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Depuis des semaines, le prix du blé diminue comme celui du pétrole et de l’électricité. La FAO agence de l’ONU chargée des questions agricoles et alimentaires (Food and Agriculture Organisation) vient de publier une note montrant que les prix des produits alimentaires mondiaux ont diminué en mars pour le douzième mois consécutif reculant de 20,5 % sur une année. Les cours internationaux du blé ont diminué de 7,1% en mars. Le blé vendu en France 410 € la tonne en mars 2022 valait 147 €, la tonne, le 4 avril dernier. On pourrait prendre d’autres exemples confirmant la diminution des prix des matières premières. Pourquoi alors, le citoyen-consommateur subit une flambée des prix ? Les prix alimentaires ont ainsi augmenté de 16 % en un an. Ce n’est pas à cause des salaires des travailleurs qui n’ont progressé en moyenne que de 3 % en un an. Par contre les profits des industries agroalimentaires ont doublé entre la fin de l’année 2021 et la fin de l’année 2022.
La hausse des prix est donc bien le résultat de la recherche de profits toujours plus élevé dans le secteur alimentaire, comme ailleurs, en complicité totale avec le pouvoir. Au lieu d’inciter ou de contraindre les grands industriels à bloquer les prix à la consommation, ou de décider d’une loi d’encadrement des prix, le pouvoir macroniste en accord avec les forces de droite protège les puissants industriels. Mieux, au salon de l’agriculture il y a moins de trois mois le président de la République a annoncé un plan d’aide de 500 millions d’euros à l’industrie alimentaire. L’argent public sert donc à conforter les plus-values et à renforcer la concentration industrielle. Les petites et moyennes entreprises et les entreprises sous–traitantes sont asphyxiées, mises en liquidation et absorbées à vil prix par ces mastodontes de l’agro-alimentaire.
Pendant que les familles populaires se privent de plus en plus, au point que certaines d’entre elles tombent dans la grande pauvreté, le grand capital fait bombance sur le dos de celles et ceux qui souffrent le plus. Et le pouvoir sécurise les profits autant qu’il insécurise la vie des classes populaires. Le journal américain « The Wall Street Journal » a récemment écrit que le contexte d’après Covid constitue une « occasion comme il n’en existe qu’une par génération pour augmenter les prix ». C’est le cynisme absolu !
L’insupportable guerre contre le peuple ukrainien a donc bon dos. Dans un premier temps, les spéculateurs ont fait flamber les prix des matières premières engrangeant ainsi d’énormes profits, dans le prolongement de ce qu’ils avaient commencé à faire au plus fort de la pandémie de Covid. Depuis, avec la baisse de ces mêmes prix, les grandes firmes ont considérablement augmenté les prix à la consommation, accumulant à nouveau de nouveaux profits record contre les salariés et les consommateurs. Le capital gagne à tous les coups ! Les profits dans les secteurs des télécoms, de l’énergie, du numérique, de l’aviation, de la pharmacie, de l’agro-alimentaire, du luxe, des transports et de la logistique ou encore de l’armement battent tous les records à tel point qu’a été inventé le mot de « super-profits ». Les grands propriétaires-actionnaires de ces multinationales se gavent de dividendes. Ceux-ci touchaient déjà 63,4 milliards d’euros en 2019. Ils sont passés à 80 milliards € en 2022. Plusieurs analystes estiment que ce record peut encore être battu en 2023. Des sommes qui alimentent les marchés financiers contre le travail ; les entreprises sous-traitantes, les services publics et l’indispensable transition environnementale. Ajoutons que l’augmentation des taux d’intérêt décidés par la Banque centrale européenne (BCE) attise le feu de l’inflation, pousse à la compression des salaires et défavorise les investissements utiles pour développer nos atouts nationaux et l’accès au logement. Ces « superprofits sont en général obtenus en exploitant toujours plus les travailleurs tout en faisant mal à la nature.
Dans un contexte où le développement humain et la bifurcation environnementale devraient plus que jamais être mis à l’ordre du jour, il y a urgence à suivre les groupes de gauche au parlement qui demandent une contribution exceptionnelle des profits au bien commun. L’encadrement des prix voir un blocage de ceux-ci pour une période d’au moins six mois devraient faire l’objet d’une bataille soutenue. Un tel encadrement doit être combiné avec une indexation des salaires sur les prix, d’une augmentation des salaires sur la base d’un salaire minimum à 2 000 € et d’une baisse substantielle de la TVA sur les produits de première nécessité. L’électricité et le gaz doivent être sortis des mécanismes européens de telle sorte que les prix soient proches des coûts de production réels. Des commissions d’enquête parlementaires notamment sur l’évolution des prix dans les secteurs de l’alimentation et de l’énergie seraient bien utiles pour faire la transparence sur les causes pour lesquelles on paye plus cher nos produits au magasin et à la pompe alors que les prix des matières premières diminuent. Au-delà, une planification agro-écologique et alimentaire doit être mise en débat pour préparer l’avenir en lien avec les bouleversements géopolitiques à l’œuvre et les modifications climatiques dont les populations et les agriculteurs subissent déjà sérieusement les effets.
L’accès à la nourriture de qualité pour chacune et chacun devient un grand combat.
Patrick Le Hyaric
8 mai 2023