La République de l’Humanité

le 14 septembre 2022

« Est-il une jouissance plus douce que de voir un peuple entier se livrer à la joie un jour de fête et tous les cœurs s’épanouir aux rayons suprêmes du plaisir qui passe rapidement, mais vivement à travers les nuages de la vie ». On croirait ces mots de Jean-Jacques Rousseau dans « Les rêveries du promeneur solitaire » écrits pour décrire la Fête de l’Humanité. Cette fête qui, où qu’elle se déroule, fait honneur au sens profond du mot « humanité ». Un mot-projet pour chacune et chacun des passagers de la planète bleue. L’attrait de cette fête inventée par Marcel Cachin, la force et la fidélité de ses actrices et acteurs tout aussi déterminés que tranquilles, tout aussi unis et combatifs, tout aussi cultivés et emplis de la soif de savoir et de comprendre, sont tels que ses participants, ses militants, ses co-constructeurs, sa jeunesse s’y retrouvent même lorsqu’elle est contrainte de se déplacer du parc Georges Valbon au cœur des quartiers populaires de La Courneuve, Dugny, Stains, Le Bourget vers ceux du cœur de l’Essonne.

Que dis-je ! Ce sont ses visiteurs qui donnent sa vie à la Fête, ses couleurs et ses senteurs, sa poésie, sa musicalité qui mêle culture et idées, solidarité internationaliste et rêves d’avenir.

Rien n’y fait ! Les fluctuations météorologiques et la danse des nuages aux cent nuances de gris et de bleu sont venues signifier que la fête faisait la charnière entre un été brûlant et le solstice d’automne. Même pluvieuse, la fête est heureuse. Riches d’une pluie d’expositions, de théâtre, de cinéma, de livres, de musique, de grands concerts, d’éducation populaire, de débats qui ont rayonné comme le soleil du dimanche. Un lieu en friche depuis des années s’est réveillé avec la Fête de l’Humanité. La base 217 où l’avion supersonique le Concorde s’entraînait est devenue une ville vibrante de culture et de rêve, de débats et de combats.

Les caprices météorologiques importaient peu puisque nous nous rassemblions pour nous livrer au doux sentiment d’un bonheur partagé par plusieurs centaines de milliers d’hommes, de femmes et de jeunes, actrices, acteurs joyeux d’une fête à nulle autre pareille dans un cocktail où se mélangent poésie et politique, aspirations populaires et goût d’un autre avenir. Alors que les télévisions étaient saturées d’un deuil attristant le Royaume-Uni et d’autres drames douloureux provoqués par la folle guerre que livre la Russie de Poutine à l’Ukraine, nous y avons fait vivre la république de l’humanité. Une république communiste, parce qu’ouverte, diverse, sensible, opposée à l’obscurité du renfermement monarchique et des nombreuses guerres qui ensanglantent le monde. Le combat pour gagner la paix et la sécurité humaine a retenti aux quatre coins de la fête jusqu’à ces magnifiques rencontres entre militants pacifistes et démocrates russes et ukrainiens.

Une grande ville au milieu des villes de « Cœur d’Essonne », devenue l’épicentre de la fermentation d’un mouvement mondial pour la paix et le désarmement, à l’opposé du capitalisme mondialisé qui se militarise si dangereusement qu’il pourrait produire une déflagration générale fatale.

Avec les inquiétants dérèglements climatiques et l’assèchement de la biodiversité, ces  combats parcouraient les allées comme une nécessité politique de première importance par-delà les situations et les opinions. À bien y réfléchir, que valent en effet les basses polémiques, les chamailleries artificielles, les déraisons se déversant sur des réseaux devenus « a-sociaux », quand on tremble pour l’avenir des générations futures ; quand les enjeux sont existentiels pour notre humanité commune.

Les affronter appelle l’unité populaire en désignant les responsables qui entendent poursuivre leurs folles courses aux armements et leurs guerres, surexploiter les hommes et la nature pour tenter de sauver leur système régi par la loi du plus fort et la loi de l’argent-roi. L’enfant du Yémen comme celui de Marioupol qui se trouve sous les bombes russes, celui qui n’a plus les moyens de vivre au Sénégal ou au Mali, celui du Soudan ou d’Irak qui ne voit devant lui que des murs, la jeune fille afghane enfermée dans une cage vestimentaire, interdite de se former, celui du Pakistan sous les eaux, celui qui est affamé en Érythrée ou en Somalie, celui des quartiers de La Courneuve, de Grigny ou de la banlieue de Londres discriminé à qui on ne  promet ni travail ni retraite , celle et celui qui vit dans un quartier populaire de Chicago que le racisme étouffe, celles et ceux qui de  Pékin  à Moscou, de Ramallah à Sao Paulo réclament plus de démocratie et de liberté ; tous ont un avenir commun à construire. Une sécurité humaine commune à inventer, éloignant guerres et réchauffement climatique, stoppant la concurrence de tous contre tous, l’uniformisation de la culture et l’éducation au rabais, mettant fin au pillage du travail et de la nature, faisant de la femme l’égal de l’homme, éliminant à jamais le racisme(1).

Leur avenir, leur réalisation ont besoin d’un autre monde. Un monde dans lequel on abat tous les murs pour bâtir des ponts.

C’est à ce chantier d’émancipation que contribue la Fête de l’Humanité. Partout, des espaces du Forum social à ceux du Conseil national du Parti communiste, de l’Agora au Village du Monde le besoin d’unité s’est exprimé pour défendre un travail émancipé de la domination qu’exerce aujourd’hui sur lui la propriété privée des grands groupes capitalistes. Celui qui donne sens commun aux activités en répondant d’abord aux besoins humains et environnementaux.

Un travail, dont la rémunération pour le travailleur ne devrait pas être le reliquat de ce que veut bien lui laisser le propriétaire, l’actionnaire et les marchés après avoir largement rémunéré  le capital. Au contraire c’est d’abord le travail qu’il faudrait rémunérer tout en élargissant le salaire continué.

Ce combat unit dans leurs diversités les travailleurs et les privés d’emploi qui doivent bénéficier des conquis d’essence communiste que sont le salaire rattaché à un statut et les dispositifs de protection contre les accidents de la vie. Ces spécificités, notre pays les doit pour beaucoup à la créativité et aux lois qu’ont fait adopter les ministres Ambroise Croizat et Maurice Thorez.

C’est à elles que depuis des décennies les forces du capital s’attaquent. À elles que le pouvoir macronien veut porter un coup fatal en laminant le système d’allocations chômage et en testant une nouvelle contre-réforme des retraites. Les composantes de la coalition de gauche, de la Nupes et au-delà, les responsables syndicaux ont amplement exprimé ensemble leur détermination à s’y opposer en préparant les mobilisations de cette fin du mois de septembre et en envisageant d’en prendre d’autres au mois d’octobre. L’espace du forum social en a résonné.

Laboratoire à ciel ouvert des idées et des projets de transformation sociale, la Fête aura été un lieu de combat contre les droites et les menaçantes forces d’extrême droite proto-fascistes qui gagnent du terrain en Suède, en Italie et ne l’oublions jamais aussi chez nous.

Les haines, le racisme, l’antisémitisme sont étrangers à l’Humanité. La Fête c’est l’ouverture des cœurs et des esprits. Elle a brillé d’une multitude d’étincelles d’espoir, dans un va-et-vient entre musiques, discussions et la controverse publique qui permet à chacune et chacun de s’exprimer en toute liberté et de se forger une opinion, au contact de toutes les cultures et des idées neuves qui se cherchent.

À la Fête de l’Humanité, on marche de l’espace Jack Ralite à l‘allée Louis Aragon vers la rue Louis Viannet. On voyage de la scène Angela Davis à l’avenue Olympe de Gouges, des scènes Nina Simone ou Joséphine Baker aux rues Nelson Mandela ou Shirin Ebadi, qui permettent de rejoindre celle qui porte le nom de notre compatriote franco-palestinien, l’avocat Salah Hamouri, parallèle à la rue Rosa Luxembourg.

Toutes ces figures qui incarnent le combat pour l’émancipation humaine dans le monde, son histoire, sa géographie, sa culture, ses espoirs. Une fois encore, en contrepoint d’un système médiatique imposant ses thèmes réactionnaires dans une affreuse pensée unique, la Fête aura révélé la soif d’idées, de repères progressistes, d’éléments de compréhension qui ont parcouru plus de trois cents débats. S’y sont entremêlés les grands défis de la paix, du progrès social, environnemental et démocratique. Bref, les grands enjeux anthropologiques et environnementaux de notre époque, à prendre à bras le corps comme point de départ et ambition d’un processus communiste, ici et maintenant.

Cela résonne tant avec la description de la fête de Jean-Jacques Rousseau dans sa lettre à d’Alembert : « Il est vif et gai, caressant ; son cœur est alors dans ses yeux, comme il est toujours sur ses lèvres ; il cherche à communiquer sa joie et ses plaisirs ; Toutes les sociétés n’en font qu’une, tout devient commun à tous… »

Patrick Le Hyaric

14 septembre 2022

(1)Voir mon livre, Les raisons de la guerre en Ukraine. Pour une sécurité humaine globale.


7 commentaires


Périer Jean Claude 14 septembre 2022 à 13 h 40 min

Juste un truc, sauf si la vue m’a joué un mauvais tour, mais il manque les enfants et le peuple palestinien
Bien fraternellement

alain harrison 22 septembre 2022 à 4 h 21 min

«« La folle guerre de Poutine : la Russie contre l’Ukraine »» La pensée dominante reconduite sans vraie analyse de la vue d’ensemble, par les médiats des milliardaires.

Et qu’ont affirmé les US au sujet de l’Amérique Latine depuis Allende jusqu’à Maduro: nous ferons crier le Peuple.

Lire l’article mort du liquidateur Gorbatchev par M. Georges Gastaud.

On peut toujours s’appeler communiste ou socialiste ?

La gauche se re-détruit une énième fois. Semble-t’il ?

alain harrison 22 septembre 2022 à 4 h 25 min

«« ……d’un processus communiste »»

Et à commencer par un nouveau paradigme économique, jamais jamais abordé, hélas!

alain harrison 22 septembre 2022 à 4 h 54 min

«« Le racisme, la haine… sont étrangers à l’humanité »»

Loin de la coupe aux lèvres. Dans le siècle dernier, des découvertes et de rares prises de conscience ont été laisser sur le bord de la route, dans le faussé, que même les pontes de la science ont démontré leur trivialité (intérêts obliges).

À lire avec grande attention:

Naissance sans violence , Leboyer contrer la coupure prématuré du cordon ombilical

La première écologie , n’est-ce pas la nôtre (qui pouvons détruire toute vie sur Terre, maintenant). Nous ne savons comment aborder notre condition humaine. Et pourtant en ces temps . de manipulation de l’information à très grande échelle, un tandem ressort, le conditionnement-manipulation, au coeur de chacun. Une alerte ignorée. Une évidence (voir Krishnamurti: le processus conditionnant de la pensée, ce qui nous construit ou détruit, de la naissance à la mort.

alain harrison 22 septembre 2022 à 5 h 18 min

Les idéologies figées, des croyances du passé à celle qui s’ignore comme telle, le capitalisme fondé sur la valeur, n’ont réussi à apaiser les folies de grandeurs (aujourd’hui, exacerber par la compétitivité des premiers de cordé). La start up a remplacé l’individu entrepreneur, l’anonymant, tout comme l’incorporation faisant d’une chose inerte une personne morale.
Aujourd’hui, nous avons commencé à expérimenter l’humain technologisé. La manipulation des virus, où en sommes-nous ?
Conditionné un jeune humain, nous en sommes passé maître, le terrorisme l’a compris (rationnellement parlant)?
Que serait une éducation juste,saine ?

alain harrison 22 septembre 2022 à 5 h 31 min

Le rôle des grands médiats (les GOOgles incluent) sont responsables (responsabilité pénale) de ce qu’ elles colportent.

Car on peut parler de colporter et non d’informer: liberté de la presse ou l’obligation d’informer avec honnêteté et intégrité.

Qui décide des lois ?

alain harrison 22 septembre 2022 à 5 h 42 min

Tant que les Peuples ne seront les maîtres d’oeuvre de leur Constitution, et ne prendront le pouvoir politique (élection), la politique nous bidonnera.
Attention aux idéologies: la carte n’est pas le territoire (Korzybski).
Préparer la Constituante (y participer) constitue par elle-même à de l’auto-éducation, un pas vers l’émancipation. Le libéralisme fut une aide, il est devenu une entrave. Pas question d’un retour à une dictature. Nous avons à comprendre les rouages de notre condition humaine, dont le méta-conditionnement chevauche le conditionnement individuel( ce sont des mots, attention).
Le questionnement au lieu des opinions.

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