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Les mobilisations de ce samedi 11 février marquent un nouvel élargissement du mouvement populaire contre le recul de l’âge de départ en retraite. Les cortèges dans les petites et moyennes villes gonflent à mesure que chaque citoyenne et citoyen découvre l’ampleur de la régression sociale que prépare le pouvoir, en alliance avec le parti de droite et celui de l’extrême droite, tapis dans l’ombre. On rencontre dans les défilés des citoyens qui manifestent pour la première fois, des travailleurs de toutes professions, des jeunes qui savent que si la digue contre la retraite à 64 ans venait à céder, demain on leur demandera de travailler jusqu’à 67 ou 70 ans. Les prochains rendez-vous fixés par les syndicats, ce 16 février et la journée « d’arrêt du pays » du 7 mars peuvent être décisifs.
Cette contre-réforme a l’effet d’une étincelle et d’un catalyseur pour toutes celles et tous ceux pour qui l’extrême souffrance qu’impose le travail capitaliste ne sont pas que des mots ou des objets d’études. La France qui se lève tôt et qui fait fonctionner l’économie et la société se rassemble contre les classes dominantes qui, avec mépris, leur demandent de s’user encore plus longtemps dans un travail mal rémunéré, alors même que tous les prix des produits de première nécessité s’enflamment.
Un bouillonnement d’idées et de débats s’est emparé du pays, dans chaque famille, dans chaque quartier, bureau ou entreprise, universités jusqu’au plus petit village. Ils portent sur tous les aspects de la vie, sur l’organisation de la société, sur les décisions autoritaires du pouvoir contre les droits sociaux.
Des millions de nos concitoyens s’intéressent et participent aux débats. Beaucoup d’entre eux découvrent les origines et les objectifs de la Sécurité sociale et de la retraite par répartition telle que l’a conçu Ambroise Croizat, comme un salaire continué.
Ils veulent plutôt l’élargir que le détruire. L’unité syndicale dans l’action rassure, mobilise, donne de la force au mouvement. Le pouvoir macroniste l’a si bien compris qu’il fait tout avec son système médiatique pour détruire cette union. Il tente de discréditer l’union des forces de gauche au Parlement pour faire oublier que c’est lui, et lui seul, qui a fixé les conditions antidémocratiques de la discussion au Parlement. Rien n’y fait, l’aspiration à une vie meilleure est plus forte que toutes ces propagandes droitières.
Le travail d’explications, de rassemblement va se poursuivre et s’amplifier. De réunions en débats, de meetings en prise de parole, de soirées festives et de lutte en défilés aux chandelles, de la diffusion de tracts en lecture et partage de l’excellent hors-série de l’Humanité – qui décrypte la contre-réforme et dévoile les chemins d’une réforme progressiste – une grande effervescence traverse le pays.
La question des pouvoirs réels des travailleurs sur le travail et la production commence à se poser, comme condition de la résolution de la crise anthropologique et écologique. Parce que le pouvoir macroniste n’est que le mandataire temporaire des intérêts des puissances d’argent, ses mots creux servent à cacher les considérables enjeux que pose la période.
Imaginons d’ailleurs, que sa loi sur les fausses nouvelles, la loi dite « infox » contre la manipulation de l’information visant à protéger la démocratie, était appliquée la moitié du gouvernement devrait être traduit devant les tribunaux.
En effet que de manipulations, d’informations tronquées, de mensonges dans la présentation de cette loi dite « d’équilibre, de justice, de progrès », trois mots constituant à eux seuls une grande tromperie. Il n’y a évidemment aucune justice quand seuls les salariés sont mis à contribution et les employeurs sont épargnés de tout effort, quand les femmes seront les premières victimes de la contre-réforme. Aucun équilibre, quand ce même pouvoir a éliminé il y a quelques années plusieurs critères de pénibilité. Aucun progrès quand, à rebours de l’histoire, on recule l’âge de départ en retraite.
Ajoutons la basse opération, menée de concert par le pouvoir macroniste et la droite, pour faire croire que tous les retraités toucheront au moins 1200 €. Or, il n’y a dans le texte gouvernemental aucun chiffre de pension de base. Certaines petites retraites peuvent augmenter un peu, mais les travailleurs qui gagnent le moins et qui triment le plus aux environs du SMIC n’auront pas demain 1200€ pour une carrière complète. Une telle base existait dans la loi votée en 2003. Pourquoi le gouvernement ne l’applique pas immédiatement ? Et, le flot de paroles autour de l’emploi des seniors, n’est qu’un leurre.
La réalité est que les entreprises capitalistes se séparent des « travailleurs séniors » soit pour éliminer du « travail vivant » – réalisant ainsi des plans de réduction d’effectifs déguisés -, soit pour « sortir » de l’entreprise des salariés ayant acquis un salaire au-delà du SMIC et les remplacer par des jeunes payés au SMIC – leur permettant ainsi d’abaisser la valeur du travail et d’être exonérées de cotisations employeur.
Autrement dit, dans les deux cas, ce débat cache mal la tentative capitaliste d’abaisser en permanence la rémunération du travail tout en mettant à mal les caisses de retraite, alors que des « travailleurs-seniors » ne sont ni en emploi ni à la retraite. Et, là-contre –réforme des allocations chômage risque d’en mettre des centaines de milliers sur la paille.
La question d’aujourd’hui n’est donc pas de reculer l’âge de départ, mais de revenir à la retraite à 60 ans. Sauf à vouloir contraindre les travailleurs-retraités pauvres – comme dans d’autres pays européens – à prendre deux ou trois petits boulots complémentaires pour compenser leurs maigres pensions de retraite.
Le pouvoir avance masqué car il n’y a aucune justification à ce nouveau coup de massue sur les conquis sociaux, sauf celle d’alimenter le capitalisme financier et mondialisé.
Alors que la part des cotisations employeur dans le financement de la protection sociale a diminué de 16 points entre 1990 et 2020, les parties du capital veulent aller plus loin. Peu leur importe la santé, la vie des travailleurs. Leur seul souci est la santé du capital.
C’est bien une lutte de haute portée qui est engagée, et qui va prendre une nouvelle ampleur le 7 mars : Le peuple travailleur et la jeunesse contre les forces de l’argent. Le progrès de civilisation contre la dé-civilisation. La souveraineté des travailleurs sur leur travail et la production ou l’amplification de l’exploitation capitaliste et l’accaparement des richesses par une minorité. Deux choix fondamentaux s’affrontent. C’est ce qui se débat dans les manifestations et dans toute la société. C’est une bonne nouvelle.
Patrick Le Hyaric
14 février 2023