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Le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne a dû, jeudi dernier, au terme d’une longue réunion, faire une première entorse sérieuse aux dogmes des traités de Maastricht et de Lisbonne. Jusqu’ici, ils interdisaient à la Banque centrale européenne d’acheter des dettes des Etats ou de leur faire crédit directement. Depuis l’origine, ce point était une divergence de taille entre les partisans et les adversaires de ces traités.
Ce fut l’un des motifs qui nous a conduits à voter non au traité de Maastricht en septembre 1992 et à celui de Lisbonne en mai 2005. Nous avions donc raison. Des mois durant, et notamment pendant les campagnes des élections présidentielles et législatives, nous n’avons cessé de réclamer que la Banque centrale européenne puisse racheter des titres de dette d’Etat afin de préserver ces derniers des taux usuraires pratiqués par les marchés financiers, ceux-là mêmes qui, après la Grèce, étranglent l’Espagne, l’Italie ou le Portugal. La décision des gouverneurs fait donc craquer un puissant verrou présenté, il y a encore quelques semaines, comme intangible.
Nous aurions préféré que la BCE achète les dettes directement aux Trésors publics des pays qui le demandent plutôt que par le biais des banques, compagnies d’assurances et fonds financiers. D’un côté, l’esprit et la lettre des traités sont contournés. De l’autre, les circuits financiers sont incités à racheter des dettes d’Etat. Ils s’y enrichiront avec des taux d’intérêt prohibitifs. Cette contradiction appelle de nouvelles mobilisations populaires, encouragées par le changement qui vient d’intervenir. C’est d’autant plus nécessaire que, sous la pression des dirigeants allemands, l’aide est assortie de l’obligation pour les pays d’ajouter de l’austérité à l’austérité. A tel point que les dirigeants espagnols hésitent à la réclamer par crainte des réactions d’une population qui n’en peut déjà plus.
Les limites de la décision sont donc évidentes et sérieuses mais elle confirme que les traités européens, tels qu’ils ont été imposés aux peuples, aboutissent à mettre en péril la construction européenne elle-même. C’est si vrai que vient le moment où il faut les contourner. Malheureusement, beaucoup de dégâts et de gâchis ont déjà été accomplis au nom de cette orthodoxie budgétaire. Ce serait folie que de prétendre en rajouter.
Leçon de taille alors que le nouveau traité austéritaire n’est pas encore ratifié. A quoi bon, dans ces conditions, s’acharner à faire accepter un tel texte qui nous mène dans le mur et qui tourne le dos à l’indispensable “réorientation de la construction européenne” qui devrait devenir l’objectif central de toutes les forces progressistes du continent.
Il ne viendrait à l’idée de personne, sur une grande autoroute internationale, de laisser les automobilistes tomber dans un ravin tandis que les responsables continueraient d’expliquer qu’il faudrait en modifier la trajectoire.
Comblons d’abord le précipice dans le sens de la nécessaire modification du parcours. La construction européenne en est là. Pour la réorienter, il faut refuser de suivre le chemin précédent en rejetant le traité Sarkozy-Merkel. Et le faire en y associant nos concitoyens appelés à en débattre et à en décider. Pourquoi le Chef de l’Etat persisterait-il à vouloir appliquer un traité qui n’est pas le sien alors que le suffrage universel lui a donné le mandat inverse ? Pourquoi compromettre la mise en œuvre d’une politique de gauche et diviser les forces qui ont permis sa victoire ?
Dans son discours devant la Cour des comptes puis à la télévision dimanche dernier, F. Hollande a assuré qu’il tiendrait ses engagements, parmi lesquels la nécessité de respecter le niveau du déficit public exigé par les traités de Maastricht et de Lisbonne. Pour cela il a demandé “deux années d’efforts”. En réalité, il s’agit d’une nouvelle façon de poursuivre l’austérité. Dans deux ans, il en redemanderait encore plus s’il fallait appliquer le nouveau traité. Deux chemins sont possibles. Soit l’austérité, soit un nouveau développement solidaire et écologique, incluant un nouveau partage des richesses, avec l’augmentation des salaires et des retraites, une réforme profonde de la fiscalité, des transformations sociales, un nouveau crédit pour desserrer l’étau des charges et gâchis financiers qui pèsent sur les entreprises et qui tuent dans l’œuf toute tentative de redressement du pays. Parlons clair ! Le monde de l’argent, les privilégiés, le MEDEF, la droite ne veulent pas en entendre parler. Ils sont vent debout pour s’opposer à toute tentative de rompre, de près ou de loin, avec les logiques capitalistes qui ont produit la terrible crise actuelle. La gauche ne doit pas céder ! Ou on les laisse faire en comptant les points et en dénonçant les dégâts produits, ou on mobilise tout le pays en faveur d’un processus de réformes progressistes claires qui , tout à la fois, permettent de répondre aux urgences sociales, économiques, environnementales et aux enjeux d’avenir auxquels est confronté le pays.
Parmi ces actes nouveaux à produire, il y a le refus du traité dit « Merkozy » qui permettrait que s’engage dans toute l’Europe un débat citoyen sur les finalités de l’Union et les choix à opérer pour qu’enfin elle soit solidaire, porteuse d’un progrès social partagé et d’une métamorphose écologique. Le rôle de la Banque centrale européenne y tiendrait évidemment une place importante puisqu’il s’agit, à nos yeux, ni plus ni moins que d’inventer un vrai service public européen de distribution du crédit aux Etats, aux entreprises et aux ménages, avec des dispositifs incitatifs, à partir de critères de développement humains, sociaux et environnementaux et non plus à partir de l’application de programmes d’austérité plus ou moins amples. Qui après cela osera encore prétendre que nous serions contre l’Europe ! Nous avons la conviction que toute la gauche européenne pourrait se retrouver dans un tel combat. Le plus tôt sera le mieux.
La fenêtre ouverte par la décision de la Banque centrale nous incite à redoubler d’efforts afin qu’une confrontation loyale s’amplifie sur le contenu du nouveau traité et pour obtenir un référendum. C’est l’intérêt de l’Europe des peuples. La réussite du changement en dépend pour beaucoup.
13/09/2012
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Cliquez ici pour accéder à la pétition initiée par l’Humanité
Pour en savoir plus sur le traité Merkozy, je le décrypte dans mon dernier ouvrage L’Europe des peuples nous appelle.
0 commentaires
D’accord, mais qui paiera la dette quelque soit la façon dont la BCE s’y prend? Ceci dit, la réponse est sans doute,dans le fait que la BCE passe par le privé…