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L’inquiétante brutalité des relations internationales, la militarisation galopante à travers le monde et la centaine de guerres en cours appellent à sonner vite le tocsin de la paix.
Ce combat est difficile. Il doit pourtant être remonté tout en haut de nos agendas, comme urgente invention humaine quand, dangereusement, s’ébranle le monde, quand les institutions et le droit bâti au sortir de la Seconde Guerre mondiale sont liquéfiés sous les coups de boutoir des appétits de nouveaux impérialismes qui ont besoin de violer et de détruire le droit international.
Ces nouveaux impérialismes exacerbent des rivalités de puissance et ont besoin de nouveaux territoires à exploiter. Pour s’assurer de flux de marchandises, ils sont prêts à privatiser canaux et océans. Pour donner un nouvel élan aux firmes capitalistes des téléphones portables, des voitures électriques, de l’armement, des nanotechnologies, de l’énergie nucléaire ou photovoltaïque, de la conquête spatiale, la guerre économique et industrielle pour les terres rares fait rage.
Nous entrons dans cette période périlleuse où la collision entre les intérêts généraux, humains et environnementaux et les intérêts de la minorité des détenteurs du capital est de plus en plus frontale.
Pour mesurer la gravité des enjeux, il faut donc bien se garder de regarder les dirigeants états-uniens ou russes comme des « fous » ou des « malades », mais plutôt analyser les contradictions que porte le capitalisme mondialisé en son sein et ses besoins nouveaux. Il convient aussi de bien se garder du « campisme » et des anciennes grilles de lecture, et considérer que tout est mouvant.
Les peuples ont besoin de construire un processus de sécurité humaine globale, collective et commune, permettant à l’humanité de relever ses nombreux défis sociaux, environnementaux, sanitaires, alimentaires, mais la minorité des possédants a besoin de la guerre économique et militaire pour tenter d’asservir, de diviser les peuples et les travailleurs, de dominer, de piller les biens communs.
La conscience grandit que ces guerres nourrissent grassement de puissants complexes militaro-industriels au détriment d’un nouveau type de développement de l’industrie ou de l’agriculture permettant une bifurcation écologique. Grandit aussi l’idée que les sommes exorbitantes consacrées au militarisme et à la guerre sont soustraites au bien commun et au « mieux vivre » ensemble.
Cependant, le chemin pour que ces consciences se transforment en unitaire solidarité populaire pour le désarmement et la paix reste à parcourir. Tout est fait pour le parsemer de panneaux d’indication détournant les désirs de commune humanité vers le nationalisme belliqueux, les haines, la force des armes remplaçant celle de la diplomatie.
Des généraux de l’Otan en retraite passent leurs journées sur certains plateaux de télévision sans contradicteurs pour tenter de faire accepter le pire. Le ministre du Budget qui ne trouve pas un sou pour les hôpitaux, les écoles, la recherche ou pour réparer les ponts et les routes, clame qu’il faut maintenant passer à « l’économie de guerre ». Autrement dit, accepter de se serrer plus encore la ceinture, accepter le laminage des retraites et de la sécurité sociale, accepter la fin de la semaine des 35 heures, la réduction des congés payés, la fonte généralisée des services publics, l’utilisation de l’épargne populaire pour renforcer l’industrie d’armement. Et, la Commission européenne, pourfendeuse des déficits et dotée d’un maigre budget de 1 211 milliards d’euros, vient subitement de trouver 800 milliards d’euros pour alimenter l’industrie de guerre.
Tous les bonimenteurs qui n’ont cessé de vanter « l’Europe qui protège » se comportent comme une poule qui a trouvé un couteau, face à Trump qui, avec grossièreté, brutalité, cynisme, poursuit de manière nouvelle la stratégie de l’impérialisme états-unien.
À celles et ceux qui souffrent durement de l’austérité depuis tant d’années, les dirigeants européens expliquent désormais que, pour la guerre, on peut assouplir les règles budgétaires européennes. Non content d’avoir subi les insultes de J. D. Vance lors de la conférence de Munich ou le maltraitant mensonge de Trump pour qui l’Union européenne aurait été construite pour « emmerder » les États-Unis, l’UE encaisse sans bruits une augmentation des taxes douanières de 25 % et accepte la prédominance du dollar et l’extraterritorialité du droit nord-américain.
Voici que ce petit monde, réuni à Londres, prétendument pour tenir tête à Trump, s’est confondu en propos mielleux, continuant ici et là de louer cet « allié important et très fiable » que seraient les États-Unis. Non sans confusion, ils ont dit vouloir faire le service après-vente d’une « paix » décidée sans eux et sans le président ukrainien en envoyant sur place des troupes de maintien de la paix.
Et pour bien faire allégeance au grand-maître de l’imperium devant lequel ils vont se prosterner, ils ont insisté sur le fait que « leur plan avait besoin du soutien des États-Unis pour réussir ». À la Maison-Blanche, on s’esclaffe en observant ces dirigeants européens désireux d’assurer la sécurité des capitalistes états-uniens, volontaires pour reconstruire l’Ukraine et piller les ressources de son sous-sol en coopération avec la Russie de Poutine.
Zelensky a eu l’idée de leur offrir ses matières rares, et les pays européens proposent de sécuriser le pillage ! Que demander de mieux ? Le grand capital militaire et numérique est aux anges !
Pour compléter le tableau, pendant que Trump jouait au golf dans sa propriété de Maralago à la suite du show diplomatique télévisuel cherchant à mettre en scène l’humiliation publique d’un Zelinsky pourtant disposé à leur céder les richesses de son pays, le nouveau secrétaire général de l’Otan, le Néerlandais Mark Rutte, priait ce dernier de « restaurer sa relation » avec Trump.
Alors que Biden, puis Trump ont renoncé à faire entrer l’Ukraine dans l’Otan, les dirigeants européens continuent à forcer la porte, tout en envisageant un déploiement de troupes sur le sol ukrainien. Rien de tel pour être qualifié de co-belligérants et pour ne pas renouer le fil avec la Russie. Une tension qui pourrait dégénérer.
L’administration nord-américaine travaille à un autre ordre mondial visant à renforcer la toute-puissance du capitalisme nord-américain. Pendant ce temps, ses vassaux européens sont chargés d’augmenter leurs budgets militaires pour assurer des garanties de sécurité à l’Ukraine. Le grand capital nord-américain prépare le partage des ressources de l’Ukraine avec les oligarques russes et ukrainiens, déjà à l’œuvre, pour créer les fonds financiers destinataires du partage du butin pillé au peuple ukrainien. Déjà sur place depuis de nombreux mois, les fonds BlackRock, JP Morgan, McKinsey sont au septième ciel. C’est aussi le fond Blackrock qui en ce moment rachète pan par pan le canal du Panama.
L’autre volet permettant de comprendre les stratégies russo-états-uniennes a sans doute été dévoilé par le secrétaire d’État aux affaires étrangères Marco Rubio, dans un entretien au média d’extrême droite Breitbart où il insiste sur la nécessité de ne pas laisser s’installer la convergence entre la Russie et la Chine.
La Maison-Blanche considère en effet que la dépendance russe au soutien chinois mine sa priorité stratégique qui est d’affaiblir la Chine. Du reste, cela peut correspondre aux intérêts de la Russie qui refuse de devenir vassale de la Chine afin d’avoir la possibilité de revenir à la réalisation de son projet de grande fédération eurasiatique. Elle se placerait ainsi comme une force conséquente entre la Chine et l’Union européenne. C’est ce que celle-ci a refusé aux dirigeants russes postsoviétiques en sommant l’Ukraine de choisir entre l’Europe et l’Eurasie. Or, s’agissant d’un pays à l’histoire complexe, à la géographie singulière, à la culture plurielle, il convient de laisser le peuple ukrainien bâtir une nation démocratique non intégrée à un bloc, ni à l’Otan ni sous domination russe. Mieux encore, ce peuple à l’histoire si tourmentée, qui vient de payer la guerre de plus d’un million de morts, ne peut aujourd’hui être l’objet des mercantiles marchandages entre oligarques de tous bords avec la complicité de tous les protagonistes dont Zélinsky lui-même et les dirigeants européens.
Le grand problème de l’heure n’est pas que deux pays détenteurs de l’arme nucléaire tels que les États-Unis et la Russie se parlent. Il est plutôt dans le fait que ce faisant, ces deux puissances actent qu’il existait entre eux une guerre par procuration, dont le peuple ukrainien paie le prix tandis que les peuples européens en sont les victimes collatérales du fait de l’administration Biden et, plus encore maintenant, celle de Trump.
Les discussions ou projets d’accords ne portent que sur le partage d’un vol au profit des puissances industrielles et financières nord-américaines avec celles de la Russie -pour les territoires qu’ils contrôlent- en lien avec les oligarques Ukrainien. Une incroyable spoliation pour permettre aux géants US et d’autres de la téléphonie, du numérique et de l’automobile, de l’énergie, de l’armement d’assurer l’augmentation de leurs profits et rentes et une mise en dépendance totale d’une partie du monde, notamment l’Union européenne, envers le grand capital nord-américain. Les grandes firmes capitalistes européennes, de l’armement, de l’alimentation ou de l’énergie poursuivent le même objectif, en voulant intégrer coûte que coûte l’Ukraine dans l’Union européenne.
La guerre économique s’amplifiera donc et peut à tout moment dégénérer si n’est pas rapidement mis en débat un projet d’architecture de sécurité commune sur tout le continent incluant la Russie et l’Ukraine et impliquant des pays tiers comme garants.
Tout peut dégénérer si les peuples n’arrivent pas à distinguer les causes de ces guerres et du surarmement qui ne se font pas dans leur intérêt, mais de celui de ceux qui les exploitent, les spolient et les aliènent.
Le projet nationaliste trumpiste de « l’Amérique d’abord » répond donc au risque d’affaiblissement du capitalisme états-unien face à la Chine et aux pays membres des BRICS qui contestent désormais la prédominance du dollar sur l’économie mondiale. Dans le contexte de l’exacerbation des crises du capitalisme, de l’augmentation de la population mondiale, des prolongements de la révolution informationnelle, les enjeux liés à l’énergie, à l’industrie militaire, numérique et spaciale , les terres rares deviennent un enjeu capital sur toute la planète.
En plus des compagnies pétrolières, on trouve des firmes comme Rio Tinto, BHP, Glencore-Xstrata, The Métals Compagny, Rare Earth, MP Matérials… ; en quête de terres rares au Congo comme au Soudan, en Birmanie comme en Mongolie, en Malaisie comme au Groenland ou dans la zone des Grands Lacs africains et en Ukraine. Ici se niche une part importante de la confrontation intracapitaliste que Trump et ses onze milliardaires, qui dirigent les États-Unis, veulent dominer. Il se dit qu’il est prêt à conclure un accord avec la Russie pour développer dans ce pays l’intelligence artificielle.
Dans un tel contexte, les peuples européens ne doivent pas se laisser diviser et doivent rechercher des voies de rencontre et de solidarité avec les peuples et les travailleurs ukrainiens, états-uniens, russes comme avec ceux des pays du Sud. Ils ont un rôle crucial à jouer pour construire et pousser, face à leurs dirigeants, un autre projet : celui de la défense et de l’activation du droit international, de la justice et de la paix. Celui de la construction d’un projet de prévention des conflits et de sécurité commune européenne, loin des escalades verbales. Celui du non-alignement et d’une diplomatie active qui recherche des alliances pour le progrès et des projets communs, mutuellement avantageux, avec les pays du Sud, respectueux de tous les peuples. Celui d’une autre orientation européenne, tournant le dos au désastreux socle qui se construit autour du militarisme et de l’économie de guerre.
À l’opposé du bellicisme, une autre construction européenne respectueuse des nations libres, solidaires et souveraines devrait proposer aux peuples du monde de refuser la loi de la jungle et la rénovation du droit international et un processus de coopération mondiale visant la fin des inégalités et de la pauvreté, la souveraineté alimentaire et la sécurité sociale et sanitaire, une réponse coordonnée et juste aux défis des modifications climatiques et des migrations, l’accès garanti de toutes et de tous aux biens communs de l’humanité tout en les protégeant. Une action forte contre la prolifération nucléaire.
Une telle orientation à cultiver partout dans chaque quartier, village, lieu de travail, combinée à la construction de forums citoyens européens, sortirait des millions de citoyennes et de citoyens, de travailleuses et de travailleurs du mauvais récit guerrier que leur servent les dirigeants. Y parvenir est un immense chantier. Les semaines à venir jusqu’au sommet de l’Otan au mois de juin vont être décisives.
La paix véritable est le grand combat de l’heure.
Patrick Le Hyaric
5 mars 2025
2 commentaires
Je suis en accord total avec chaque mot de ton texte.
Merci Patrick.
Jocelyne
Très bon article