Les peuples, le pape et la comédie des puissants

le 29 avril 2025

Les foules qui se sont rassemblées à Rome pour rendre hommage au pape François disent quelque chose du respect porté à un souverain pontife de combat pour les droits humains et la paix. En ce sens, elles ont, avec force, contredit les cultivateurs de haine des plateaux de télévision « bolorisé », le vicomte de Villiers les évangélistes et aux autres catholiques identitaires états-uniens.

Cela rend, plus obscène encore, les images des hypocrites chefs d’État comme Trump ou Milei agenouillés devant le cercueil de celui qu’ils n’ont cessé de conspuer lorsqu’il s’élevait contre la violente maltraitance des immigrés par la Maison Blanche.

Le pape François a heureusement été soutenu par le cardinal américain Mc Elroy s’insurgeant en pleine messe à San Diego « de la guerre de la peur et de la terreur » contre les immigrés imposée par le gouvernement des États-Unis.

Le pape des périphéries s’était rendu dès l’année 2013 à Lampedusa pour combattre « la mondialisation de l’indifférence » face aux drames des migrants qui se noient dans la Méditerranée. En 2023, il n’avait pas manqué lors de son voyage à Marseille de dire son aversion pour les lois dites « immigration » du gouvernement de la France. Notre pays, pourtant berceau de la Déclaration des droits de L’Homme et du citoyen.

Ce pape s’était proposé, en vain depuis des mois, avec d’autres chefs d’État de grandes nations d’être médiateur pour mettre fin à la guerre en Ukraine. Il ne manquait jamais également une occasion de soutenir au peuple palestinien contre les tentatives du pouvoir extrémisé d’Israël de vider Gaza de ses habitants. Du reste, le gouvernement colonisateur de Tel-Aviv détruit les oliviers et les équipements appartenant au Vatican sur la terre de Palestine. 

Il y a plus qu’un grand écart entre les paroles et les actes du défunt pape et ceux qui, assis au premier rang de la basilique Saint-Pierre, portent les responsabilités des malheurs actuels du monde et des fractures qui l’écartèlent.

Pire encore, avec la collaboration du bruyant complexe du média-business, ils ont profité de cette journée d’hommage pour surjouer la « société du spectacle » sur les pavés cirés du Vatican, pendant que dehors, dans plus d’une centaine de conflits et de guerres, des êtres humains se font trouer la peau, chasser de leurs modestes demeures, exploiter dès l’enfance par l’ogre capitaliste, pendant que la nature, pillée et polluée sans limite,  n’en finit plus de perdre sa sève.

Le comble de ces insupportables exhibitions a été atteint avec la mise en scène, qui a ébloui tant de journalistes aux repères élimés et à l’esprit critique fatigué, d’un faux face à face entre Trump et Zelenski sous les voûtes de la cathédrale Saint-Pierre, désertées comme par miracle le temps de la photo prévue pour faire le tour du monde.  Comme si, on pouvait arrêter la guerre meurtrière qui s’abat sur l’Ukraine depuis trop longtemps, comme ça, entre dirigeants soudains touchés par la grâce…

Derrière cette funeste comédie, se joue pourtant l’intégrité territoriale de l’Ukraine et ses richesses, que veulent se partager les oligarques américains et russes. Au-delà,  se joue  la possibilité de la construction d’un mécanisme de sécurités communes européennes et l’invention d’un nouveau type de coopération entre peuples et nations.

Or, l’espace politique et médiatique est boursouflé des velléités de « gagner des guerres ». Jamais de gagner la paix. Les puissants de ce monde cultivent profondément le dangereux concept « d’économie de guerre » alors qu’il faudrait faire germer l’économie de la paix. Ainsi, à mesure qu’ils brandissent leur drapeau d’illusions et de fétichismes, les stigmates des terribles réalités qu’ils engendrent, saignent sous nos yeux : le feu des guerres alimentent la lucrative fourniture d’armes, les insupportables inégalités et les famines – dont Trump et autres n’ont que faire quand ils ferment l’indispensable robinet des aides au développement – les colonisations, les atteintes aux frontières, les érections de murs et les annexions, au mépris du droit international.

Sans vergogne, ils font brûler la planète en imposant un modèle économique et productif basé sur les hydrocarbures et les énergies fossiles qui détraquent le climat et étouffent la biodiversité.

À mille lieux de l’auteur de l’encyclique « Laudato-Si » « pour la sauvegarde de la maison commune » consacrée aux questions environnementales et sociales.

Cette palanquée de chefs d’État incapables d’aucun « acte de contrition »  paradant en mondovision ont-ils pris une seconde pour mesurer le grand clivage, le grand écart, la grande cassure entre leurs actes et les choix, les alertes, les supplications  de celui qui prenait le chemin de son tombeau à la Basilique Sainte-Marie ? Évidemment non !

Et demain, ils continueront de plus belle leurs œuvres destructrices si les citoyens du monde rassemblés samedi dernier ne se donnent pas la main, avec celles et ceux qui se rassemblent de la Fête de l’Humanité,  avec celles et ceux qui croient en Allah ou en Yahvé pour construire ensemble un nouveau projet mondial de mise en commun des richesses et de la création en prenant soin du vivant, du partage des savoirs, des avoirs et des pouvoirs. Pour éteindre toutes les guerres et construire la grande paix humaine.

Le monde n’a pas besoin de repli identitaire, du retour des vieux monstres bruns et de leurs désirs d’empires. Les peuples et la planète ont besoin de main tendue, d’unité populaire, de culture de l’universalisme, de protection du vivant, de sécurité humaine globale.  Le deuil unificateur et son respect pourraient se transformer, avec celles et ceux qui croient au ciel et celles et ceux qui n’y croient pas, en une irrésistible force unitaire et populaire pour inventer une mondialité humaine de justice et de paix.

Espérer ceci, ne signifie en rien qu’il n’y pas de droits d’inventaire sur le pontificat qui s’achève. Au contraire. Bien des questions restent posées aux catholiques comme aux croyants des autres religions. Saute aux yeux notamment, ce modèle de l’entre-soi masculin matérialisé par le conclave qui va se réunir au moment même où monte en puissance un nouveau mouvement mondial d’émancipation des femmes.

Nous n’aurons pas non plus la naïveté de penser que la réunion des cardinaux pour choisir le nouveau pape n’est pas traversée de pressions politiques. En témoigne cette déclaration du trumpiste  Gladden Pappin, en mission à Budapest pour travailler à la convergence idéologique entre le président américain et le régime du premier ministre hongrois Victor Orban : « Il est clair que le christianisme doit retrouver sa voix, dit-il, une voix qui lui soit propre – et mettre l’accent sur l’importance des communautés nationales et des valeurs traditionnelles plutôt que d’essayer de s’adapter à un ordre politique libéral qui est en train de se désintégrer ». Qu’en élégants termes sont ici revendiqués, le traditionalisme, le nationalisme et le refus du droit international !

Précisément, quasiment 80 ans séparent le décès du pape François de l’ouverture de la conférence de San-Francisco le 25 avril 1945 qui allait déboucher sur la Charte des Nations unies.

Ce texte affirme comme priorité absolue de « réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international » le règlement des conflits. Voilà qui constitue un point d’appui solide. Voilà un objectif fondamental que les peuples doivent se réapproprier, loin de tous ceux qui s’acharnent à contourner la charte des Nations Unies pour détruire la « maison commune planétaire ». Puisse l’article 26 de la Charte qui recommande de limiter les dépenses militaires en « ne détournant vers les armements que le minimum des ressources humaines et économiques du monde ». Le contraire du militarisme en marche qu’impulsent les chefs d’État et de gouvernement pourtant agenouillés devant le cercueil de Jorge Mario Bergoglio.

La construction d’une diplomatie de la paix et du climat est entre les mains des peuples unis par-delà leur diversité.

Que les peuples se réapproprient donc le préambule de la Charte qui leur donne de la force : « Nous, peuples des Nations Unies, résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui en deux fois en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances… »

Voilà une belle base commune d’actions unitaires que le collectif des marches pour la paix appelle à porter le 16 mai prochain dans le cadre de « la journée internationale du vivre-ensemble en paix ».

Patrick Le Hyaric

28 avril 2025


1 commentaire


Morelle 4 mai 2025 à 12 h 24 min

Bonjour à tous,
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre article concernant le décès de notre saint père. Et il est vrai que beaucoup de choses vont à contre courant. Vous savez, c’est dans ces cas extrêmes qu’on peut cerner les hypocrites, ceux qui font semblant le temps de ce moment de recueillement.
Je profite de ce petit mot pour vous dire à quel point j’apprécie votre chronique hebdomadaire. Sans faire de politique, descendant d’une famille ouvrière, moi même retraité ayant travaillé en secrétariat, je vis simplement et connais les difficultés qu’on rencontre quotidiennement.
C’est pourquoi, j’étais inquiet de ne plus recevoir votre exposé or, ce jour, vous me l’avez envoyé mais sur orange, alors que ma nouvelle mail est : michel.morelle2007@gmail.com
Je vous souhaite un excellent weekend à vous et votre rédaction. Michel Morelle Flines lez Raches tel 0606503111

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