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Nous n’en avons pas fini avec les puissantes répliques sismiques provoquées par la loi « Duplomb », improprement baptisée « loi pour lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ».
Ce texte soutenu par les macronistes en perdition, les droites et l’extrême droite shootées au trumpisme a été imposé grâce à l’utilisation, par les soutiens de cette loi, d’artifices législatifs empêchant tout débat à l’Assemblée nationale, dans le but de réunir une commission mixte paritaire où ces mêmes forces politiques vivent dans un entre-soi donnant raison à Robespierre sur « la perfide tranquillité du despotisme représentatif * ».
Le souci du détail nous conduit à préciser que sur les quatorze membres de cette commission, trois ont été d’éminents responsables de la FNSEA.
Soulignons également d’emblée que cette loi ne « lève aucune contrainte au métier d’agriculteur ». Les contraintes du métier sont faites de lever aux aurores et de coucher bien après le soleil, d’inexistence de week-end et de jours fériés, d’absence de loisirs, de travail et encore de travail pour gagner toujours moins et répondre aux sommations de la banque qui ne perd jamais un sou des remboursements de crédits dopés d’intérêts, sans considération des incertitudes liées à la météo, à la fatigue, aux maladies humaines, animales ou végétales, alors que les prix des denrées agricoles à la ferme sont compressés.
La fameuse loi « Duplomb » ne dit mot de tout cela. Elle est en effet un projet programmatique de la concentration agraire, de l’accélération de l’industrialisation de la production agricole et alimentaire pour une insertion toujours plus grande de la production agricole dans le capitalisme mondialisé qui ne garantit plus la qualité sanitaire des aliments, les éliminations des plus petites fermes , l’assèchement des eaux des nappes phréatiques.
Une sérieuse et importante documentation montre désormais que ce type de développement agricole piloté par les firmes transnationales de l’agrochimie détruit la santé humaine en même temps que celle des sols, des eaux des rivières comme de la mer, et des végétaux.
Les médecins et les scientifiques ne cessent d’alerter sur l’augmentation des cancers, et le développement des maladies de Parkinson ou d’Alzheimer résultant de l’utilisation d’engrais phosphatés ou de pesticides.
Or, les articles de cette loi constituent un concentré de mépris pour les centaines de milliers de personnes et leurs familles atteintes d’affections de longue durée en lien avec l’environnement agricole où elles vivent et où elles ont grandi. Parmi elles, les paysans-travailleurs figurent en bonne place. Ceux-ci sont méprisés par les pouvoirs successifs, par les sociétés agro-chimiques qui amassent des brassées de milliards en vendant du poison et en combattant toute solution alternative. Méprisés aussi par les parlementaires qui ont voté cette loi contre le « principe » constitutionnel « de précaution ».
Mais l’une des nouveautés de ces dernières années est la conscience grandissante des possibilités de se nourrir correctement offertes par un autre système agro écologique à l’encontre de la fuite en avant ultra-capitaliste qui fait mal aux corps et à la nature. Leur insécurité et leurs angoisses franchissent encore une marche supplémentaire quand le projet de budget de super-austérité dans lequel est froidement prévu la réduction des remboursements de soins, notamment pour celles et ceux qui sont atteints de pathologies de longue durée.
Émerge la conviction, de plus en plus largement partagée, que le pouvoir en place gouverne contre le peuple, contre l’intérêt général et pour la seule minorité des possédants. Ils viennent d’en avoir des preuves manifeste: le rapport de la commission d’enquête du Sénat, à l’initiative de Fabien Gay, voté par les parlementaires de toutes opinions membres de ladite commission, établit que les aides publiques aux entreprises – sans contrôle ni contrepartie – représentent 211 milliards d’euros au moment même où le gouvernement dit chercher 40 milliards pour combler les déficits.
Le magazine économique Challenges, de tendance libérale, a montré que l’avoir total des 500 plus grandes fortunes françaises est passé de 454 milliards d’euros en 2016 à 1 228 milliards d’euros en 2024. C’est 100 milliards d’euros de plus chaque année pour chacune de ces 500 familles, soit l’équivalent de deux fois le budget de l’Éducation nationale.
Enfin, la protestation populaire contre la majorité du bloc bourgeois qui a voté la loi « Duplomb » s’exprime clairement avec une pétition signée – au moment où j’écris ces lignes – par plus de deux millions de citoyennes et de citoyens. Ses partisans ont beau sortir l’artillerie lourde avec ministres, sous-ministres, chaînes d’infos continues réactionnaires, Coordination rurale et Fnsea, rien n’y fait.
Et pour cause ! La double rupture démocratique que révèle une nouvelle fois cette loi travaille en profondeur la société.
Elle a d’abord été rédigée pour faciliter la construction de méga-bassines, soutenir les fermes industrialisées, autoriser l’utilisation de l’acétamipride. Mais elle a été votée contre l’avis de vingt-deux sociétés savantes médicales, contre la Ligue contre le cancer, contre les administrateurs de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, contre la Fondation pour la recherche médicale, contre la Fédération des mutuelles de France -représentant des millions d’assurés- , contre le Conseil scientifique du CNRS et des centaines de médecins et de chercheurs qui ont multiplié les tribunes d’alerte et de protestation, des dizaines de chefs cuisiniers et de spécialistes en gastronomie.
Il n’y a pas que dans le bureau ovale de Trump qu’on méprise les avis des scientifiques ! Ce déni de démocratie explose à la face de celles et ceux qui n’évoquent ce mot que pour leur gargarisme matinal.
Ensuite, le choc est frontal entre une majorité parlementaire composite qui n’est pas représentative de la société et des forces citoyennes qui se lèvent est manifeste. Les partis qui ont voté la loi « Duplomb » sont ceux qui n’ont pas obtenu de majorité en 2024.
Le président de la République – qui n’a recueilli qu’un faible des inscrits sur les listes électorales – ne doit son élection qu’à un vote barrage contre l’extrême droite et il est minoritaire au Parlement.
La droite de plus en plus extrémiste qui pavane au gouvernement n’a recueilli qu’à peine 6 % des votants. Le Premier ministre est à Matignon que grâce à des petits arrangements politiciens. Ajoutons que toutes ces bonnes âmes considèrent les abstentionnistes comme des citoyens n’ayant aucun avis. Or, c’est parce qu’ils en ont qu’ils considèrent cette prétendue « démocratie parlementaire ou présidentielle » comme une imposture contre le pouvoir démocratique des travailleuses, des travailleurs, des citoyennes et des citoyens.
Les expériences récentes les confortent dans ce comportement qui, en apparence, organise le silence des urnes pour mieux hurler l’aspiration à prendre son destin en main, à prendre le pouvoir sur les activités, le travail et la production.
Du référendum sur la Constitution européenne en 2005, aux mouvements contre la casse du droit du travail, à celui contre la contre-réforme des retraites – adoptée par un coup de force – ou encore le mépris des conclusions de la conférence citoyenne pour le climat en 2019… Les preuves de cette fausse démocratie ne manquent malheureusement pas.
Le mouvement contre la loi « Duplomb » et celui qui s’amorce contre le plan d’austérité Bayrou à l’initiative de l’intersyndicale montre que le mouvement social et citoyen existe bel et bien. Il est porteur d’espoir. Cela montre aussi que la thèse selon laquelle notre pays basculerait irrémédiablement à droite est contrebattue.
Le paysage médiatique et la représentation politique bêlante ne rendent pas compte de la réalité d’un pays pétri de justice sociale et environnementale, prêt à combattre les discriminations, aspirant à mêler combat anthropologique et combat écologique, brûlant du désir d’égalité et de volonté de vivre ensemble dans un monde de paix. Le champ médiatique et gouvernemental cache les opinions progressistes dans leur diversité. Mais cela ne les empêche pas d’exister, de penser et se penser, de se mobiliser, de se faire entendre, de se rassembler.
Voici mise à nu la violente collision démocratique en cours. Une aspiration démocratique populaire qui se heurte à un système institutionnel au service d’une démocratie parlementaire, faussement représentative manœuvrée par des élus qui décident majoritairement pour les intérêts du grand capital, quitte à briser la santé, à étouffer l’environnement, à raccourcir les vies jusqu’à rendre le monde invivable.
C’est parce que ce moment de rupture démocratique va à son paroxysme que les forces ayant constitué le Nouveau Front populaire doivent se retrouver, se reparler et bâtir ensemble un projet commun d’alternative progressiste. La démarche unitaire de l’intersyndicale contre le programme Bayrou montre une voie féconde à soutenir et à amplifier.
Au-delà, recoudre les fils coupés de la souveraineté populaire appelle de combattre la double dépossession des citoyennes et citoyens que masque le suffrage prétendument universel : dépossession de l’exercice réel du pouvoir sous couvert de démocratie parlementaire biaisée dans le cadre actuel des institutions ; dépossession de tout pouvoir citoyen et populaire sur la sphère de la production et du travail – chasse gardée des « actionnaires-propriétaires ». C’est ce combat contre le mépris de la citoyenneté qui émerge sous différentes formes, dont celle de la pétition contre la loi « Duplomb ».
Dans le même mouvement grandit l’aspiration d’une transformation fondamentale de l’organisation de la société humaine inséparablement d’un changement radical des rapports entre la société des humains qui doivent vivre en paix avec l’ensemble du vivant non-humain.
Émerge ainsi, particulièrement dans une part importante de la jeunesse, loin des discours dominants, non seulement l’aspiration à un changement de société, mais aussi d’un plus haut degré de civilisation. La conquête du pouvoir citoyen sur l’État et sur les productions, la démocratie réelle, deviennent le but et le moyen des transformations structurelles vers le post-capitalisme. Un terreau fertile à l’initiative communiste !
Patrick Le Hyaric
Le 28 juillet 2025
* M. Robespierre Discours sur le gouvernement représentatif à l’Assemblée nationale le 10 mai 1793