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Le pouvoir ne répond pas aux enjeux fondamentaux auxquels sont confrontés les travailleurs paysans. Le premier se nomme rémunération du travail humain et des investissements indispensables à la production par des prix minimums.
Parce qu’il s’inscrit dans un système qui vise en priorité la rémunération du capital de l’industrie fournisseuse de l’agriculture et de l’industrie acheteuse constituée elle-même de l’industrie de transformation, du négoce et de la grande distribution, le pouvoir ne veut pas aborder la question des prix. De même, le pouvoir refuse de discuter de la nécessaire augmentation des salaires et des retraites qui serait pourtant le moyen pour les citoyens –consommateurs pour s’alimenter mieux. Les combats des travailleurs des villes et des champs doivent donc s’épauler.
On vient même d’assister à cet aveu édifiant : le gouvernement va multiplier les contrôles dans les grandes surfaces pour vérifier la bonne application de la loi dite « Egalim ». Mais cela fait six ans que cette loi existe. Et tout le monde sait qu’elle n’est pas appliquée. Le pouvoir ment donc depuis tout ce temps !
De même, voilà qu’on entend des voix du pouvoir, des médias, des partis, LR, Renaissance, RN/FN critiquer la Politique agricole commune (PAC).
Mais tous ces gens ont voté ensemble la dernière réforme de PAC, avec les encouragements de la FNSEA. Or, cette Politique agricole commune qui apporte 9,2 milliards d’euros à notre pays profite d’abord aux plus gros exploitants agricoles, car ses versements se font selon la surface.
Plus vous avez d’hectares, plus vous touchez de crédits. Pas un mot du pouvoir, ni de la FNSEA sur cette injustice.
Présenter la suppression des 4 % de jachères comme une victoire, est une tromperie dont les générations futures paieront les lourdes factures en santé et conditions de vie. Elle était une revendication des plus gros exploitants européens, ceux de l’est de l’Allemagne aux fermes de 1000 ha, ceux des Pays-Bas et des céréaliers de la Beauce qui n’ont ni arbre, ni talus, ni haies sur leur parcelle. Les « 4 % » en question sont constitués dans beaucoup d’endroits déjà par les infrastructures agro-écologiques ; bosquets, arbres, fossés, haies. Autant d’infrastructures existantes pour le petit et moyen paysan qui sont des atouts contre les modifications climatiques.
Quant à la défiscalisation lors des transmissions, des plus gros patrimoines, elle est aussi une demande des plus gros exploitants.
Et le pouvoir franchit une étape inquiétante en revenant sur le plan dit « Écophyto » qui visait une transition vers un plus grand respect de l’environnement. Ce plan visait à protéger les corps et tout le vivant. Ne pas appliquer ce plan, accepter de nouveaux pesticides et herbicides revient à scier la branche sur laquelle est assise l’agriculture.
C’est la perte de biodiversité avec le risque d’infertilité des sols qui conduit à diminuer les rendements et accélère la baisse de productivité du travail agricole et de la nature elle-même.
C’est un mauvais signe pour les générations de paysans-travailleurs à venir. Le paysan est parmi les premières victimes de l’agrochimie qui détériore leur santé et facteur de modifications climatiques.
Le mot d’ordre gouvernemental sur le thème démagogique : « Pas d’interdictions sans solutions » est un funeste rideau de fumée dès lors que les crédits pour la recherche publique sont sans cesse compressés et qu’il n’est strictement rien demandé aux firmes agro-chimiques au nom de la sacro-sainte « liberté d’entreprendre », poutre essentielle du capitalisme mondialisé et financiarisé.
La firme Bayer qui inonde le monde de glyphosate via son produit Roundup se targue de gagner 8,3 milliards d’euros grâce à sa division herbicide. Le glyphosate pèse pour moitié dans ce résultat. C’est ce qui faisait écrire au journal des milieux d’affaires « Les Échos » le 21 novembre dernier, je cite : « Pour la firme, la bonne nouvelle est qu’il n’existe pas – à ce jour – de produit de substitution ». Empoisonnez, empoisonnez, c’est bon pour les affaires. Quand va-t-on demander des comptes au grand capital agro-chimique et pharmaceutique qui tire avantage de vous vendre le poison et les médicaments qui ne le soignent pas ?
Les bruits de bouche du pouvoir à propos de l’installation de jeunes sont proportionnels à la petitesse de la réflexion. En effet, la France compte aujourd’hui un peu plus de 400 000 exploitants. La moitié d’entre eux vont accéder à leur retraite dans les années à venir. On va donc vers un pays comptant entre 150 000 à 200 000 paysans avec une structure agraire concentrée où toutes les problématiques en cours s’aggraveront.
Dans ces conditions, il n’y aura pas de « souveraineté alimentaire nationale ». Ce ne sont pas 10 000 jeunes qu’il faut installer, mais plus d’un million. C’est une tout autre ambition et évidemment la mobilisation d’autres moyens : limiter le prix du foncier où permettre son accès par la location grâce à des organismes étatiques et régionaux dédiés avec dix années de gratuité, permettre l’accès à des crédits d’équipement à taux négatif en mobilisant la banque centrale européenne ; utiliser une partie des crédits de la PAC pour aider l’installation dans des fermes à taille humaine selon les critères du travail et de la valorisation des biens communs.
Il convient de ne pas baisser la garde pour empêcher que le traité de libre-échange avec les pays du Mercosur soit quarante traités que l’Union européenne signe au nom du concept qui réduit l’Europe à un « marché ouvert où la concurrence est libre ».
Le soutien massif de la population à l’inédit mouvement paysan parti des fermes et non des appels à la lutte du syndicat des puissants, l’engagement de la jeunesse, y compris des étudiants en agriculture que l’on a pu y voir, la responsabilité et la modernité des paroles prononcées, la créativité des slogans oblige tout militant de la transformation sociale à travailler à l’unité populaire du monde du travail et de la création dans sa diversité pour porter haut les enjeux fondamentaux de société que porte le mouvement des travailleurs-paysans. Ceux d’une transformation profonde de la société et du monde au nom de l’humanité. Car, détruire le vivant et la biodiversité revient à détruire l’humanité.
Patrick Le Hyaric
2 février 2024
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