Sortir du silence sur la qualité alimentaire

le 20 avril 2022

Au bout de la sécurité – ou de l’insécurité – sanitaire des aliments, il y a des vies humaines. Or, le complexe agro-industriel reste froid après les décès d’enfants, de victimes de graves séquelles handicapantes à vie, de familles brisées suite à un empoisonnement engendré par la course au profit, dans les usines agro-alimentaires.

Buitoni, qui pourtant sait communiquer avec d’alléchants messages publicitaires, est aux abonnés absents après les contaminations liées à ses pizzas. Il en est de même du Groupe Ferrero coupable d’avoir empoisonné des enfants avec ses friandises alléchantes et ludiques. Ceux-ci ont provoqué, selon les premières estimations, cent-cinquante cas d’intoxication aux salmonelles dans l’Union européenne. Pas un message d’empathie de la part de ce grand groupe, à l’égard des familles, alors que nous évoquons ici des dizaines de contaminations, des lésions graves et des décès d’enfants. Et pourquoi ces silences coupables durant la campagne électorale ?

Pourtant, s’il est une question de vie quotidienne de bien-être et de santé, qui concerne tout un chacun, c’est bien celle de la qualité alimentaire.

Manger pour mourir. Voilà la grande absurdité produite par l’industrialisation et la course au profit. Aucune leçon n’a été tirée de la « crise de la vache folle ». Depuis, on a eu droit à la chlordécone qui a empoisonné les hommes et la terre aux Antilles ; à la viande de cheval frelatée ; à la contamination chimique par les emballages de pâtes et de riz ; à la salmonelle dans le lait infantile Lactalis ; à l’oxyde d’éthylène dans plusieurs aliments dans l’Union européenne ; aux steaks congelés avariés ; aux résidus chimiques dans du lait en poudre maternel ; aux hydrocarbures dans les lentilles corail ; aux poissons panés non comestibles, aux eaux polluées par les nitrates.

L’Autorité européenne de sécurité des aliments a dû lancer récemment une enquête sur l’augmentation des « aflatoxines B1 » dans les céréales produites dans l’Union européenne. On pourrait encore allonger cette liste, tel un acte d’accusation contre le système agro-industriel.

La pression de l’industrie chimique sur la production agricole et le non-respect des règles d’hygiène, la réduction du nombre de travailleurs et des outils de contrôle des grandes usines ne peut que conduire à ces catastrophes. Rappelons que dans une étude documentée, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a démontré que les aliments impropres à la consommation contenant des bactéries, des virus, des parasites ou des substances chimiques nocives provoquent plus de deux-cents maladies, allant de la diarrhée au cancer. Six cents millions de personnes, soit près d’une sur dix dans le monde, sont malades chaque année après avoir consommé des aliments contaminés.

Il s’agit ici d’un enjeu considérable de santé publique mondiale.

Tant que ces géants de l’agro-alimentaires feront eux-mêmes les contrôles de leurs propres productions, la tricherie continuera. Le nombre de contrôles alimentaires a diminué de plus d’un tiers entre 2021 et 2019. En une dizaine d’années, les effectifs de la répression des fraudes ont diminué d’un millier de personnes.

Au contraire, un renforcement des contrôles permanents par les autorités publiques est nécessaire avec une simplification des procédures permettant une meilleure coopération entre les organismes chargés des enquêtes. Dans chaque usine, des mécanismes d’alerte associant les salariés, leurs syndicats, les associations de consommateurs et les services vétérinaires et médicaux devraient être mis en place. D’ailleurs, ne faudrait-il pas inventer une « police unique de la sécurité sanitaire des aliments ».

Au-delà, c’est une grande transition-bifurcation de la production agricole et alimentaire qui doit être engagée. Celle-ci doit s’appuyer sur un réseau dense d’exploitations agricoles familiales, à taille humaine, dont le travail doit être convenablement payé, par des prix de base rémunérateurs.

Une telle agriculture doit fonctionner sur le respect des êtres humains, de la biodiversité et des animaux, avec la réduction maximale des intrants chimiques et des antibiotiques dans l’élevage.

Un processus de développement généralisé de circuits courts d’accès à la nourriture doit être impulsé, combiné avec le soutien au petit commerce et l’artisanat. Le système agro-industriel et de la distribution doivent être radicalement transformés et se conformer à l’intérêt général.

Sécurité sanitaire et alimentaire, qualité de la nutrition, sont les conditions inextricablement liées des santés humaine, végétale et animale.

Patrick Le Hyaric

Le 20/04/2022


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