d’actions pour la transmission de la mémoire des génocides, de l’esclavage et de la colonisation ;
La délivrance d’un récépissé lors des contrôles d’identité ;
La reconnaissance de la citoyenneté de résidence et du droit de vote de résidents étrangers ;
Le respect de l’égalité des droits au travail entre Français et immigrés, la stricte application du principe « à travail égal, salaire égal », et la sanction des pratiques patronales
discriminatoires ;
La levée de l’interdiction de travailler des demandeurs d’asile et la régularisation des sans papiers ;
La refonte des politiques locales de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie et établissement de plans territoriaux avec les moyens dédiés pour les associations ;
La mise en place de délégués départementaux de l’Observatoire national de la laïcité pour la médiation, l’apaisement des tensions, le règlement des conflits dans un esprit républicain.

La vraie gauche est la gauche qui y voit plus loin que le bout de son nez, elle se trouve surtout dans l’abstention.

alain harrison 27 mars 2017 à 0 h 27 min

Bien, sans la reconnaissance claire du modus operandi du vieux monde de l’exploitation de l’homme par l’homme, nous tournerons en rond dans la ronde infernale qui connaît une expansion inédite depuis le vous êtes avec moi Busch ou contre nous, le système néo-libéralisme capitaliste.

Les 4 de l’apocalypse, non les 5 bientôt 6. Dieu ou bien l’organisation du prophétisme n’a pas tout prévu.

Tient, une organisation du prophétisme !

La gauche a des solutions à porter de la main, elle a les mains glissantes ou quoi !

Le programme du CNR actualisé !

Pierre Magne 27 mars 2017 à 21 h 02 min

Pas un mot dans ces textes, pour appeler à voter Mélenchon ! A quatre semaines du premier tour ! En dehors de l’Huma dimanche d’il y a deux semaines, vous faites vraiment le minimum syndical !
Que j’ai bien fait de quitter le parti communiste en 1985 !
Je milite pour la FI dans une ville populaire. Et en dehors du vendeur de l’Huma dimanche, aucun communiste n’est venu me saluer, me parler ! Alors que l’accueil de nombreux passants est formidable. Beaucoup de remerciements pour ce que la France insoumise fait !
Aux législatives, nous verrons la différence, ce sont ceux qui votent qui décident.
Tous les communistes de ma famille, de mes amis, doivent se retourner dans leurs tombes !
Triste fin pour le PCF !

alain harrison 28 mars 2017 à 23 h 02 min

Bonjour.

Triste fin pour le PCF.

Oui, le PCF a un rendez-vous, espérons qu’il ne jouera pas le double jeux ?

alain harrison 29 mars 2017 à 6 h 04 min

JLM est en définitive le seul qui a assez de charisme et de sincérité pour redonner une crédibilité à la gauche. Mais sera-t-il celui qui fera entré le marxisme et le communisme du XXIè siècle sur la scène politique comme alternative.

Le programme du CNR, le salariat de M.Friot, les coopératives autogérées, la cotisation, un nouveau modèle économique d’investissement, etc., ont un potentiel de changer la donne.
Qui sait.
Je crois que le débat revenu de base versus salariat est un débat qu’il faut poursuivre en regard de l’économie financière. Chacune de ces catégories ont quelque chose à apporter pour y voir claire: pour passer de l’économie de l’exploitation à l’économie saine.
La révolution est un mouvement d’ensemble et non une affaire d’innovation techno.

le bihan alain 29 mars 2017 à 10 h 43 min

exiger qu’on parle français en France sur son lieu de travail est une proposition nauséabonde ? Etes-vous sûr d’avoir toutes vos facultés ?

mounier-maredia 2 avril 2017 à 14 h 07 min

Molière sort entièrement de la route tracée. Avec Les Précieuses ridicules, il fait une critique de la société, il corrige la cour et la ville : “La belle chose de faire entrer aux conversations du Louvre de vieilles équivoques ramassées parmi les boues des halles et de la place Maubert” Et la réplique : “Madame, vous êtes dans la Place Royale et tout le monde vous voit (…) de bon oeil”. Les galanteries ampoulées, les recherches de mots sont foudroyés d’un seul coup et c’est le bon esprit qui enseigne le bon ton et non le phébus des conversations. La bonne comédie est critique et sacrifice de l’amour propre. Le plus grand triomphe de la vérité n’est que le suffrage de la raison dans la critique des puissants.

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