Les prédateurs en guerre

le 24 juin 2025

Les fumées obscures provoquées par l’abominable crachat des bombes  cachent un projet : celui du « Grand Moyen-Orient ».

L’ardent feu des missiles les plus sophistiqués, le bruit strident des torpilles qui tuent et détruisent à Ispahan comme à Tel-Aviv ou Haïfa, sont inversement proportionnels au silence du droit international, et à l’impunité accordée à l’État d’Israël dans la poursuite de l’étouffement des populations de Gaza, et l’accélération de l’annexion de la Cisjordanie et de Jérusalem.

L’alliance des pouvoirs d’extrême droite étasunien et israélien jette ses forces dans une funeste bataille contre le régime intégriste religieux iranien, tout autant d’extrême droite, tout autant au service d’une grande bourgeoisie en Iran, au prix du sacrifice des populations innocentes.

Ils n’ont retenu aucune leçon de l’histoire. On ne libère pas un peuple avec des chars et des avions déversant leur déluge de mort. On ne met pas fin à une guerre en humiliant un peuple. Sans perspective progressiste d’émancipation, on sème au contraire ainsi les pires germes des guerres à venir et du terrorisme qui un jour ressurgit dans toute son inhumanité criminelle. Le mythe de la libération de peuples opprimés par les chars est mort depuis longtemps à Kaboul et à Bagdad.

Au-delà, ce sont les richesses créées par les peuples et les classes ouvrières du monde entier qui disparaissent dans les champignons de fumées noires qui obscurcissent le ciel derrière chaque missile détruisant des vies, des bâtiments, des quartiers, des  infrastructures.

Dans l’économie de guerre capitaliste, ce sont les peuples, aux États-Unis, en Israël comme sur le continent européen, qui règlent la note. C’est toujours à qui l’on demande de se serrer la ceinture, aux travailleurs de travailler plus pour gagner moins et perdre leurs droits sociaux. Ce ne sont pas nos guerres. Portons partout la conquête de la justice et la paix par les travailleurs eux-mêmes. Hissons, en haut des mas de l’avenir les drapeaux de la diplomatie pour baisser celui des armes. Empêchons le crépuscule, que prépare partout une cohorte bariolée d’autocrates d’extrême droite.

Le très ultra-droitier président nord-américain, tel une girouette au gré du vent des intérêts de sa caste oligarchique, a déclenché le feu des bombes américaines sur l’Iran, en foulant au pied le Droit international et la Constitution de son propre pays, qui l’oblige à solliciter son parlement avant de déclencher une opération militaire extérieure. Il a jeté ses promesses électorales du haut des avions B-52 et mis en alerte maximale des milliers de soldats américains déployés au Bahreïn, en Irak, au Qatar. L’angoisse et la peur parcourt les rues du Moyen Orient. La mèche du pire peut s’enflammer !

Il n’a écouté aucun des nombreux secteurs aux États-Unis qui l’ont dissuadé de se lancer dans cette nouvelle aventure guerrière. Quand la directrice du renseignement national, Tulsi Gabbard, a expliqué  le 26 mars dernier, devant une commission de la Chambre des représentants,  qu’en Iran, on « ne construit pas d’arme nucléaire et le guide suprême Khamenei n’a pas autorisé le programme d’armes nucléaires qu’il avait suspendu en 2003 », Trump lui a demandé de se taire. Pourtant, la CIA ou l’Agence internationale de l’énergie atomique confirmaient ce constat.

Le rappeler ne conduit pas à exonérer le pouvoir théocratique, nationaliste et répressif Iranien, qui a pris sa part dans la déstabilisation du Liban, dans l’aide au Hezbollah et au Hamas et au soutien au régime de la dynastie Assad en Syrie. Cependant, écouter les experts laissait la porte ouverte au travail diplomatique. Trump ne l’entendait pas ainsi. Une nouvelle fois, le droit du plus fort, contre la force du droit, a été choisi. La barbarie est promue contre la civilisation.

L’enrichissement de l’uranium iranien semble bien passer au second plan, quand d’une même voix Netanyahou et Trump appellent à un changement de régime. Mais, par quel régime deux dirigeants de droite extrême au service des milieux d’affaires internationaux veulent-ils donc bien remplacer le pouvoir rigoriste, autoritaire et nationaliste ?

Voilà que certains cercles ressortent la famille royale exilée aux États-Unis pour ce renversement de régime. Quelle avancée ? Quelle perspective ? Sinon l’occasion pour les consortiums capitalistes américains et européens de mettre la main sur le pétrole iranien et de prendre le contrôle des principales routes maritimes commerciales.

Tel est en définitive le projet : redonner de la force à l’Occident capitaliste ; élargir ses chaînes de soumission territoriales, y compris en jouant des contradictions au sein du monde arabo-musulman.

Il n’a rien de secret. Netanyahou lui-même a exposé ce projet le 22 septembre 2023 devant la 78e session de l’Assemblée générale des Nations unies. Ce jour-là, le Premier ministre israélien brandissait une carte présentant son « nouveau Moyen-Orient ». Gaza et la Cisjordanie y disparaissaient, avalées par Israël, la Palestine n’existait plus. Le Liban, la Syrie, l’Irak et l’Iran étaient placés en périphérie du projet régional, soumis à Tel-Aviv agissant pour l’impérium.

 La stratégie des « punitions collectives » et les tentatives de soumission sont déjà à l’œuvre à Gaza où chaque jour le nombre des morts et des blessés à vie vient s’ajouter aux dizaines milliers de disparus et de blessés, où désormais – maillon supplémentaire de la stratégie génocidaire – un prétendu système d’aide alimentaire sert d’appât, comme à la chasse aux  animaux, pour organiser des fusillades contre les Palestiniens qui s’y pressent en quête de nourriture et d’eau. En Cisjordanie et à Jérusalem, la colonisation-annexion s’intensifie, les camps de réfugiés sont  détruits les uns après les autres. Des secteurs de la Syrie sont bombardés chaque jour. Les militaires s’installent dans le Golan nord occupé. Les zones frontalières du Liban sont occupées, tandis que les habitations sont bombardées journellement.

Trump et Netanyahou tentent d’accélérer les chavirements du monde au moment où le Sud global y prend une place nouvelle et que le capitalisme occidental les sols et les océans dans une recherche  effrénée d’énergies fossiles et de minerais rares. Le projet du « Grand Moyen-Orient » est destiné à servir ce dessein. Cette insupportable stratégie de prédateurs est facilitée par l’asphyxie organisée du conseil de sécurité de l’ONU. À mesure que le droit international est sacrifié, que les dirigeants des puissances occidentales manient le double langage, les populations trinquent et la guerre s’avance. Hideuse, destructrice et meurtrière, elle menace le genre humain au moment même où le monde devrait s’unir pour faire face à un réchauffement climatique tout aussi menaçant pour l’humanité.

Si le pouvoir iranien, affaibli et ses alliés notamment en Irak, continuait d’attaquer des intérêts américains ou s’ils bloquaient le détroit d’Ormuz, artère vitale du commerce international des hydrocarbures essentiel outil du capitalisme extractiviste, nous rentrions dans une imprévisible escalade mondialisée aux terribles conséquences. 

Les jeux politiciens internationaux sont de lourds dangers à l’heure des prédateurs : Netanyahou est convaincu que son maintien au pouvoir et sa protection contre les tribunaux de son propre pays est indexée à sa capacité à mettre la région en feu. Les mollahs iraniens discrédités ont depuis longtemps utilisé la menace israélienne comme prétexte à l’étouffement des aspirations du peuple iranien. Partout, s’avance le froid système de l’autoritarisme, de l’autocratie et de l’absolutisme alors que le réarmement mondial accroît les insécurités et poussent les profits des complexes militaro-numérique-industriel a sans cesse dépasser leurs propres records de profits morbides

De Moscou à Washington et à Tel-Aviv, la guerre hors du droit devient système. Rappelons que les guerres préventives n’ont aucune légitimité. Les changements de régime imposés par des puissances extérieures non plus. Pas plus à Téhéran qu’à Kiev.

Loin de la foi en l’amour entre les êtres humains, le feu de ces guerres sont allumés au nom de Dieu. Chacun a le sien. Quand le turban du guide suprême à Téhéran signifie qu’il est le descendant du prophète, des ministres israéliens poussent à « réaliser la prophétie d’Isaïe » contre « le peuple des ténèbres ». Entre deux partie de golf, Trump écoute son ambassadeur à Tel-Aviv, pasteur baptiste, lui raconter que Dieu lui a laissé vie sauve uniquement pour qu’il puisse bombarder l’Iran*. À Moscou, Poutine et le patriarche fonctionnent main dans la main. C’est le retour à des siècles en arrière pour, de différentes manières, défendre la théocratie du grand capital.

Manifestement, le « Tu ne tueras point » des deux versions du décalogue est hors de leur vision. Ils attisent les guerres sans fin. Chacune d’entre elles ne provoquera que désolations, ressentiments et humiliations qui demain se paieront très cher en instabilité et en foyer de terrorisme et de nouvelles guerres. Dans ce paysage de désolation, les citoyens, les peuples ne sont que variables secondaires aux yeux de commentateurs et de généraux en retraite ébahis par les performances des engins militaires. Révoltant ! Écœurant.

En ces jours d’accablement, de tristesse, nous avons le devoir de résister à la fabrique de l’inévitable et aux appels à l’acquiescement de l’indéfendable, de l’insupportable, des douleurs endurés sous le fer et le feu qui secoue nos sœurs et nos frères des Proche et Moyen-Orient.

Cela ne rend que plus insupportables la machine de la grande information officielle qui, elle, mène la guerre idéologique pour prédateurs en guerre

Au nom de l’humanité, nous devons, avec force, faire retentir partout le chant de la paix, il est encore temps de nous éloigner de ce moment qui pousse à la fin de l’humanité. Alertons ! On ne peut s’accommoder de l’anéantissement des êtres humains et de tout le vivant.

Patrick Le Hyaric

23 juin 2025 

* Trump termine son allocution après avoir bombardé des infrastructures iraniennes ainsi : « Je tiens à remercier tout le monde, et en particulier Dieu. Je veux simplement dire que nous t’aimons Dieu et notre grande armée. Protège-les. Que Dieu bénisse le Moyen-Orient. Que Dieu bénisse Israël et que Dieu bénisse l’Amérique ».


1 commentaire


BERNARDIN Jacques 24 juin 2025 à 8 h 27 min

Merci Patrick Le Hyaric pour le justesse et la précision de votre analyse. C’est très réconfortant à côté des commentaires écoeurants de ‘journaleux” en quête de buzz. Merci très sincèrement.

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