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Comment pourrait-on qualifier un pouvoir aux abois, faisant semblant de lancer une concertation sur une contre-réforme des retraites tout en déclarant que sa proposition régressive et antisociale de reculer l’âge de départ en retraite à 65 ans n’est pas discutable ? Manipulateur ? Autoritaire ? Sectaire ? Autocratique ? Cynique ?
Les dernières enquêtes d’opinion confirment que les trois quarts de nos concitoyens sont opposés à ce projet. Qu’à cela ne tienne, le président de la République, mal élu, choisit les marchés financiers contre le peuple, et l’alignement sur les oukases de la Commission européenne.
L’argument consistant à expliquer que notre pays doit s’ajuster à ce qui existe chez nos voisins européens frise le ridicule. Ces pays ont décidé de reculer l’âge ouvrant droit à la retraite avec les mêmes faux arguments invoqués par nos gouvernements successifs : faire travailler plus, pour exploiter plus la force de travail jusqu’aux limites, alors que la productivité du travail ne cesse d’augmenter.
Le travail humain n’est pour eux qu’une marchandise susceptible d’augmenter les taux de profits. À force de raisonner ainsi, partout en Europe, on déroule un tapis rouge aux partis d’extrême droite vers la conquête du pouvoir.
Ce qui est visé, c’est notre système de retraite par répartition et la Sécurité sociale, afin d’ouvrir en grand d’immenses marchés aux assurances privées, désormais intégrées aux institutions financières.
L’argument de la comparaison avec les voisins est totalement désuet. Ces pays se soumettent au même système économique et politique qui nous régit dans le cadre d’une Union européenne intégrée : le capitalisme à la recherche de suraccumulation du capital et de sa rémunération plus grande.
Pour cela il faut sans cesse faire pression, à la fois sur les rémunérations du travail de celles et ceux qui sont en activité et détruire à petit feu « le salaire continué » par des retraites et des prestations sociales de celles et ceux qui sont exclus du travail, de celles et de ceux qui ne sont plus en âge de le faire.
En clair, il leur faut, à cette étape du développement des contradictions du capitalisme financiarisé et mondialisé, de la concurrence mondiale qu’elle génère, élargir sans cesse le champ de l’exploitation du travail, avec une concentration accrue des grands propriétaires des moyens de production et de leurs actionnaires de plus en plus gourmands.
Contester ici et maintenant ce processus destructeur des valeurs humaines, telle est la question fondamentale ! Le ministre de l’Économie ne sachant plus bien quoi dire, invoque la nécessité de dégager des marges de manœuvre financières de l’État. Il avoue donc qu’il veut réduire cette part de « salaire continué » pour combler les déficits d’un État qu’il creuse lui-même chaque jour par des myriades de cadeaux au grand capital.
En effet, rien n’est envisagé, dans le projet de budget à venir, ni en faveur d’une progressivité de l’impôt sur le revenu, ni pour une contribution des hauts revenus et des entreprises qui dégagent des méga-profits en profitant de la guerre, alors que les PME sont de plus en plus en difficulté et que les faillites s’y accélèrent.
Le gouvernement préfère endetter le pays, à un prix élevé sur des marchés financiers qui se goinfrent, au lieu de mettre à contribution les plus hauts revenus et les revenus du capital.
Pour le coup, il ne compte pas imiter certains de nos voisins qui ont décidé de le faire sans l’intention de mettre en péril ce même système qu’ils défendent également.
Les travailleurs et les retraités trinquent de plusieurs façons en même temps : compression de leur salaire, pression sur les retraites, augmentation des prix des biens de première nécessité, incluant les impôts indirects, étranglement des services publics, privés des moyens de jouer leur rôle au service de l’égalité et de l’efficacité sociale, économique et écologique.
Il est urgent de renverser la vapeur en sortant de l’idéologie néolibérale qui veut que la rémunération du travail ne soit que les miettes que veut bien laisser le propriétaire après avoir grassement rémunéré le capital productif, le capital financier et les actionnaires-propriétaires.
C’est une évolution-révolutionnaire à entreprendre sans attendre pour obtenir des résultats maintenant, afin de faire cesser l’infernal cycle des régressions. Si nous n’y mettons pas un coup d’arrêt, on demandera à nos enfants et petits-enfants de travailler jusqu’à 70 ans, puis 75 ou de se rendre à un guichet d’assurances privées s’ils veulent avoir un peu d’argent pour leurs vieux jours.
C’est d’autant plus incompréhensible qu’aujourd’hui les séniors, dès 55 ans, ne trouvent plus d’emploi, doivent être pris en charge par l’assurance chômage tout en étant accusés d’être des « assistés » ! Déjà, l’espérance de vie en bonne santé est de 64 ans pour les hommes et de 66 ans pour les femmes. Pire encore ! Parmi les 5% des hommes les plus pauvres, le quart est déjà décédé avant 62 ans. Il convient donc de prendre la contre-offensive.
L’anomalie, ce ne sont pas les régimes dits « spéciaux ». Elle réside plutôt dans le fait que tous les salariés ne soient pas alignés sur ces régimes de « salaire continué ». Une autre logique doit être portée avec force dans le débat public. Une vraie réforme progressiste, positive, partant de la vie humaine, valorisant l’apport des retraités au bien collectif. Celle-ci comporterait des droits et des pouvoirs nouveaux pour tous les travailleurs, avec un retour de l’âge ouvrant droit à la retraite à 60 ans à taux plein, en partant du niveau d’un SMIC à 2000 euros brut mensuel.
Celles et ceux qui sont astreints à des travaux pénibles doivent pouvoir accéder à la retraite plus tôt à 55 ans. C’est possible avec la mise en œuvre de l’égalité femmes / hommes, la fin des exonérations de cotisations sociales pour les employeurs, la fin des bas salaires et de la précarité, l’élargissement de l’assiette des cotisations sociales aux dividendes, aux revenus tels ceux de l’intéressement, à l’épargne salariale, aux plates formes exploitant des salariés déguisés en entrepreneurs.
Une autre réforme est donc possible et nécessaire. La vie humaine et tout ce qui concourt à son émancipation sont infiniment supérieurs à la promotion des marchés financiers.
Pour s’assurer qu’il n’en soit pas question dans le débat public et pour faire taire toutes voix discordantes dans sa majorité, le président de la République brandit la menace d’une dissolution de l’Assemblée nationale. Il envoie un avertissement aux partis de la droite parlementaire qui ont déclaré qu’ils ne voteraient pas une motion de censure et dont certains vont devoir retrouver les électeurs lors des élections législatives partielles qui se profilent.
Voilà le terrible aveu ! Il fait ainsi des députés « Les Républicains », dont la candidate à l’élection présidentielle a réalisé moins de 5% des voix, et du Sénat ses garants, afin de réussir ce coup de force contre les travailleurs et les générations futures. Ne laissons pas faire !
Patrick Le Hyaric
Le 3 septembre 2022
5 commentaires
Il faut des âges de départ à la retraite et non un âge de départ à la retraite, ça pourrait aller de 55 à 65 ans (55 ans, 56 ans, 57 ans, 58 ans, 59 ans, 60 ans, 61 ans, 62 ans, 63 ans, 64 ans, 65 ans. Les syndicats devraient le proposer publiquement et les partis politiques demander le référendum sur ces possibilités, je pense ces possibilités seraient adoptées à une grande majorité.
C’est cela l’humanité sociale.
La retraite, il faut la renommer le revenu d’existence. Le mot retraite est un mot dans le contemporain, de la dévaluation de l’Homme par l’Homme, domination dévastatrice de l’Homme par l’Homme.
Forcer les personnes à travailler plus que leur santé le tolère, ce n’est pas humain.
revenir à ce qui existait avant : retraite possible à 60 ans , voire avant . Avec un taux de remplacement calculé sur les 10 meilleures années et une durée de cotisation de 37ans et demi pour avoir un taux plein!
Il faut le respect de la santé physique comme de la santé psychopoétique de chaque personne et donc au vingt et unième siècle permettre le départ à la retraite à l’age choisi par toute personne qui pourrait être entre 55 et 65 ans ou plus tard. La bêtise, c’est de vouloir tout pareil pour tout le monde, ça ne va pas pour ce qui veulent la vie active plus courte ou ça ne va pas pour ceux qui veulent la vie active plus longue ; c’est tellement évident qu’il faut une liberté de partir à la retraite ou de continuer…