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Patrick Le Hyaric, le 21 juin 2023, Pantin PCF
La prochaine élection des députés au Parlement va se dérouler le 9 juin 2024, dans un an précisément.
Elles ne se dérouleront pas du tout dans le même contexte qu’il y a 5 ans.
Le paysage mondial et européen est bouleversé sous l’effet des suites de la crise de 2008, de la pandémie et maintenant de la guerre en Ukraine auquel il faut ajouter la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne le 1er janvier 2020. Il conviendrait d’ailleurs de faire un premier bilan de cette sortie pour les travailleurs et le peuple britannique.
Nous ne pouvons donc faire la même campagne qu’il y a 5 ans qui, rappelons-le, avec un scrutin proportionnel qui ne donne un député qu’à partir de 5 % des voix, a conduit à ce que – pour la première fois dans l’histoire du Parlement européen – il n’y a plus de député communiste français dans cette enceinte.
J’ajoute que l’élection des députés au Parlement européen va se dérouler dans un contexte politique national marqué par le développement des mouvements sociaux et le rejet du président de la République, mais aussi la grande banalisation organisée de l’extrême droite notamment à l’Assemblée nationale, qui peut conduire à ce que l’enjeu dépasse l’objet même de cette élection.
Composition du Parlement européen
Le Parlement européen est aujourd’hui composé de 705 députés. 73 députés britanniques l’ont quitté après la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Il est possible que 11 députés soient ajoutés pour quelques pays dont la démographie a progressé ces dernières années.
En France, nous élisons 79 députés. Nous sommes le 2e pays représenté, derrière l’Allemagne, avec 96 députés et, avant l’Italie, qui a 76 députés.
Le Parlement européen est composé de 7 groupes politiques.
Le nôtre dont Francis Wurtz a été le fondateur et président longtemps. Son nom était Gauche unitaire européenne – Gauche verte nordique et qui maintenant s’appelle La Gauche avec 38 sièges.
Les sociaux-démocrates avec 146 sièges.
Les écologistes avec 71 sièges.
Le Parti populaire européen avec 176 sièges.
Le groupe des conservateurs de droite extrême (CRE conservateurs et réformistes) avec 63 sièges.
L’extrême droite qui s’appelle Identité et démocratie (ID) 64 sièges
Et 45 députés ne sont inscrits dans aucun groupe.
Les 79 députés français actuels se répartissent ainsi :
6 pour le groupe de la Gauche qui sont uniquement des députés de La France insoumise
7 dans le groupe socialiste (Parti socialiste et Place publique)
12 dans le groupe écologiste (EELV)
23 dans le groupe Renew (Renaissance, la liste du président de la République)
8 au PPE (Les Républicains)
18 au groupe Identité et démocratie (l’extrême droite de Le Pen-Bardella)
5 ne sont inscrits dans aucun groupe politique.
Les enquêtes d’opinion réalisées à l’échelle de l’Union européenne (eurobaromètre) indiquent à ce jour la possibilité d’une participation plus grande des électrices et des électeurs au vote, soit 67 % contre 58 % en avril 2018 ; c’est-à-dire un progrès qui serait de 10 points. Ces mêmes enquêtes confirment la montée des forces d’extrême droite dans plusieurs pays. En France, la tendance est la même avec un résultat estimé de l’extrême droite montant à 26 %. Ce chiffre est confirmé par plusieurs sondages nationaux. Ces deux éléments sont des données politiques importantes.
Le contexte et les enjeux qu’il pose
-D’abord et c’est la grande question : Après la guerre en Yougoslavie, c’est la deuxième fois depuis la Seconde Guerre mondiale qu’une guerre de haute intensité se déroule sur le sol de l’Europe géographique entre des pays avec lesquels l’Union européenne coopère – pour ne pas dire qu’elle en était dépendante sur plusieurs segments.
Un accord d’association lie l’Union européenne à l’Ukraine ainsi qu’un Partenariat oriental.
La Russie était fournisseuse d’énergies fossiles, d’équipements de centrales nucléaires et un partenaire commercial important dans les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire, notamment. On se souvient que 34 entreprises françaises du CAC 40 étaient implantées à Moscou avant les sanctions.
-La guerre bouleverse le paysage politique et géopolitique du continent géographique européen.
Elle a plusieurs conséquences concrètes sur la vie des populations et sur la manière d’appréhender la construction européenne et le rôle de l’Union européenne aujourd’hui.
-Après la pandémie, il y a le retour de la tentative de compression des budgets nationaux et le retour aux critères du pacte dit de stabilité, au nom du remboursement de la dette des États, alors que tous les pays de l’Union européenne augmentent considérablement leur budget militaire. L’Allemagne se réarme. La Pologne va consacrer 5 % de son produit intérieur brut à l’armement. Chez nous, la loi de programmation militaire décide d’engager 413 milliards d’euros, soit à un progrès de 40 % des dépenses militaires, pour une période de 5 ans.
-La coupure de l’approvisionnement d’une partie du gaz et du pétrole russe ouvre la voie à une plus grande dépendance aux États-Unis. Ce pays se donne du même coup un moyen de pression considérable sur l’industrie allemande d’abord, mais aussi française et italienne tout en exportant en Europe son gaz de schiste.
-Loin des discours sur la construction en commun de matériel militaire, plusieurs pays européens achètent à l’industrie militaire nord-américaine des chars et le nouvel avion F35 ; parmi lesquels l’Allemagne qui achète aussi à un consortium américano-israélien son bouclier antimissile.
-Les États-Unis sont de retour en force en Europe et ont une oreille attentive des pays d’Europe centrale et orientale. Ils cultivent la division au sein de l’Union européenne entre les pays membres fondateurs et les pays d’Europe centrale et orientale. Il existe même un groupe de ces pays dits le B 14 (ou Bulgarie 14) rassemblant 14 de ces pays que le président nord-américain a réunis, sans les institutions européennes, lors de son dernier voyage à Kiev et à Varsovie.
-L’OTAN est renforcée sur le territoire européen. Considérablement renforcée alors que les États-Unis venaient de vivre un échec historique en Afghanistan, et que l’approfondissement de désaccords en son sein depuis plusieurs années la donnait pour morte par certains dirigeants européens.
La situation a radicalement changé : la Finlande et la Suède y adhèrent, et le sommet de l’OTAN, qui doit se tenir le 11 juillet à Vilnius, va rechercher un statut spécifique pour l’Ukraine sans la faire adhérer formellement. Une telle adhésion conduirait au déclenchement automatique de ce que l’on appelle l’article 5 qui obligerait alors nos pays à entrer directement dans la guerre. Mais même si la décision d’un statut particulier, voire associé, était prise, cela ne ferait que renforcer les préventions de la Russie et se situe à l’opposé de la recherche d’un apaisement et d’un traité de paix.
-Autre grand défi dans ce contexte. Plusieurs pays, dont l’Ukraine, ont demandé à devenir membres de l’Union européenne. Ce processus ne peut se faire si simplement ; seulement il renferme lui aussi de nombreux dangers.
Le traité européen oblige les pays membres à venir en aide à un pays agressé. Ce qui là aussi entraînerait nos pays directement dans la guerre.
Ce projet ferait passer l’Union européenne de 27 à 32 membres. Des pays avec de grands écarts de développement, de nombreuses inégalités sociales et territoriales, ce serait donc l’amplification des « concurrences » qui tireraient les droits sociaux vers le bas. Avec l’Ukraine dans l’Union européenne, la politique agricole commune volerait en éclat.
S’ajoutent à ces enjeux des questions liées au mode d’organisation et de vie en commun alors qu’à 27, les décisions sont déjà extrêmement difficiles à prendre.
-Je reviens aux orientations des pays d’Europe centrale et orientale doivent être attentivement examinées du point de vue des rapports de force qui se modifient au sein même de l’Union européenne. Après leur période d’adhésion et d’insertion grâce à d’importants financements européens les voici qui sont les pays qui s’arment le plus, qui s’arriment le plus aux États-Unis et à l’OTAN, et qui adoptent des systèmes politiques protégeant et renforçant le capitalisme avec des gouvernements de droite extrême et d’extrême droite. Ces pays pèsent plus aujourd’hui qu’hier sur les choix européens.
Troisième défi : Les grands enjeux sociaux, le défi climatique, le défi migratoire
– L’Union européenne aujourd’hui, c’est 100 millions de personnes en situation de pauvreté. Il y en avait 85 millions en 2018. Il risque d’y en avoir 150 millions d’ici 2030.
Il y a un lien évident entre le développement des inégalités et de la pauvreté qui progressent, et les bouleversements climatiques, car ce sont les plus vulnérables qui sont les plus touchés alors que les pollutions d’origines diverses sont le résultat à la fois des plus fortunés, mais, surtout, d’un type de développement qui sacrifie les hommes et la nature. La destruction du vivant se fait sous l’effet de la politique agricole commune qui privilégie une agriculture industrielle.
-L’austérité et la concurrence libre constituent le moyen de pression essentiel sur la rémunération du travail tout en empêchant la transition environnementale alors que les pays fournisseurs des composants constituants essentiels des nouveaux matériaux (dont une partie se fait au nom de la transition écologique comme les batteries d’automobiles) sont pillés et leurs travailleurs surexploités avec ce que l’on appelle l’exploitation des « minerais de sang ».
-Les migrations vont continuer à se développer et les enjeux de l’accueil et du droit d’asile européen vont continuer de se poser avec plus de force. Cette thématique peut être mise par le pouvoir, les droites et l’extrême droite en avant durant la campagne électorale. Il y a en débat actuellement un paquet de directives dites « Asile-migrations » contre l’Europe forteresse et Frontex nous avions fait voter ( 16 novembre 2017 Strasbourg) avec Marie-Christine Vergiat un important rapport sur le droit d’asile européen : transformation du système dit de Dublin » dit du pays de premier accueil soit le réfugié a de la famille dans l’un des pays et il peut la rejoindre, s’il n’en a pas chaque pays membre doit prendre en charge sa part de réfugiée, les enfants mineurs auraient des tuteurs dans les pays membres. Tous les pays partagent la responsabilité des demandeurs d’asile, application du droit international.
-La domination des géants du numérique nord-américains et le développement de l’intelligence artificielle sont également parmi les grands défis auxquels va être confrontée l’Union européenne pour le partage des savoirs, la diversité et l’exception culturelle, et cela va exercer une considérable pression sur l’ensemble des activités du transport de la logistique, de la santé, de la conduite des armements.
Analyse succincte des décisions de ces cinq dernières années.
Marqués par les suites de la crise financière de 2008, de la pandémie, de la crise climatique et, maintenant, de la guerre les institutions européennes ont été durant tout le mandat précédent pris dans des contradictions posées par l’application des traités qu’ils ont eux-mêmes édictées.
Cet aspect doit être examiné, car il l’existence de prises pour les mouvements sociaux et citoyens et pour un bloc progressiste au Parlement européen, utile à modifier le cours des choses.
Prenons quelques exemples :
- Les critères de déficit public et de dettes ont été mis entre parenthèses. Mieux, les États membres de l’Union européenne se sont mis à emprunter ensemble avant la pandémie déjà pour un plan de relance européen. Il conviendrait d’en demander un bilan et d’examiner les batailles à mener aujourd’hui en faveur de projets industriel, agricole ou de services nouveaux, créateurs d’emplois et favorables à la transition environnementale.
L’Union européenne a impulsé et cordonné l’achat de vaccins en commun, mais a fait une monumentale erreur en n’acceptant les demandes des pays du Sud sur la levée des brevets.
Autre contradiction :
- Les institutions européennes refusent de discuter d’un Fonds européen pour la transition sociale et environnementale, mais elles ont changé d’attitude lorsqu’il s’est agi de créer un fonds commun pour la guerre en vue de l’achat d’armement.
Notons que les États-Unis ont lancé en 2022 un fonds de relance baptisé « réduction de l’inflation » (Inflation Reduction Act, ou IRA) de 370 milliards de dollars pour la ré-industrialisation et la transition environnementale. Il s’agit pour eux évidemment de soutenir leurs grands groupes capitalistes. La question n’est donc pas de copier ce modèle.
Par contre, l’Europe pourrait créer un fonds de développement alimenté par la Banque centrale européenne (alimenté par de la création monétaire, cela s’est fait durant la pandémie) afin de développer massivement les services publics utiles à la transition écologique : développement des transports en commun, fret marchandises, rénovation thermique, logements, aide à la transition agricole, aide aux collectivités locales qui transforment les villes pour plus de verdure , de nouvelles voiries permettant d’absorber l’eau dans les sols, le développement de jardins familiaux nourriciers…
Un pacte vert européen a été lancé et amélioré par le parlement européen pour réduire les émissions de gaz carbonique de 55 % à l’horizon 2030 et pour préserver la nature. Mais dans le cadre actuel, de nombreux États ne l’appliquent pas et la politique agricole commune va à l’encontre du projet dit de sauvegarde de la nature. Il existe également un flou sur le processus de sortie des pesticides sous la pression de la firme Bayer.
- L’Union européenne a tenté de limiter la toute-puissance des géants du numérique nord-américains, mais les principes de la concurrence fiscale et de la libre circulation des capitaux et des marchandises les empêchent d’aller plus loin. Notons tout de même la menace depuis une dizaine de jours de démantèlement du monopole de Google.
- Décision a également été prise de mettre en place des taxes carbone aux frontières et d’empêcher les importations issues de la destruction des grandes forêts mondiales, comme par exemple le soja. Mais en même temps les accords de libre-échange avec l’Australie, la Nouvelle-Zélande ou le Mercosur contredisent cette orientation.
- Une directive pour protéger les travailleurs des plateformes est désormais soumise au vote du Parlement européen et du Conseil européen. Mais elle reste très limitée, car le nombre de critères exigés (7) pour que leur contrat soit requalifié en contrat salarié donne la possibilité de dérogation des États et limite donc la portée de la directive. Le gouvernement français n’est pas le dernier à tenter d’édulcorer ce texte.
- On peut en dire de même de la question du salaire minimum qui a été enfin débattue, mais sans constituer pas pour cela un salaire de base reflétant le salaire médian de l’Union européenne
Dire tout ceci, c’est examiner des contradictions et se donner des moyens d’agir sur elles, à l’opposé donc de l’idée selon laquelle tout serait toujours figé.
Cela ne résout évidemment pas les problèmes fondamentaux qui sont posés, mais ouvre la voie à des améliorations pour la vie des travailleurs et des citoyens, voire à des transformations. Ceci n’est possible qu’à partir des combats dans tous les pays de l’Union européenne pour le progrès social et écologique.
- Dire ceci, c’est aussi poser la question du rapport de force au sein des instances européennes – Parlement et Commission européenne – entre — l’hypothèse que j’émets -de la nécessité de construire un bloc progressiste et écologique et les droites conservatrices et d’extrême droite. Cela se joue dans chaque pays européen avec ce vote dans un an.
Il faut savoir que la composition de la Commission européenne est également le résultat de ces votes, puisque celle-ci dépend du choix de chaque gouvernement national, mais aussi du Parlement européen qui désormais l’approuve ou peut même la censurer.
Quelle pourrait être le sens d’une refondation transformation du projet européen ?
Notre concept fondamental est de sortir de l’unicité politique, sociale, budgétaire, environnementale, culturelle pour la remplacer par un tout autre projet : une union nouvelle qui serait celle des peuples et des nations souveraines, libres et associées.
C’est un renversement de la nature de la construction européenne que nous proposons en mettant le projet européen solidaire entre les mains des travailleurs et des peuples.
Et cette union vise le mieux pour chaque Européenne et Européen, le progrès social, éducatif et culturel, le progrès démocratique, le progrès environnemental et le combat pour obtenir une paix durable sur le sol européen. Cela va de pair avec la construction d’une architecture de sécurité commune (sécurité des Russes, des Ukrainiens et de tous les autres) sur le continent européen.
L’idée d’une union des peuples et des nations libres et associées vise à permettre à des pays d’accord entre eux sur tel ou tel projet social ou économique combinée avec la préservation du climat et de la biodiversité de s’entendre et de le mettre en œuvre ensemble. Autrement dit, nous avons développé l’idée d’une construction européenne à géométrie choisie loin des décisions imposées d’en haut et conduisant à rechercher toujours un compromis sur la base du plus petit dénominateur commun. Je me permets d’insister sur les mots « géométrie choisie » n’est pas « géométrie variable » qui n’est qu’une version du deux poids, deux mesures. Notre projet vise bien à garantir la souveraineté des peuples des États membres sur leurs choix politique, économique, social, culturel, alimentaire dans le cadre d’une coopération européenne dont ils restent en permanence les maitres.
Les citoyens, les travailleurs ont ainsi la possibilité d’impulser des coopérations intraeuropéennes sur des sujets et des projets qui leur sont communs. Par exemple : si 6 pays décidaient de lancer ensemble l’avion écologique du futur, ce devrait être possible sans attendre, d’autres pourraient par la suite s’y associer. Si d’autres pays décidaient de développer le transport fret de marchandises pour réduire le nombre de camions entre l’Espagne et l’Allemagne, par exemple entre la France et l’Autriche ou l’Italie et la France. On pourrait prendre d’autres exemples comme ceux de la production en commun de médicaments pour tous les citoyens européens à un coût abordable. Il en est de même par exemple pour le développement du carburant hydrogène sans carbone ou encore pour l’énergie, l’eau, la préservation et la valorisation des forêts ou un nouveau projet agricole et alimentaire.
La finalité d’une Europe refondée doit selon nous permettre aux pays qui en sont membres d’avoir les moyens notamment financiers de porter ensemble un projet social économique et écologique progressiste.
Une autre construction européenne se donnerait donc les moyens de se dégager de l’emprise et de la domination des marchés financiers en utilisant les outils de la fiscalité et du crédit- afin d’orienter l’argent vers la promotion des capacités humaines et la transition environnementale. En même temps elle agirait sur la scène internationale pour que le dollar cesse d’être la monnaie commune mondiale en lien avec de plus en plus de pays qui conteste cette hégémonie comme l’extraterritorialité du droit Nord-Américain. ( Ces embryons existent avec ce que l’on appelle les droits de tirage spéciaux de la banque mondiale qui ont été utilisés durant la période de la pandémie et très modestement pour annuler des dettes de pays en développement.
Il me semble que l’une des questions urgentes de l’heure est celle de la recherche d’un cessez-le-feu, de la négociation d’un traité de paix et de la recherche d’un projet nouveau de sécurité commune, avec l’objectif de dépasser l’alliance militaire de l’OTAN, c’est-à-dire de la dissoudre à terme.
L’Union européenne n’a strictement aucun intérêt à continuer de s’aligner derrière les États-Unis qui nous poussent dans des impasses meurtrières. Il serait bien plus utile de débattre et de décider même à quelques pays européens du chemin permettant de revenir à la paix en s’associant aux initiatives du pape, de la Chine, du Brésil, du Mexique ou des pays africains. Du même coup, les institutions européennes devraient se tourner vers les pays des BRICS, les pays du sud pour construire un rapport de force permettant de faire pression notamment sur la Russie de Poutine pour obtenir ce cessez-le-feu. En même temps l’Union européenne, doit se donner l’objectif de travailler avec d’autres à une réforme de l’ONU notamment du conseil de sécurité.
En même temps que serait travaillée cette architecture commune de coopération et de sécurité collective incluant évidemment la Russie, l’Ukraine et tous les pays européens. Un mécanisme de prévention des conflits doit être créé et la défense de l’Union européenne ne devrait plus dépendre de l’OTAN, mais reposer sur des accords entre les nations se respectant mutuellement.
Dans cette configuration, la France a une responsabilité particulière, car elle est, d’une part, membre du Conseil de sécurité de l’ONU et, d’autre part, la seule puissance nucléaire de l’Union européenne, c’est-à-dire de l’Europe politique.
Le pays produirait un acte de grande importance en décidant de s’associer au Traité international pour l’interdiction des armes nucléaires et en défendant cette option auprès des autres pays européens lesquels, je le rappelle, ne sont pas aux prises avec la même problématique, car ils ne disposent pas de l’arme nucléaire aujourd’hui.
Par ailleurs, une union des peuples et des nations associées et souveraines devrait relancer les discussions autour de nouveaux traités de désarmement.
Il y a autour de l’enjeu de la fin de la guerre des questions très concrètes qui concernent chaque habitante et chaque habitant du territoire de l’Europe géographique. Elles concernent à la fois le prix des produits énergétiques et alimentaires, les souverainetés industrielles et agricoles, l’indépendance énergétique.
-Enfin la guerre ne peut pas servir à faire accepter des dépenses de plus en plus importantes dans le surarmement alors qu’on ferait payer au peuple de nouvelles politiques d’austérité au nom des priorités financières pour financer l’armement et le remboursement de la dette.
-Et puis, l’Union européenne doit se tourner beaucoup plus vers le Sud, et rechercher les moyens d’une alliance euro-méditerranéenne avec des projets communs dans les domaines alimentaires, de respect de l’environnement , de l’eau, des transports et du climat, celles concernant les migrations en refusant l’actuel pacte européen asile-migration et en dissolvant Frontex pour inventer une nouvelle structure de protection des migrants dans le respect du droit international et pour instaurer des voies légales et sécurisées de migrations.
Les priorités sociales et écologiques permettant d’ouvrir la voie de manière durable à un véritable codéveloppement entre peuples européens et à impulser un nouveau modèle social avancé, commun à toute personne vivant au sein de l’Union européenne en tenant compte des réalités de chaque pays, de chaque peuple, de l’histoire et de la culture de chaque nation.
Ainsi nous pourrions porter l’idée d’un nouveau pacte social européen incluant une clause de non-régression sociale, une clause de la femme la plus « favorisée », un projet audacieux d’harmonisation sociale par le haut, incluant un salaire minimum dans chaque pays supérieur d’au moins 20 % au seuil de pauvreté ou 60% des salaires moyens.
Je me répète. Ce projet se doterait d’un Fonds européen de développement humain, social et écologique alimenté par la Banque centrale européenne afin d’impulser de nouveaux financements pour le développement de services publics. (Formation, santé, transports, logement, collectivités locales, vie rurale, Projets culturels.)
Ceci devrait se faire en lien avec une transformation de la Banque centrale européenne qui devrait être placée sous le contrôle du Parlement européen et des peuples afin d’impulser une politique monétaire et de crédit favorable à l’emploi, au développement des capacités humaines et aux transformations industrielles et agricoles dans une visée de protection de la nature, de l’eau, de l’air. Il ne peut y avoir de nouvelle politique industrielle durable sans qu’on permette aux États de financer leur économie sans entrave des autorités européennes sous couvert de libre concurrence. Rappelons que la Banque centrale européenne et d’autres banques ont utilisé le moyen de la création monétaire pour faire face à la pandémie. Ceci est donc un axe de lutte crédible.
Une telle Europe n’aurait plus pour stratégie l’adaptation à la mondialisation capitaliste, mais une stratégie d’action pour sa transformation et la protection des citoyens de tous les pays membres avec la promotion de leur capacité humaine et la préservation de l’environnement. Ceci induit de transformer le concept de libre-échange intégral en celui de coopération entre les nations et les peuples pour des codéveloppements mutuellement avantageux.
Nous pourrions imaginer, dans la recherche de convergences des travailleurs , des luttes sociales et politiques, l’utilisation des contradictions au sein même du capitalisme de bâtir un tout autre système : des traités internationaux de maîtrise des échanges et des investissements profitables aux travailleurs et aux peuples, au service de leur accès partout sur la planète aux biens communs de la santé, de la sécurité alimentaire, de la sécurité énergétique, de développement industriel de type nouveau riche en emplois.
-Au moment où les enjeux énergétiques prennent une importance capitale pour un nouveau développement industriel et agricole et pour l’environnement, il s’agit de sortir aujourd’hui du marché européen de l’énergie et d’impulser, au contraire, des coopérations entre les États membres pour assurer l’approvisionnement de chaque pays au prix le plus bas possible, grâce à des filières de production décarbonées.
-Une autre Europe de la coopération et de la solidarité devrait permettre de garantir à chacune et chacun une sécurité du travail, combinée en permanence avec les formations, la valorisation de celui-ci, de son utilité au service des biens et de projets communs.
Un travail correctement rémunéré, sur lequel les travailleurs seraient souverains, comme il serait souverain sur la production (seuls moyens d’engager le processus de transition environnementale) inscrite dans un projet plus global associant accès à l’éducation, à la formation et la culture, le partage des savoirs et le développement de la recherche pour la santé, les technologies nouvelles non polluantes dans l’industrie comme dans l’agriculture et le transport, la défense et la création de nouveaux services publics pour l’accès aux biens communs humains, une nouvelle politique énergétique permettant l’autonomie européenne, une transformation de la politique agricole commune en une politique agricole et alimentaire incluant les activités de la mer. Une telle construction européenne bannirait les rapports de domination et s’attacherait à réduire en une dizaine d’années les inégalités de développement entre les nations associées.
-Une autre Europe est aussi une Europe démocratique où les peuples seraient consultés de diverses manières, et où les droits et les pouvoirs des citoyens et des salariés dans la gestion des entreprises seraient en expansion, où l’utilisation de l’argent serait contrôlée en faveur du progrès humain et environnemental, où, enfin, on assécherait les paradis fiscaux et où on créerait un impôt européen sur le capital afin de financer la transition environnementale.
-Ce serait évidemment une Europe reposant sur une communauté de principes dans l’esprit de la Charte des Nations unies, des conventions de Genève et de la Déclaration universelle des droits de l’homme, opposables par chaque citoyen européen.
Le cadre institutionnel européen doit de ce point de vue être transformé pour rapprocher les citoyens des lieux de décisions et les associer à ces décisions.
On l’a vu, les institutions européennes et les États ont pu s’affranchir des traités. Ce qui rend crédible le projet d’un processus de luttes et de rapport de force nouveaux pour les rendre obsolètes et construire de nouvelles règles, qui évidemment ne contiendrait pas comme ceux d’aujourd’hui un modèle économique ou politique prédéterminé, mais serait exclusivement consacré à affirmer des principes et des objectifs essentiels à la démocratie européenne et à définir ses institutions dans lesquelles la Commission ne serait qu’un exécutif des décisions parlementaires, et le Parlement européen disposerait d’un droit d’initiative législative.
C’est en quelque sorte un nouveau contrat européen que nous pourrions proposer de mettre en débat dans les pays européens, une construction commune démocratique et un changement radical des politiques communes.
Pour résumer : trois grands principes guideraient ce fonctionnement nouveau d’une Union des peuples et de nations libres souveraines et associées : la souveraineté populaire articulée a des projets de coopération bénéfique a toutes et tous, la construction d’une démocratie moderne signifiant l’égalité des droits de chaque citoyenne et citoyen quel que soit le poids démocratique économique ou politique du pays dans lequel il vit, l’implication des parlements nationaux dans les processus d’élaboration des lois européennes, une association permanente des citoyennes et des citoyens dans la vie de cette union en vue de créer les conditions d’une co-élaboration législative, à tous les stades de l’élaboration des politiques, en amont du travail parlementaire et durant celui-ci en évaluant à chaque étape les effets des politiques adoptées.
Nous devrions nous même être acteur de la modification des rapports de force politique en travaillant à l’élargissement du parti de la gauche européenne et surtout du forum progressiste européenne comme lieu de liaison et d’actions communes entre les forces de gauche, les associations, des intellectuels et du monde de la création : C’est mon hypothèse de la construction d’un bloc progressiste européen dans le parlement européen et à l’extérieur. D’autres initiatives peuvent être envisagées comme la proposition d’États généraux de la refondation européenne.
Quelle stratégie politique en vue de l’élection des députés européens ?
D’un point de vue strict des intérêts du Parti communiste français et des classes populaires en France, il est nécessaire de chercher une stratégie qui permet à des communistes de siéger à nouveau au Parlement européen.
À ce propos, deux remarques et une parenthèse.
La parenthèse. Il est dommage que jamais n’aient été faits des bilans et rappels des apports de députés européens communistes sur la scène européenne et mondiale.
Les remarques :
J’entends qu’il se dit parfois que « la proportionnelle nous autorise à aller séparément à ces élections si on veut des élus ». Ceci n’est vrai que pour une force politique qui atteint et dépasse 5 % des voix. À ce niveau, on peut espérer l’élection de 3 députés. Mais faute d’atteindre ce résultat, il faut avoir conscience que les voix des électrices et des électeurs qui votent pour une liste communiste servent à élire des députés européens des autres listes.
Seconde observation : au sein de notre groupe au Parlement européen, il existe une grande diversité d’approches, de projets, de propositions souvent de vote. Pourquoi pourrions-nous être à l’initiative et siéger dans un groupe avec une telle diversité et ne pas accepter celle-ci dans la composition de notre liste ?
Le parti des Verts a déjà dit qu’il ne ferait pas de liste commune. Des débats existent chez nous. Rappelons tout de même que les dernières fois où nous avons eu des députés c’était dans le cadre de listes d’union du Front de gauche.
Aussi ne serait-il pas judicieux d’inventer une forme originale de liste pour laquelle se mettrait à disposition le Parti communiste. Être à l’initiative sans être le propriétaire au sens où la liste serait représentative des mouvements sociaux, culturels, syndicaux, féministes, associatifs, antiracistes de notre pays qui promeuvent comme nous une série de propositions de transformation. Tenons le plus grand copte de ce qui a jailli dans le mouvement social depuis six mois dont le désir d’unité n’est pas le moindre. Tenons compte de l’accueil positif et de l’image engageante qu’ont donné les syndicats tous ces derniers mois, avec rappelons-le des bénéfices pour tous les syndicats, mais surtout une classe ouvrière, des salariés se sentant plus forts. Pourquoi dans ces conditions ne pas inventer un système avec une liste unitaire, plurielle, arc-en-ciel conduite pas plusieurs personnalités (2 à 4) communistes qui défendraient devant les électrices et les électeurs un projet européen refondé à partir d’une dizaine d’engagements simples compréhensibles par tous et mobilisateurs. Il s’agit ici d’une proposition tout à fait personnelle. Elle peut évidemment évoluer encore. Mais je me permets d’insister sur une problématique fondamentale. Le risque existe que l’extrême droite (peut-être avec 2 listes) sorte largement majoritaire des élections européennes ce qui bousculerait fondamentalement le paysage politique avant l’élection présidentielle. Ajoutons à ceci que l’extrême droite risque malheureusement de progresser dans de nombreux pays européens, et se discutent en ce moment même des projets de recomposition politique du Parlement européen avec la recherche d’une alliance entre le PPE et les forces conservatrices du parti du groupe CRE (ou siègent les députés de Mme Meloni) dont je vous ai parlé tout à l’heure, voire d’autres segments de l’extrême droite. Autrement dit ce que nous critiquions hier à juste titre c’est-à-dire la cogestion entre le PPE et le groupe des sociaux-démocrates serait terminé au profit d’une grande coalition des droites dans laquelle l’extrême droite, au-delà d’une considérable augmentation du nombre de ses élus, pèsera beaucoup plus sur les orientations idéologiques et politiques. Existe un double mouvement : une reprise par la droite des politiques de l’extrême droite et une extrême droite qui s’en nourrit et gonfle partout dans un contexte qui n’est pas celui de 1935 ni celui de 1945 du point de vue géopolitique.
Ce que je dis ici n’est pas une vue de l’esprit quand on mesure l’acte politique insupportable et inimaginable il n’y a pas si longtemps qu’a produit la présidente de la Commission européenne, madame Van Der Leyen, qui s’est rendue bras dessus, bras dessous avec Mme Melloni en Tunisie. Et on pourrait prendre d’autres exemples actuels.
Cet enjeu, je crois, doit être mis dans la balance de nos décisions. C’est pour cela aussi que j’emploie le terme de constitution d’un bloc progressiste et écologique au sein du Parlement européen. Rappelons que la Commission européenne est composée à partir des rapports de force nationaux. Chacun mesure bien les dégâts que produirait l’entrée de nouveaux commissaires européens des droites extrêmes ou d’extrême droite au sein de cette commission.
En m’excusant d’avoir été un peu trop long je veux vous remercier de votre attention et de ne prendre les éléments que je viens d’exposer que comme une base pour notre discussion tout à fait incomplète. Merci à vous.