Éradiquer la peste brune

le 16 mai 2023

Il est temps de stopper les métastases de la peste brune qui envahit l’Europe et notre pays. Des loups gris tiennent colloque et paradent dans Paris en toute impunité. Cela doit alerter tous les démocrates par-delà leurs sensibilités, leurs idées politiques ou philosophiques.

L’inquiétante comptabilité des crimes et méfaits des extrêmes droites ne peut être traités dans la seule rubrique des faits divers. Le moment est grave !

Faute de soutien de l’État, le maire de Saint-Brévin-les-Pins, harcelé, victime d’un incendie criminel, menacé de mort a décidé de rendre son écharpe et de quitter sa commune, dans laquelle les pouvoirs publics nationaux veulent installer un centre d’accueil. À Callac, la municipalité progressiste a dû abandonner un projet similaire porté par une fondation. À chaque fois, ceux qui sont à la manœuvre se recrutent dans les meetings du sinistre Zemmour que le Figaro et CNews ont nourri et rendu présentable jusqu’à lui permettre de devenir candidat à l’élection présidentielle.

De Lyon à Paris, on ne compte plus les attaques des groupuscules fascisants contre des militants progressistes, contre des juifs ou des musulmans, des locaux du parti communiste et d’autres forces de gauche, des journalistes du Monde, de Médiapart, de France 3.

Le rédacteur en chef de l’hebdomadaire « Le Poher » en Centre Bretagne est menacé de mort. Des lycéens en lutte sont inquiétés et violentés.

Après l’interdiction faite à Bilal Hassani de se produire à Metz, à Eddy de Pretto à Paris, voici que l’artiste américaine Kali Malone s’est vu empêcher par un groupuscule de Civitas de tenir son concert dans une église à Carnac. Un tableau de Miriam Cahn est détruit au Palais de Tokyo par un ancien élu de l’extrême droite.

Deux fins de semaine consécutives les loups portant croix gammées et croix celtiques, scandant des mots d’ordre nazis ont défilé au cœur de Paris.

Dans ces groupuscules, souvent animés par d’anciens responsables du groupe fasciste, le « GUD », on trouve une multitude de connexions avec la famille Le Pen. Collaborateurs, trésoriers de son micro-parti, responsables de sa communication numérique, entreprises dédiées à la communication de son parti se retrouvent dans ces groupes qui n’hésitent pas à faire le coup de poing et à tuer comme ce fut le cas du Rugbyman Federico Aramburu assassiné en plein Paris par deux militants de l’extrême droite.

Pendant ce temps, dans les allées du pouvoir et dans de nombreuses salles de rédaction, tout est fait pour rendre le parti d’extrême droite présentable, normalisé, habillé des tissus des institutions de la cinquième République.

Ses mots, ses thématiques, ses idées sont repris comme des évidences, les télévisions leur donnent une large place et des émissions fertilisent les pires adventices sur l’immigration, l’insécurité, les profiteurs que seraient les allocataires du RSA.

Mme Le Pen n’a pas critiqué ces manifestations, ni celle du 6 mai, ni celles de samedi dernier. Tout juste a-t-elle expliquée qu’il s’agissait de provocations sans critiquer un seul des mots d’ordre et des propos fascinants qui y ont été prononcés. Et le ministre de l’Intérieur qui lui avait reproché d’être trop « molle » malaxe le mot « terrorisme » en parlant des militants écologistes et de gauche, reste muet lorsqu’il s’agit d’agir contre ces nazillons.

Le président du Medef a récemment expliqué que la victoire de l’extrême droite est « un risque nécessaire » puis quelques jours plus tard, il a justifié la nécessité pour la grand patronat  dialoguer avec l’extrême droite.

Ici comme en Italie, la bourgeoisie considère que le débouché politique naturel passe par l’extrême droite. Le président du Rassemblement national est clair. Il a expliqué sur France Inter lundi matin que son parti allait supprimer tous les « impôts de production », c’est-à-dire tous les impôts sur le capital.

Ceci doit faire réfléchir les ouvriers, les privés d’emploi, les jeunes qui croient se débarrasser des « élites » et du « système » avec ce vote alors qu’il ne ferait que le renforcer. Voter avec l’ennemi de classe ne constitue en rien une promesse d’émancipation. Au contraire, c’est une soumission de longue durée que subiraient les ouvriers et tous les salariés, tandis que la culture et l’éducation seraient passées à la moulinette du proto-fascisme.

Prenons garde, car les métastases prolifèrent dangereusement dans toute la société. Un sondage en vue des élections européennes publié dimanche montre que le total de voix obtenues par les extrêmes droites avoisinerait 31%. Des résultats similaires apparaissent dans d’autres pays européens. La colère, le ressentisse ment, les peurs, n’ont jamais été un projet politique humain.

Elle se nourrit de la désindustrialisation, de la dévitalisation des campagnes, des sacrifices des services publics et de la division organisée des travailleurs et des privés d’emplois, du refus d’entendre les aspirations populaires alors que les coups de canifs contre la démocratie défigurent notre pays.

Que la gauche sociale-démocrate ait accepté que partout sur la planète domine la mondialisation capitaliste, pendant que le soviétisme se désintégrait, a porté un coup à l’espoir d’un changement progressiste et ouvert une béante porte au pire. Le chantier d’une perspective de transformation sociale, démocratique et écologique doit être plus investi et mis entre les mains des travailleurs et de nos concitoyens. En effet, si la politique continue d’être le domaine du sacrifice perpétuel des espérances, avec les thèses du « moindre mal » alors le champ sera toujours plus grand ouvert au parti des murs, de la haine et de l’antihumanisme.

Une bataille idéologique et culturelle visant à retisser les fils de la solidarité du monde du travail dans sa diversité doit être initiée. Celui qui est privé de travail et survit avec un maigre RSA n’est pas l’ennemi de l’ouvrier, du paysan ou de l’ingénieur. L’immigré qui fuit la misère et les guerres est une victime et non celui qui viendrait prendre le travail ou le pain d’un français.

Citoyen du monde, tous deux ont pour ennemi un système qui les domine, les exploite, les méprise. Tous deux sont victimes des guerres et de la misère. Tous deux sont victimes de la concurrence de tous contre tous, des bouleversements climatiques, de  toutes les discriminations.

Et,  le brouillage des mots vise à faire accepter le pire. Pourquoi qualifier l’extrême droite de « populisme » sinon pour cacher la nature de son projet : racisme, xénophobie, extrême droite, antisémitisme et antimusulman, nationalisme, homophobie, suprémacisme blanc. Les opérations comme celle  de la conditionnalité pour percevoir un maigre RSA n’est que la veine rabougrie dans laquelle coule à jet continue  le venin de la division. Le débat sur « les classes moyennes » opposé aux plus pauvres est une ignominie pour diviser la société.

Nous ne pouvons-nous méprendre sur l’immensité du chantier, tant le confusionnisme s’est répandu partout. Tous les républicains sont concernés, mais les forces qui se situent hors du consensus libéral ont un rôle premier à jouer. Une part de l’efficacité de ce combat se joue sur la construction d’une  union populaire agissante et une organisation du combat à l’échelle de l’Europe. Nous avons besoin de construire des ponts, pas des murs. Nous avons besoin d’une politique favorable à chacune et chacun des habitants de la Terre, pas des nationalismes et des nécroses que porte la peste brune.

Patrick Le Hyaric

16 mai 2023


1 commentaire


Bigorre-Joubert 23 mai 2023 à 10 h 54 min

Un excellent article très clair et qui dit tout et en même temps l’essentiel. Oui le péril est imminent dans une situation de crise du système capitaliste et de catastrophe écologique. On a l’impression que tous les marqueurs sont passes au rouge. Mais que faire ? Il me semble que nous somme tous terrifiés et tétanisés par ce qui est en train d’advenir.

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