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La Turquie a derrière elle une longue et mauvaise histoire de coups d’Etat, chaque fois suivis par des arrestations en masse, des tortures, des pendaisons. La tentative de putsch du 15 juillet ne déroge pas à la règle. Personne ne peut dire avec certitude qui en est à l’origine. Il est vraisemblable qu’il s’agit de la poursuite d’une fratricide guerre entre clans au pouvoir ou d’alliés d’hier. Pour nous, il est heureux que ce coup d’Etat ait échoué. Le dire n’est pas prendre partie pour M. Erdogan.
Nous refusons en effet de choisir entre la peste et le choléra et soutenons la création d’une société turque démocratique, laïque, ouverte, capable de jeter des ponts entre l’Europe, le Proche et Moyen-Orient. Ajoutons que là comme ailleurs, la question des intérêts du monde du travail est en jeu d‘autant que de grands secteurs économiques sont monopolisés par les multinationales occidentales. Les protagonistes possibles du coup de force partagent avec M. Erdogan l’ultralibéralisme, la volonté d’un Etat islamisé, des penchants dictatoriaux et le refus de faire droit aux légitimes aspirations des Kurdes.
L’échec de ce curieux coup d’Etat a en revanche permis à celui qui se prend pour le nouveau sultan de renforcer son assise dans le pays, en accélérant une violente purge entamée depuis les mouvements sociaux de l’année 2013. Plus de 17000 gardes à vue dont 6000 arrestations ont été décidées. Plus de 60000 fonctionnaires, qu’ils soient enseignants, magistrats ou policiers ont été démis de leurs fonctions et 3000 militaires emprisonnés. Une centaines de médias de presse écrite, des télévisions et radios sont fermées. Le même sort a été réservé à des centaines d’écoles privées, proches de la mouvance Gulen. Le risque qu’encore plus de forces progressistes, des partis d’opposition, des syndicats, des mouvements étudiants se retrouvent exposés aux foudres du maître d’Ankara, est réel et inquiétant.
Le mythe de « l’ennemi intérieur » constitue toujours une source inépuisable de l’argumentaire de dirigeants extrémistes pour rallier à eux les foules. C’est le moyen d’obtenir des populations qu’elles acceptent de nouveaux sacrifices et de nouvelles privations de libertés. Cette orientation est, d’un côté, contestée par l’administration nord-américaine et les institutions européennes. De l’autre, le rôle majeur de la Turquie dans l’Otan et sa candidature d’adhésion à l’Union européenne semblent curieusement échapper aux débats. M. Erdogan pourrait avoir les mains libres pour consolider sa main- mise sur la société turque. Son objectif est de la réconcilier avec son passé ottoman, sur la base d’une propagande conservatrice, nationaliste, religieuse, antirépublicaine et d’une idéologie de conquête et de développement de son influence dans le monde musulman. En ce sens, la politique internationale d’Ankara se modifie rapidement comme en témoigne, entre autres, le déplacement en Russie pour rencontrer M. Poutine. Des démarches similaires sont entreprises vers Israël, l’Iran et les autorités égyptiennes. Le premier ministre Turc a même émis l’hypothèse d’une reprise des relations avec la Syrie, au nom du respect de son intégrité territoriale. Autant d’importantes volte-face qui tranchent avec les relations qu’entretenait il y a peu la Turquie avec les djihadistes de Daech.
Si une période nouvelle semble pouvoir s’ouvrir, rien n’indique qu’elle sera davantage porteuse de paix que la précédente. Les Kurdes restent les ennemis jurés de la direction Turque. Alors qu’il y a quelques jours les combattants Kurdes ont libéré la ville syrienne de Manbij de Daech, le ministre Turc des affaires étrangères a exigé que les Kurdes se retirent de la partie orientale de l’Euphrate. Ces mouvements ont lieu à quelques encablures de la prochaine élection présidentielle aux Etats-Unis qui aura des conséquences pour la marche du monde. Dans un moment nouveau aussi où à Moscou et à Pékin est réaffirmé avec insistance leurs souhaits d’un monde multipolaire et où « l’occidentalisme » est de plus en plus contesté. Loin de prendre la mesure des changements en cours la France et l’Union européenne, poursuivent leur alignement sur les choix de Washington et de L’OTAN. Or, avec un autre positionnement ils pourraient jouer aujourd’hui un rôle nouveau au service d’un monde plus harmonieux, coopératif, solidaire, respectueux des souverainetés nationales et populaires.
Il y a tant à faire pour aider à ce que progresse la paix, notamment en apportant une réponse positive aux demandes des Kurdes qui risquent fort d’être les grandes victimes de ce nouveau ballet diplomatique dans lequel Erdogan va chercher à obtenir au moins la neutralité des pays voisins. Tant à faire pour la reconnaissance de l’Etat palestinien et lui permettre de vivre et de se développer. Tant à faire pour que l’Union Européenne et les Etats-Unis cessent de considérer le parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) comme une organisation terroriste alors qu’il est en première ligne, les armes à la main, dans le combat contre les terroristes. Tant à faire pour que s’engagent des discussions avec des forces démocratiques et progressistes au Proche et Moyen-Orient comme en Afrique pour des projets de reconstruction et de développement durable. Tant à faire aussi pour que le Proche et Moyen-Orient soient déclarés rapidement « Zone dénucléarisée » et pour progresser vers le démantèlement de toutes les armes nucléaires, celle de l’OTAN comme des autres puissances qui en disposent.
Nous avons la conviction qu’une voix indépendante de la France et de l’Union européenne pourrait beaucoup contribuer à ce que progressent des idéaux de paix, de solidarité, de liberté et de coopération là où se multiplient les risques de confrontations et de déflagrations. Comme toujours c’est la voix des peuples qui doit se faire entendre plus et mieux.
Solidaire du peuple de Turquie à la riche histoire, de grande culture, aux traditions de lutte pour la paix et les libertés, nous refusons de choisir entre les faces d’une même médaille pour partout nous situer du côté du combat pour la démocratie et de l’émancipation humaine.
4 commentaires
“ce curieux coup d’état”, bande d’hypocrites, vous savez très bien que c’est Erdogan lui-même qui l’a organisé pour pouvoir faire sa “purge”
“Le mythe de « l’ennemi intérieur » constitue toujours une source inépuisable de l’argumentaire de dirigeants extrémistes pour rallier à eux les foules”
Eeeeh oui.
Valls qui tente de surfer sur l’instrumentalisation de la question identitaire en sait quelque chose. Le PC suivra-t-il encore ce P”S”-là ?
Si on n’a pas peur de voir en face la dégringolade solférinienne, on peut lire le pamplhlet de Bruno Guigue “La question identitaire, nouvelle imposture socialiste”, http://arretsurinfo.ch/la-question-identitaire-nouvelle-imposture-socialiste-par-bruno-guigue/
Souhaiter que la France et l’UE jouent un autre rôle est un voeu pieu tout à fait illusoire : l’UE n’a jamais été conçue que comme relais de la puissance hégémonique de Washington sur le continent européen. C’est une structure qui, historiquement et idéologiquement, a été bâtie ad hoc.Et même institutionnalisée ( voir TCE et Traité de Lisbonne) contre la volonté des peuples.
Qui a créé l’UE ? les peuples ? s’agit-il d’un projet communiste ?
Regardez qui l’a conçue ( les milieux d’affaire franco- ou germano- américains ) et vous saurez sa fin.
LUE, apprennent les élèves de France, de Navarre et de l’UE, a été créée pour créer un espace de paix : et tant pis si le langage de l’UE est sans cesse, racialiste, belliqueux ( voit des ennemis partout sauf aux USA et dans les pays capitalistes/ théocraties du Golfe ( premiers acheteurs d’armes au monde) / les paradis fiscaux), tant pis si l’OTAN, avec la complicité nécessaire de nos médias et de l’UE, ont assassiné la Yougoslavie et sont en train de soutenir un coup d’Etat fasciste en Ukraine, tant pis si l’UE intègre des pays qui honorent les nazis ( Pays baltes) , les laissent faire sur leur territoire ( Allemagne, Norvège, Pologne ..) ou aux frontières de l’UE ( toute l’UE) tandis que l’anticommunisme demeure l’idéologie dominante.
Alors non, l’UE ne changera pas , à moins qu’elle ne périclite.
Vive le PKK ,
mais je ne comprends pas ton propos monsieur Le Hyaric …
A quand une offre politique digne qui nous ramène aux urnes citoyens !
Bien à toi
Marc