Pour une sécurité alimentaire mondiale

le 6 avril 2022

L’injustifiable et effroyable guerre déclenchée par le pouvoir russe contre le peuple ukrainien provoque une puissante série de réactions en chaîne : désorganisation des approvisionnements énergétiques et des matières premières essentielles à l’industrie ; risque de crise alimentaire mondiale, déraillement des actions pour sauver le climat.

Dans le contexte de la mondialisation capitaliste, la guerre met au grand jour les interdépendances mondiales pour l’agriculture et l’alimentation organisées par le capital transnational dans le cadre de la division internationale du travail qu’il a imposée. Les travailleurs des villes et des campagnes du monde entier sont placés en concurrence les uns avec les autres pour tirer vers le bas les rémunérations du travail. Cette stratégie capitaliste met en cause les sécurités énergétiques et alimentaires tout comme les sécurités environnementales.

La réaction en chaîne inflationniste impacte les prix du gaz et du pétrole, comme ceux du blé, du tournesol, du colza ou du soja. La flambée des prix du gaz indispensable à la fabrication d’engrais renchérit les coûts de production des céréales. Et la hausse des prix des céréales et des oléo-protéagineux fait augmenter les coûts de l’alimentation animale. Cet enchaînement entraîne la montée des prix des volailles, de porc ou du lait. Ces hausses frappent les consommateurs sans amélioration des revenus paysans. Les prix de l’énergie ont un impact négatif sur les cultures de fruits et légumes sous serre, ainsi que les coûts des pêches maritimes.

L’Organisation pour l’agriculture et l’alimentation des Nations-Unies, la FAO, prévoit une augmentation des prix alimentaires pouvant aller de 8 % à 20 %. Inutile de dire que celles et ceux qui souffrent déjà beaucoup, souffriront encore plus demain. Pour les pays en développement, le choc va donc être encore plus rude.

L’Union européenne importe peu de céréales pour l’alimentation humaine. Par contre, le modèle agricole intensif, impulsé par les modifications successives de la politique agricole commune, a rendu les élevages européens dépendant du blé ukrainien et russe, de l’huile et des tourteaux de tournesol d’Ukraine comme du soja brésilien. Aujourd’hui, 10 % des calories consommées au sein de l’Union européenne sont importées. Ces politiques agricoles européennes ne contribuent donc pas à une sécurité du système alimentaire mondial. La concentration agraire avec l’élimination des petites et moyennes exploitations agricoles, dictée par les secteurs industriels et de la distribution, fragilise notre sécurité alimentaire tout en portant atteinte à la qualité alimentaire, à la santé humaine et animale et contribue au saccage des cultures vivrières des pays du Sud.

Et voici que ces derniers jours, à la faveur de la guerre, les multinationales de l’agrobusiness ont poussé à réintensifier encore les productions agricoles au point d’obtenir l’annulation des quelques dispositions positives inscrites dans le plan climat de la PAC votées au mois de décembre dernier par le Parlement européen.

On tente de faire croire que la mise en culture de surfaces considérées en jachère serait un facteur de stabilité des prix. C’est un double leurre. Les semis de blé sont déjà réalisés depuis plusieurs mois et en général, les jachères ne concernent pas les surfaces susceptibles de produire du blé. Mais montrer du doigt le « verdissement » de la PAC permet de détourner les regards des véritables responsables de la montée des prix.

Ainsi, on maintient l’opacité sur les stocks mondiaux organisée par certains pays et les sociétés de courtage qui font la pluie et le beau temps sur les marchés mondiaux des céréales : Cargill, Glencore, Vital, Transfigura ou Louis Dreyfus Compagny. Comme dans le secteur pétrolier, celles-ci organisent la spéculation et fixent chaque jour les prix mondiaux.

Sous l’égide de l’ONU et de son département chargé de l’alimentation, une initiative est donc indispensable pour stabiliser, contrôler et bloquer les prix mondiaux.

Une conférence mondiale pour la sécurité alimentaire devrait être préparée – incluant évidemment la Russie et l’Ukraine – afin de prendre des décisions pour empêcher les famines. Celle-ci devrait ouvrir un dialogue pour permettre aux sept millions de tonnes de blé, bloquées dans les ports de Marioupol et Odessa, de transiter via un corridor céréalier afin d’être stockées sous intervention internationale afin d’être libérées en faveur des pays qui ont urgemment besoin de blé : les pays africains, l’Égypte, le Liban, la Tunisie, le Maroc, le Soudan, l’Irak, le Yémen.

Les pays qui sont aujourd’hui sous « ajustement structurel » du Fonds Monétaire International (FMI) doivent bénéficier d’un moratoire de plusieurs années sur leur dette afin de pouvoir investir dans la production agricole et alimentaire.

Une telle conférence devrait également mettre à son ordre du jour, des coopérations nouvelles et de nouveaux développements des productions vivrières dans les pays du Sud aptes à affronter les changements climatiques. Ne pas engager un nouveau programme pour la souveraineté alimentaire de chaque peuple, c’est condamner des millions de personnes à la famine, à la sous-alimentation et des millions d’autres à prendre les redoutables et incertaines routes de l’exil.

C’est de notre solidarité, de notre humanité, dont ont besoin les populations, les jeunes et les familles, quelles que soient leurs origines, poussées à fuir famine et guerre. La mondialisation capitaliste déshumanise et fournit ce terreau empoisonné aux porteurs de haine, de racisme et de xénophobie qui prospèrent depuis des mois, avec la complicité du grand média-business et des puissants. Et tous ces dirigeants européens qui, il y a quelques mois, pour glaner quelques voix aux élections étaient prêts à construire un mur aux frontières de l’Union européenne auront-ils le courage de venir en aide aux peuples menacés de famine, en faisant cesser cette spéculation ? En appelant à la violence contre plus pauvre que soi, tous détournent les regards des véritables responsables des désordres du monde. Ces faiseurs de ressentiments, de violences et de douleurs sont les gardiens zélés de la tranquillité des puissants, l’assurance-vie du système. Ce sont les choix politiques fondamentaux qu’il faut radicalement changer.

Par exemple, il devient urgent d’engager une révolution des modes de consommation et de production qui exige de ne plus utiliser les céréales à des fins industrielles et de se détourner de l’usage des agrocarburants que les États-Unis comptent bien nous revendre au prix fort. Les terres agricoles doivent en effet être réservées à l’alimentation humaine et animale.

La politique agricole commune doit redevenir une politique favorisant l’agriculture paysanne qui porte un modèle agricole non intensif, donc moins consommateur de céréales importées pour l’élevage et moins d’intrants chimiques.

Une politique agricole et alimentaire qui permet la fixation de prix rémunérateurs pour un quantum de production par agriculteur. C’est possible avec le retour d’outils d’intervention à l’opposé des choix faits en 1992 sous la pression du reaganisme et de la construction de l’Organisation mondiale du commerce. Constituer des stocks agricoles ou énergétiques devient une condition de nos sécurités. Plus qu’hier encore, nos concitoyens découvrent que l’agriculture et l’alimentation ne peuvent être considérées comme des marchandises, mais comme des biens communs humains. Le combat pour la sécurité alimentaire mondiale doit être mené. Pour le bien de tous !

Patrick Le Hyaric

Le 05/04/2022


4 commentaires


Moreau 6 avril 2022 à 22 h 08 min

Le bon climat et les jachères sont indispensables pour la bonne agriculture vitale pour les populations. Rien de ce qui est vital ne doit être mis à mal.

alain harrison 7 avril 2022 à 7 h 14 min

La Russie a fini , par EXASPÉRATION des tensions continuelles des US (destruction ou tentatives répétées des appuis à la Russie: Irak……Vénézuéla…..__vous savez très bien de quoi il s’agit, ou faut-il tout réexpliquer et refaire l’histoire ressente depuis nine eleven, le grand prétexte, la marque de l’Impérialisme *)par tomber dans le piège Ukrainien.

Mais Poutine et ses conseillers n’ont pas fait l’analyse depuis les référendums de 2014 (Donetsk et Lougansk, …). Voir celui des îles Malouines (l’Angleterre en sous-mains).
Il faut lire Korzybski: la carte n’est pas le territoire
https://inventin.lautre.net/livres/Semantique-generale-Korzybski.pdf

Poutine n’a pas pris en considération ce qui se passe au Vénézuéla. La gauche aurait beaucoup à apprendre.

« ICI, IL N’Y A PAS DE PATRON » : LA COMMUNE POPULAIRE EL PANAL AU VENEZUELA
Enquête : Luis Uharte
Venezuela info wordpress

Pour Jean Jaurès, la révolution socialiste n’est concevable que dans le cadre de la légalité démocratique, c’est-à-dire par une conquête graduelle et légale par le prolétariat des institutions parlementaires et de la puissance de la production.

La FI, le rendez-vous manqué, une gracieuseté du PS et du PCF ?
La fausse question des égos,
Le chapitre 1 du livre de Jean-Marie Abgrall, tous manipulés tous manipulateurs.
La case départ: la condition humaine.

Krishnamurti: processus conditionnant de la pensée.

L’éducation des enfants doit être juste (dans le sens de justesse) Voir les enfants la surconsommation (reportage)
La vue d’ensemble de l’Histoire, de la Préhistoire et des temps géologiques, ainsi qu’une bonne compréhension des clefs de voûte ( Serengeti, les clés de notre avenir ), sont indispensables pour élever la conscience (Krishnamurti: le contenu de la conscience est son contenant et son contenant son contenu.)
Comment dire, chaque pensée qui passe nous construits en chevauchant les émotions ou le sentiment du moment. Notre conscience*.

Les bouleversements de cette guerre….
Une crise, une occasion

* la vue d’ensemble nous donne accès aux tenants et aboutissants, aux causes et aux acteurs responsables. Le questionnement aux solutions.

alain harrison 7 avril 2022 à 7 h 29 min

La Charte de La Havane est probablement le premier texte international à évoquer le développement

La question des liens entre commerce et développement a été évoquée pour la première fois à la Conférence de La Havane par les pays d’Amérique latine. Plus tard, l’accession à l’indépendance des pays en développement d’Afrique et d’Asie, à la suite de la Conférence de Bandung de 1955, a relancé une dynamique mondiale visant à créer un système commercial international qui favorise le développement économique et social. C’est pour réaliser cet objectif que la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) a été créée en 1964. La Charte de La Havane propose une approche qui se situe aux antipodes des conceptions actuelles du commerce international. Pour elle ce commerce ne peut avoir qu’un seul objet : le développement de chaque pays considéré individuellement, dans un cadre de relations internationales fondées sur la coopération et non sur la concurrence.

PARDEM

Moreau 8 avril 2022 à 17 h 59 min

OMC CHARTE DE LA HAVANE ET CEATERA …

Il y a un infini besoin d’un texte qui pourrait être commun pour les pays membre de l’ONU, texte international parlant de tout le nécessaire indispensable qui exige sa mise à jour annuelle avec tous les essentiels au comprends d’année de progrès en année de progrès, international du vingt et unième portant sur l’Organisation par chaque pays de l’agriculture et de la culture populaire majeure, de l’alimentaire, des inventions en priorité pour toutes et pour tous, et donc des industries et des entreprises des biens et des services pour toutes et pour tous ; un texte parlant des marchandises sociales qui font cruellement défaut ou qui sont en choix trop limité plus ou moins valable ou décevant.
PARCE QUE MAJORITAIRES SONT LES PAYS DU MONDE ISSUS DE LA PAUVRETÉ !

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