Saisir la Chance

le 9 mai 2022


La construction de la coalition des gauches politiques, sociales, culturelles et des écologistes sèment la panique dans les milieux dirigeants. Leurs porte-voix et leurs porteplumes qui, il y a quelques semaines, moquaient les forces de gauche parce qu’elles allaient séparément devant les électrices et les électeurs à l’occasion de l’élection présidentielle sont de sortie, vent debout contre la nouvelle union populaire sociale et écologique. Comme l’argument des chars de l’Union soviétique occupant la concorde n’est plus crédible, ils agitent cette nouvelle coalition comme un épouvantail gauchiste.

Les mêmes qui ont – souvent à juste titre – critiqué Jean-Luc Mélenchon parce qu’il avait laissé son important score en 2017 en friche, lui reprochent aujourd’hui d’en avoir tiré des leçons et créé les conditions d’une unification du peuple de gauche et écologiste.

Ce qui se réalise sous nos yeux est la demande populaire des électorats progressistes dans leur diversité réclamant enfin l’union : ils ont le 10 avril, bousculé la donne parce qu’ils refusaient le duo que les tenants du système leur préparaient depuis des mois.

Aujourd’hui, ils demandent avec force, une union leur permettant d’être débarrassés à la fois de ces politiques de droite et des mensonges ; du mépris du chef de l’État et de cette monarchie présidentielle poussée à son comble. Pour cela, il n’y a pas d’autres solutions dans le cadre des institutions actuelles, que de rechercher une autre majorité que celle du Président de la République.

L’immense majorité ne veut pas du programme commun de la macronie et des droites comme le recul de l’âge de la retraite à 65 ans quand tant de jeunes restent sur le bord du chemin. Ils refusent aussi ce RSA conditionné à des travaux forcés, ainsi que ce projet pour l’école où règnerait la compétition entre établissements et un renforcement de la sélection. 

Ils savent qu’au-delà des belles déclarations il n’y aura pas de « bouclier inflation », mais un renforcement de l’austérité au nom du remboursement de la dette. Une grande partie de la jeunesse agissante pour le climat réclame avec force des actes. Une majorité de celles des quartiers populaires, avec leurs parents qui sont les premiers de « corvée », crie au respect et à l’amélioration des conditions de vie, de formation et de travail. 

Ils en ont assez d’être décriés sur tous les tons, assez des contrôles au faciès, assez des discriminations à l’embauche. Ils ne veulent pas être la « ban-lieue », ces lieux mis au ban de la société, mais être au cœur de la société à construire tous ensemble. 

La gauche dans sa diversité se met à l’heure de ces demandes et se hisse au niveau des nécessités quand elle tient compte des résistances qui se déploient dans la société et les entreprises depuis des années, du bilan du travail parlementaire où ensemble le groupe insoumis et le groupe communiste à l’Assemblée nationale ont émis des votes identiques dans l’immense majorité des délibérations, déposé ensemble avec le groupe socialiste des textes de motion de censure.

C’est l’honneur des forces de gauche de se hisser au niveau des espérances de l’heure. C’est l’honneur des communistes comme de la majorité des socialistes d’avoir contribué à ouvrir cette porte à la discussion et à la construction avec La France Insoumise.

La direction socialiste doit affronter certains cadres et anciens ministres socialistes qui ne trouvent rien à redire quand l’un des leurs rejoint la macronie, et menacent de tout casser dès lors qu’il s’agit de proposer un projet alternatif et une nouvelle majorité. De ce point de vue, il faudra noter le courage du secrétaire du Parti socialiste tirant les leçons de la situation, procédant à une autocritique et au bilan de la direction du pays par le gouvernement de François Hollande. 

Cette attitude était indispensable afin de permettre à son parti de tourner la page de cette période et de se mettre au diapason du monde du travail. Il tente de « ré-ancrer » son parti du côté gauche au lieu de le laisser voguer aux tristes vents du social-libéralisme. 

La situation n’est pas anodine ! De Valls à Chevènement, de Rebsamen à Hollande, on est prêt à se vautrer dans des majorités comprenant toutes les palettes de la droite la plus réactionnaire. Comment ne peuvent-ils voir la profonde crise d’identité qui atteint le Parti socialiste, notamment parce que leur politique au gouvernement a été à l’encontre des besoins populaires et nationaux ? Comment peuvent-ils devenir les ennemis du camp dont ils se réclament sinon pour tourner le dos à la social-démocratie ou au socialisme ? 

Aucun parti politique à gauche ne peut impunément incarner indéfiniment des valeurs contraires à ce qu’il prétend défendre. La question que pose avec insistance celles et ceux qui n’en peuvent plus de finir le mois avec un compte en banque à découvert, celles et ceux qui ne remplissent plus leur réservoir de carburants, ni les caddies des courses, est de savoir comment mieux vivre demain. 

Et ils demandent aux forces de gauche et écologistes de les entendre, de créer les conditions d’une vie meilleure débarrassée des angoisses quotidiennes. 

Ils n’en peuvent plus du mépris et de l’exploitation. Ils n’en peuvent plus des belles paroles contredites par des actes s’opposant à leurs intérêts quand les milliardaires pavanent et les actionnaires des grandes entreprises sont à la fête. 

Ils n’en peuvent plus des maltraitances sociales et démocratiques avec ces contre-réformes destructrices du droit du travail, la culpabilisation quand les premiers de la classe donnant des leçons d’économie leur suggèrent qu’ils sont trop payés, que les retraites sont trop élevées parce qu’ailleurs les salaires sont arasés par la faux du capitalisme financier. 

Et ils ne veulent pas des changements à la « saint glinglin », mais dès le mois de juillet. Ils l’ont dit avec force au premier tour de l’élection présidentielle où le Président sortant n’a obtenu que 20% des voix des inscrits et n’a pu être élu qu’avec les voix des électrices et électeurs de gauche qui ont fait barrage à l’extrême-droite. Ils ne veulent plus revivre une telle situation où ils savent que les mandataires des puissances d’argent au pouvoir et dans l’actuelle majorité présidentielle les bernent. Ils savent que le Président a prétendu combattre l’extrême-droite alors qu’il n’a fait qu’attiser le feu qui brulait toute espérance. Il a bien été en cela par une puissante campagne médiatique présentant Mme Le Pen comme une femme politique comme une autre (puisqu’elle aimerait les chats) et valorisant un histrion sorti du Figaro et de Cnews. 

L’un des défis de la nouvelle coalition est aussi de faire reculer l’extrême-droite qui détourne bien des voix des travailleurs pour les ligoter au système qui les exploite. Ceci suppose de ne jamais aller sur son terrain au risque de la faire grandir.

Au contraire, la condition pour la faire reculer durablement est de changer la vie des plus défavorisés d’entre nous. La bonne nouvelle de ces derniers jours est que le débat se porte sur les préoccupations de gauche : justice sociale et environnementale, travail et droits des travailleurs, changement de la construction européenne, évasion fiscale et nouvelle répartition des richesses et non plus identité et séparatisme, chasse aux pauvres.

Si les législatives prennent cette importance, c’est aussi parce que des fractions importantes du peuple veulent pouvoir voter utile pour changer les choses. Parmi les abstentionnistes, il y a ceux et celles qui ont protesté contre la division. 

L’aspiration à participer à un nouveau projet frappe aussi avec force à la porte. L’élection présidentielle a montré plus que tout autre événement que le cadre institutionnel est à bout de souffle et qu’il devient urgent de passer à une nouvelle république sociale, laïque, démocratique prenant soin des êtres humains et de la nature. 

Du reste, la coalition de gauche, progressiste et écologistes qui se forme s’inscrit dans l’actuel (mauvais) cadre institutionnel. Scrutin présidentiel à deux tours poussant chaque camp à choisir celui ou celles qui est susceptible d’accéder au second tour. Celle-ci est suivie des élections législatives censées donner une majorité parlementaire au Président élu au scrutin majoritaire à deux tours avec l’obligation de réunir 12,5 % des inscrits pour concourir au second tour. 

C’est une machine à éliminer les forces de transformation révolutionnaire. Sans unité, la gauche est chaque fois minorée ou mise en minorité. L’alliance lui donne une chance d’aller chercher la majorité parlementaire. 

Fidèle à son histoire, le Parti communiste se grandit en participant de ce mouvement. Il est dans son rôle quand il porte les aspirations du monde du travail et de la culture.

Chaque fois qu’il place l’intérêt des travailleurs et des créateurs, des jeunes et des retraités au-dessus de toute autre considération, il démontre qu’il n’existe pas pour lui-même, mais pour celles et ceux qui souffrent, de celles et ceux qui subissent douloureusement le talon de fer de l’exploitation capitaliste, de celles et ceux qui veulent agir pour un nouveau mode de production préservant notre humanité et cherchent des issues progressistes à la situation actuelle. Il prouve, une fois de plus qu’il ne faillira pas dans son combat contre le danger de l’extrême-droite. À chaque fois qu’il a agi ainsi, il a recueilli confiance et soutien.


La nature de la coalition est intéressante, car elle respecte les personnalités, les identités, les propositions de chaque force qui la composent tout en ayant un tronc commun de changement concret très attendu depuis longtemps.

Il revient au débat public et aux mobilisations populaires d’aider à trancher certaines questions, certaines orientations à prendre. Ce sont ces identités différentes qui peuvent animer les débats et permettre une conscientisation plus grande des classes populaires. Les dépassements des désaccords ne peuvent se faire qu’avec la participation active des citoyens à la mêlée politique, sociale, culturelle, écologique.

Il n’y aura pas de changement sans pression citoyenne. Qu’il y ait des contradictions, des tensions est une évidence. La répartition des circonscriptions pose un certain nombre de problèmes dès lors que La France Insoumise a refusé de tenir compte de l’implantation et l’audience d’élus dans des territoires pour parachuter depuis Paris des militants.

Mais l’essentiel est dans la chance inespérée de voir les forces de gauche et écologistes, des forces citoyennes, des mouvements de résistance mener ensemble une campagne politique pour faire élire une majorité de députés de la nouvelle Union Populaire écologiste et sociale et de permettre un gouvernement d’union populaire et démocratique.

Ceci est possible dès lors que chaque formation sera tout entière tendue vers cet objectif. Le chemin existe pour cette nouvelle majorité de gauche à l’Assemblée nationale. Le président n’est élu qu’avec moins du quart de l’électorat. Il est rejeté. Il n’y a pas de majorité dans le pays pour accepter sa politique. Cependant, conquérir la majorité pour former un gouvernement démocratique d’union populaire (comme le disait déjà le programme du Parti communiste en 1971) nécessite un combat politique de haut niveau et des actes de mobilisation unitaire. 

Ne sous-estimons surtout pas la violente pression qui va s’exercer sur les candidats, les militants, mais surtout les électeurs. Toute la panoplie criant au prochain désastre va y passer. De même, tout sera fait durant la campagne pour diviser les forces de la coalition et donc les électorats. 

La mobilisation militante va donc être décisive notamment auprès de celles et ceux qui ont un vital besoin de mesures dès le mois de juillet. Leur déplacement au bureau de vote sera un acte pour elles et eux, leurs familles, leurs enfants. N’en doutons pas, toute la réaction, le grand patronat et les marchés financiers, des gouvernements étrangers, les institutions internationales et notamment les institutions européennes vont se coaliser pour venir en soutien au Président de la République et de la majorité sénatoriale. Mais justement, la nouvelle union populaire écologique et sociale, c’est la force du nombre, de celles et ceux qui n’ont rien à perdre, mais tout à gagner. 

Il n’y aura pas de réussite sans mobilisation unitaire pour la justice, la liberté et la paix.


3 commentaires


Moreau 9 mai 2022 à 17 h 08 min

A bien des points de vue, il faut toute la gauche républicaine universaliste avec ses deux spécificités ; en plus de la droite libérale social libérale en alternance inédite depuis 2017. La république n’est pas la république sans toute la gaucher républicaine universaliste ; je pense qu’il est bon que la grande évidence fasse si bien jour en 2022.
Il faut que les Citoyennes et les Citoyens puissent faire valoir des idées. Moi, je suis pour le départ à la retraire selon l’age de son choix : 60 ans, ou 61 ans, ou 62 ans, ou 63 ans, ou 64 ans, ou 65 ans. Je pense que c’est la seule justice sociale entière réelle.
Je suis pour la sécurité sociale à 100%.
Je suis pour ce qui a été appelé à titre de progrès social, un revenu d’existence ; et je pense comme l’analyse de gauche très utile que par exemple un RSA ne doit pas être lié à un travail forcé, toute activité humaine doit être relativement noble et doit être voulue par chaque Citoyenne, chaque Citoyen. Aussi je suis pour la reconnaissance qui a régressé au lieu de se développer de l’associatif horizontal voire libre, utile dans sa diversité de prestations et sportif (notamment pour la santé publique) autant que bien éthique ; et il faut la reconnaissance de la classe créative et des créateurs travaillant la création majeure lisible, et le soin de la Création notamment lisible. C’est indispensable pour relever les grands défis du vingt et unième siècle.
Il faut comme je le dis souvent les bons apports politiques de gauche authentique.
Et au niveau des politiques pour les industries et les entreprises, ça doit donner les marchandises sociales pour toutes et pour tous, nécessaires et indispensables, et tous les services nécessaires et indispensables allant bien avec.
Et puis il faut les libertés qui constitue la liberté de l’Homme prévue dans la Déclaration des Droits Humains Universels.
L’année 2022 peut donc bien s’avérer une grande année républicaine universaliste historique.

jdgeBLfA 11 mai 2022 à 21 h 16 min

DnWyhtVXGLCqJQ

CTLthociBHEqusz 13 mai 2022 à 13 h 27 min

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