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Au moment où, en de multiples endroits du globe, rougeoient les fournaises des tensions et des conflits, les classes dominantes basculent dans l’hystérie de guerre.
Le mot paix est désormais effacé des interventions publiques au profit de celui du réarmement. L’agression guerrière poutinienne contre le peuple ukrainien, a considérablement dérouté, divisé et affaibli les mouvements pour la paix, et a permis aux États-Unis de se réinstaller en Europe et d’élargir encore l’OTAN, tout en donnant de la force au complexe militaro-industriel outre-Atlantique allié aux géants du numérique.
Au placement de son pays en économie de guerre contre les besoins sociaux, Poutine ajoute un autoritarisme renforcé et un nationalisme belliqueux. Développant ses thèses lors d’un entretien avec un journaliste d’extrême droite américain, il a, à nouveau, refait l’histoire et contesté Lénine qui reconnaissait la possible autonomie de l’Ukraine et des nations périphériques de la Russie. Comme les Occidentaux, il a enfoui en son obscur tréfonds les mots « paix », « détente », « diplomatie ». Pire, il paradait la semaine dernière à bord d’un avion de nouvelle génération capable de transporter des bombes atomiques. Cette politique de la force tue chaque jour, détruit des capacités de production industrielle, agricole en Ukraine comme des services publics, des écoles, des lieux de culture, tandis que les jeunes Russes sont enrôlés dans une guerre qui n’est pas la leur, mais celle des oligarques soucieux d’élargir leur sphère d’exploitation et de profits.
En voulant coûte que coûte intégrer l’Ukraine à l’Union européenne, les classes dominantes nourrissent la même ambition qui les conduit, sans attendre, avec la complicité des oligarques ukrainiens, à demander des sacrifices et des reculs sociaux aux travailleurs ukrainiens déjà victimes de la guerre. Déjà la guerre économique est installée entre paysans ukrainiens et ceux des autres pays de l’Union européenne. Comme quoi la guerre ne libère pas, elle asservit au seul service du grand capital de part et d’autre.
Les dirigeants des États-Unis et de l’OTAN entretiennent ce conflit tout en attisant désormais un climat de peur en Europe.
Telle était l’ambiance lors de la récente conférence de Munich*, qui s’est tenue du 16 au 18 février, au cours de laquelle a été mis en discussion un programme politique visant à appeler les citoyens des pays européens à se préparer à la guerre. Elle s’est conclue par la pressante demande de l’accélération de la production d’armement en Europe. Cette orientation stratégique a été justifiée par les déclarations de Donald Trump à la veille de cette réunion. Lui, redevenant président des États-Unis, il n’aiderait plus les pays membres de l’OTAN à se défendre si ceux-ci ne consacraient pas 2 % de leurs richesses annuelles aux dépenses militaires. Il déclara même vouloir encourager « la Russie à faire ce que bon lui semble ». On aurait tort d’y voir une simple provocation. Attiser la peur et la militarisation est un programme commun aux directions des deux principaux partis aux États–Unis. L’impérium étale ses difficultés à débloquer 60 milliards de dollars supplémentaires pour l’armement ukrainien, tout en fournissant les bombes qui tuent les enfants de Gaza. Cette sortie de M. Trump, partagée en large partie par la Maison-Blanche, est interprétée dans les capitales européennes comme l’urgente nécessité de s’armer et de se préparer au combat. En fait, les Américains demandent à l’Union européenne de renforcer – comme le prévoient les traités européens – le pilier européen de l’Alliance atlantique. Afin de contenir leur crise et leurs colossaux déficits, ils demandent aussi aux Européens de fortifier ce « pilier » en leur achetant avions, chars, drones et missiles ultrasophistiqués alors que les importations de ces armes par les États européens ont déjà augmenté de 47 % depuis l’année 2019.
Forts de ces recommandations, les dirigeants européens, chancelier allemand en tête, ont donc décidé d’accélérer leurs programmes de réarmement, d’appeler à une militarisation de l’économie, d’introduire la conscription et surtout d’ouvrir la possibilité de se doter d’une arme nucléaire européenne. Ils se sont bruyamment réjouis de l’offre du président Macron « d’européaniser » les armes nucléaires françaises. Le ministre allemand des Finances et dirigeant du parti libéral, Christian Linder, appelle dans le journal Frankfurter Zeitung au développement d’armes nucléaires communes.
Il y a ici un inquiétant point de bascule faisant de l’Allemagne une puissance nucléaire pour la première fois de son histoire. La tête de liste des sociaux-démocrates allemands aux élections européennes Katarina Barley, comme son concurrent de la droite Manfred Weber, ont soutenu cette idée de développement d’armes nucléaires européennes indépendantes. Et la ministre allemande de la Défense Christine Lambrecht a insisté, en marge d’une réunion des ministres de la Défense de l’OTAN, à Bruxelles il y a quelques jours, sur le rôle de son pays devenant « la colonne vertébrale et la plaque tournante logistique de la défense de l’Europe ». La présidente de la Commission européenne propose de nommer au sein de la commission un commissaire européen à la défense (ou à la guerre) et s’apprête à présenter un plan pour soutenir l’industrie européenne de la défense avec les milliards d’euros qu’elle soustraira aux besoins sociaux et environnementaux.
Les traités de défense que signent plusieurs pays dont la France (sans aucune consultation du parlement) et l’Allemagne avec l’Ukraine ont pour objectif de préparer les conditions de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Tout le monde sait pourtant qu’il s’agit d’un casus belli pour les Russes.
Se réjouir de la déclaration de Trump pour mieux prôner le surarmement comme le font de grands journaux en Europe signifie qu’une vaste opération visant à préparer les citoyens européens à de nouveaux sacrifices en vue de la militarisation à outrance est lancée. Ainsi le journal Politico, propriété du groupe allemand Springer, écrit : « Le coup de tonnerre de Trump devrait aider à recentrer la boussole stratégique de l’Europe » tandis que l’éditorial de nos confrères du Monde de samedi dernier appelle les dirigeants européens à « désormais assumer une lourde tâche de conviction auprès de leurs peuples ».
Très grave est la déclaration, du Président Macron qui, lundi soir à la fin d’une conférence de soutien à l’Ukraine réunissant une vingtaine de chefs d’état et de gouvernement a ouvertement envisagé la possibilité d’envoyer des troupes des pays de l’Union européenne au sol sur le territoire Ukrainien. Ceci ne peut être interprété que comme une déclaration de guerre contre la Russie.
Cette hystérie guerrière fait frémir.
Cette préparation à la guerre inclut une guerre sociale contre les travailleurs et les familles populaires comme en témoignent déjà les 10 milliards d’euros d’économies budgétaires sur le bien public annoncé par le ministre de l’Économie. Son homologue allemand aux finances ne cache pas que c’est au peuple de supporter le coût du militarisme. « Les dividendes de la paix » ont hier été utilisés pour l’État social, dit-il. « Aujourd’hui, nous sommes au début de l’ère de l’investissement pour la liberté, c’est pourquoi un changement de direction est nécessaire. » Et le chancelier allemand Olaf Scholz a été clair en déclarant, lors de son discours justifiant la course aux armements, à la conférence de Munich : « Cette guerre au cœur de l’Europe nous demande des efforts. L’argent que nous dépensons aujourd’hui et à l’avenir pour notre sécurité nous manque ailleurs. »
L’alignement permanent de l’Union européenne sur les États-Unis, alors que les contradictions intra-capitalistes et intra-impérialistes s’aiguisent, ouvrent ces inquiétantes voies. Une autre stratégie autonome, non alignée, de l’Union européenne, la plaçant au centre de médiations possibles, tout en négociant un cadre de sécurité commune et de paix pour tous les pays de la grande Europe, permettrait à la fois d’éviter de nouveaux sacrifices pour les peuples et de bâtir des coopérations nouvelles dans la justice et la paix. L’alignement atlantiste est mortifère. À la veille des élections européennes, il serait temps de sortir des petits jeux politiciens et de s’emparer de cet immense enjeu.
En effet, la déclaration de Trump et les imbéciles déclarations de Biden en réponse à Poutine cachent à la fois des objectifs plus profonds et une crise interne aux États-Unis trop sous-estimée. Les dirigeants nord-américains, qu’ils soient démocrates ou républicains nationalistes, dictent la stratégie du camp occidental. Ils demandent à l’Union européenne de rentrer en conflit avec la Russie, afin d’entretenir leur rivalité systémique avec la Chine. Mais les Américains et avec eux le camp du capitalisme occidental voient leurs positions notablement fragilisées aux yeux du monde. Leurs deux poids deux mesures sautent aux yeux quand ils appellent à l’aide pour les populations ukrainiennes alors qu’ils soutiennent le pouvoir d’extrême droite israélien qui multiplie les crimes à Gaza tout en poursuivant la colonisation de la Cisjordanie.
Ainsi, les connexions et interactions entre la guerre russe contre l’Ukraine et les autres théâtres géopolitiques dans le monde, Moyen-Orient, Extrême-Orient ou même Afrique, auxquels s’ajoute le creusement des déficits et dettes alors que nombre de pays veulent s’émanciper du dollar, affectent sérieusement les positions des États-Unis et avec eux celles de tout le camp occidental. C’est donc une folie de les suivre dans cette course à l’abîme.
C’est dans cette fournaise que grandissent les nationalismes et les extrêmes droites en Europe et aux États-Unis. Les peuples ont tout à y perdre. Laisser faire prépare au pire. Les travailleurs de tous les pays, les citoyens doivent redoubler d’efforts pour se solidariser et construire la paix, le progrès social et humain. Cela ne peut plus attendre !
Patrick Le Hyaric
26 février 2024
* La conférence dite « de Munich » est une réunion transatlantique discutant des enjeux de sécurité et de stratégie.
7 commentaires
Excellent, notre premier combat est la Paix
Merci Mr Le Hyaric de nous éclairer sur ce moment si singulier de notre histoire contemporaine.
La gauche, notre gauche historiquement celle de la paix ( hum, hum ) sera t elle a la hauteur des enjeux et saurât elle nouer des alliances avec d’autres partisans d’une République Sociale qui porteraient la PAIX en étendard en France et en Europe ?
Inch’Allah.
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Dommage, dans cette description par ailleurs juste du contexte impérialiste, que vous accréditiez le Poutine-bashing.
L’agression russe ? Seule, cette version de l’histoire pousse l’UE et l’Empire du Bien à l’aventure militaire, comme contre les “nouveaux Hitler” qu’étaient successivement Saddam Hussein, Kadhafi, Al Assad etc.
On a pourtant entendu, depuis 2007, les inquiétudes et avertissements du Kremlin ; depuis 2014, l’hypocrisie mortelle de Paris jouant le jeu de l’OTAN hégémonique ; jusqu’à février 2022, le caractère fasciste des bataillons Azov ou Secteur Droit…
Qui est dépeint comme agresseur d’habitude ? C’est notre ennemi selon la doxa atlantiste.
Ainsi le Hamas-terro aurait agressé le 7 octobre, prenant de court, soi-disant, les oppresseurs qui très naturellement en profitent pour se venger.
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