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Il est vital d’engager un processus de sortie des énergies carbonées. Mais faire croire que seule l’augmentation continue des trois taxes sur les carburants le permettra relève moins de la transition écologique que de la poursuite des transferts des richesses des plus modestes vers le secteur privé, en application parfaite des recommandations du Conseil européen qui, à chacune de ses réunions ou presque, appelle à améliorer la « compétitivité » en transférant la fiscalité des entreprises vers la consommation.
Sans cesse reviennent dans ces textes la pressante demande de « prendre des mesures supplémentaires déplaçant la charge fiscale sur le travail vers les taxes environnementales ou la consommation(1) ». Voilà la raison principale de l’augmentation des prélèvements indirects. D’ailleurs, plus de 45% des recettes issues de ces taxes vont combler les caisses de l’Etat, quand moins de 19% sert à la transition environnementale.
Si le pouvoir avait le réel souci de sortir des énergies carbonées, il n’autoriserait pas un nouveau forage pétrolier au large de La Guyane, il élargirait l’assiette fiscale bien au-delà des automobilistes et des familles. Comment fait le retraité ou l’allocataire du RSA pour se chauffer cet hiver si le plein de la cuve à fuel coûte plus cher que deux mois de sa maigre retraite pendant que Total accumule dix milliards de profit ?
Des mesures sont pourtant envisageables quand on songe aux 3 500 supertankers et 17 500 tankers, aux des milliers de paquebots de croisière qui avalent des dizaines de fois plus de carburant que la totalité des voitures qui roulent sur la planète. Ce trafic s’est développé sur les ruines de nos productions délocalisées à l’autre bout du monde pour exploiter des travailleurs dans la misère quand ceux d’ici et leurs enfants « traversent la rue » … vers le chômage. Taxer les entreprises qui jouent ce jeu malsain contribuerait à freiner cette mondialisation capitaliste, (dé)réglée avec ces traités de libre-échange et une Europe du marché ouvert et de la concurrence libre.
Si le pouvoir avait le souci de l’environnement, il ne porterait pas tant de coups à notre SNCF, en poussant sur les routes 4,5 millions de camions et des centaines de cars-Macron au lieu de développer le fret ferroviaire et de faire vivre des petites lignes. Il ne mégoterait pas tant pour lancer la construction des lignes de transport du Grand Paris.
Celles et ceux qui utilisent leur véhicule n’ont tout simplement, en général, pas le choix. Le pouvoir les taxe pour aller au travail ou faire leurs courses. Le prix des voitures hybrides ou électriques est hors de portée, sans qu’il soit pour autant prouvé que les premières consomment moins de carburant, ou que la fabrication des batteries électriques des secondes soit neutre pour l’environnement.
L’avenir n’est pas dans cette fausse écologie punitive mais dans un processus de réorientation de nos modèles productif, de transport, de distribution, de logement et de consommation. Il nécessiterait un plan d’investissements massifs qui se heurte à la sacro-sainte loi du profit. Contrairement à la vulgate libérale, cette transition sociale et environnementale ne peut voir le jour que si travailleurs et citoyens se rendent maîtres d’un tel processus. De ce point de vue, les privatisations des secteurs de l’énergie, les coups portés à EDF comme à la SNCF, les ventes de Total comme de Renault aux actionnaires privés, ont desservi l’intérêt général. La question de la propriété des grands moyens de production et d’échanges pour une réorientation sociale, démocratique, écologique est bien posée. Il ne s’agirait pas de revenir aux nationalisations telles qu’on les a connues ni à la propriété d’Etat, mais d’inventer d’une appropriation sociale, citoyenne et démocratique pour faire réellement vivre les biens communs pour l’intérêt général humain et environnemental. Ce serait l’amorce d’une autre société.
(1) Recommandation du Conseil européen du 9 juillet 2013.
Pour information :
Le gouvernement français est bien en train de mettre en application les recommandations économiques du Conseil européen.
Depuis 2011, il est demandé à la France, avec une constance d’horloger, de réduire la charge fiscale qui « pèsent » sur les entreprises en compensant par une augmentation des impôts indirects, par exemple la TVA et les taxes sur le carburant .
2018
Recommandations définitives du Conseil européen 13 juillet:
Pas de mention sur les impôts indirects mais un plaidoyer contre les crédits d’impôt et ceux sur les entreprises, le 3ème et dernier point des recommandations du Conseil et un appel à « simplifier le système fiscal, en limitant le recours aux dépenses fiscales, en supprimant les impôts inefficaces et en réduisant les impôts sur la production prélevés sur les entreprises »
2017
Recommandations définitives du Conseil européen 11 juillet :
Dans le préambule : « À 38,4 % à partir du 1er juillet 2016, le taux moyen d’impôt effectif sur les sociétés était le plus élevé de l’Union, d’autres taxes sur la production étant également particulièrement élevées. Toutefois, la France a adopté des mesures visant à ramener le taux normal de l’impôt sur les sociétés à 28 % en 2020. Parallèlement, la charge fiscale continue de moins peser sur la consommation que dans d’autres États membres »
Le 2ème point des recommandations du Conseil appelle à « consolider les mesures de réduction du coût du travail afin d’optimiser leur efficacité de manière budgétairement neutre et d’accroître leurs effets sur l’emploi et l’investissement; élargir l’assiette globale de l’impôt et poursuivre la mise en œuvre de la diminution prévue du taux nominal de l’impôt sur les sociétés »
Les propositions de la Commission du 22 mai 2017sont plus claires:
« La charge fiscale continue de peser moins sur la consommation que dans les autres États membres de l’UE. En 2014, la France se classait au 27e rang des pays de l’UE en ce qui concerne les recettes fiscales tirées de la consommation en pourcentage du total des impôts. »
2016
Recommandations définitives du Conseil européen 12 juillet :
Dans le préambule : « Le taux des prélèvements obligatoires est l’un des plus élevés de l’Union. Sa composition n’est pas propice à la croissance économique, dans la mesure où elle pèse lourdement sur les facteurs de production mais relativement peu sur la consommation. La fiscalité des entreprises a commencé à diminuer légèrement en 2014 et la France a commencé à se rapprocher de la moyenne de l’Union en matière de fiscalité environnementale, mais les recettes de TVA restent faibles, tant dans la part du PIB qu’en pourcentage de l’imposition totale, en raison des taux bas de cet impôt, de l’application généralisée des taux réduits et du nombre élevé d’exonérations par rapport à la moyenne de l’Union européenne ».
Ce qui est repris dans le 5ème et dernier point (qui reprend exactement le texte proposé le 18 mai par la Commission européenne:
« prendre des mesures visant à réduire les impôts sur la production et le taux nominal de l’impôt sur les sociétés, tout en élargissant la base d’imposition sur la consommation, notamment en ce qui concerne la TVA; supprimer les dépenses fiscales inefficaces, supprimer les impôts dont le rendement est nul ou faible et adopter la réforme concernant la retenue à la source de l’impôt sur le revenu des personnes physiques d’ici la fin de l’année 2016. »
2015
Recommandations définitives du Conseil européen 14 juillet (reprend la formule de la Commission)
Point 5 : « simplifier et améliorer l’efficacité du système fiscal, notamment en supprimant les dépenses fiscales inefficaces; afin de promouvoir l’investissement, prendre des mesures visant à réduire les impôts sur la production et le taux nominal de l’impôt sur les sociétés, tout en élargissant la base d’imposition sur la consommation; prendre des mesures à partir de 2015 en vue de supprimer les impôts inefficaces dont le produit est nul ou faible; »
2014
Recommandations définitives du Conseil européen 8 juillet, point 5 appelle: « à réduire la charge fiscale sur le travail et à intensifier les efforts visant à simplifier et à accroître l’efficacité du système fiscal; à cette fin, à partir du budget pour 2015: à prendre des mesures pour supprimer les dépenses fiscales inefficaces relatives à l’impôt sur le revenu et à l’impôt sur les sociétés sur la base des récentes évaluations et des Assises de la fiscalité tout en réduisant les taux nominaux; à prendre des mesures supplémentaires pour supprimer les incitations fiscales favorisant l’endettement des entreprises; à élargir la base d’imposition, en particulier sur la consommation; à supprimer progressivement les subventions néfastes pour l’environnement; »
2013
Recommandations définitives du Conseil européen 9 juillet, point 5 appelle : « à poursuivre les efforts de simplification du système fiscal et à améliorer son efficacité, tout en garantissant la continuité des règles fiscales dans le temps; à prendre des mesures supplémentaires pour supprimer les incitations fiscales favorisant l’endettement des entreprises; à intensifier les efforts pour réduire et rationaliser les dépenses fiscales relatives à l’impôt sur le revenu et à l’impôt sur les sociétés, tout en réduisant le taux de ces impôts; à rapprocher les taux réduits du taux normal de TVA et à supprimer les taux réduits inefficaces; à prendre des mesures supplémentaires déplaçant la charge fiscale sur le travail vers les taxes environnementales ou la consommation; »
2012
Recommandations définitives du Conseil européen 6 juillet, point 4 appelle à: « prendre des mesures supplémentaires pour mettre en place un système fiscal plus simple et mieux équilibré, en déplaçant la charge fiscale liée au travail vers d’autres formes de fiscalité qui pèsent moins sur la croissance et la compétitivité externe, notamment les taxes sur l’environnement et la consommation poursuivre les efforts pour réduire et rationaliser les dépenses fiscales (en particulier celles offrant des incitations à l’endettement); examiner l’efficacité des taux de TVA réduits actuels à l’appui de la croissance et de la création d’emplois. »
2011
Recommandations définitives du Conseil européen 12 juillet, point 13 de l’évaluation : « La France est l’un des pays de l’Union où les impôts et les charges sociales sur le travail sont les plus élevés, tandis que la consommation y est relativement peu taxée. De plus, la part des recettes des taxes environnementales dans le PIB est elle aussi inférieure à la moyenne de l’Union. Un rééquilibrage du système fiscal, par exemple par le déplacement de la charge fiscale du travail vers la consommation et l’environnement, aurait probablement des effets bénéfiques sur l’emploi et sur la réalisation des objectifs environnementaux. » On remet une couche au point 17 : « Le déplacement de la charge fiscale du travail vers l’environnement et la consommation, et la réduction des dépenses fiscales, soutiendraient la réalisation des objectifs budgétaires et environnementaux et amélioreraient l’environnement des entreprises ».
Ce qui est repris dans le point 4 des recommandations qui demande : « accroître l’efficacité du système fiscal, par exemple en déplaçant la charge fiscale du travail vers l’environnement et la consommation, et en mettant en œuvre la réduction prévue du nombre et du coût des exonérations fiscales et sociales (y compris les «niches fiscales»); »
4 commentaires
Remarquable !
C’est exactement ce que je pense, mais je ne saurais aussi bien l’exprimer !
Moi je pense depuis longtemps que c’est très important d’avoir des trains et des tramways, en ce qui concerne le fret, il faudrait avoir des informations sur le fret par voies navigables qui serait plus économique je crois que le fret routier et le fret ferroviaire… Avec quelle énergie la plus neutre pour l’environnement pourrait-être propulsés ces bateaux ?
Il fut plusieurs réflexions et il serait intéressant de lire une réflexion communiste universaliste (puisque importatrice et exportatrice) sur l’informatique et l’informatisation de la population.
Ce n’est pas possible de réussir en divisant les populations jusqu’à ce qu’elles se déchirent comme le fait la classe politique depuis longtemps, ce qui ne profite qu’aux riches trop riches qui sont toujours convaincus que le malheur, ça n’arrive qu’aux autres.
L’invention de la voiture électrique est une invention très difficile à réaliser. J’ai moi-même essayé il y a une dizaine d’année de faire un plan pour faire un voiture électrique sans batteries, non pas hybride mais plutôt électrogène. L’idée étant d’embarquer dans la bagnole un groupe électrogène fonctionnant à l’essence voire même si c’est possible à l’essence neutre (E85), faisant fonctionner en marche en même temps, un moteur électrique de la puissance nécessaire à la voiture.
Cette idée en réussissant pourrait permettre de ne pas dépenser un pognon de dingue dans « des bornes pour recharger des batteries », de conserver nos stations essences, de réaliser des petits pleins de réservoirs, les réservoirs d’essence pourraient être même moins volumineux.
Tous les nationalismes, tous les autoritarismes dits “fascistes de nouvelle génération”, tous les libéralismes excessifs, sont des improductivismes qui ont comme conséquence une inventivité humaine à l’abandon ou axée sur l’argent, et pour l’informatisation des populations, c’est catastrophique dans le présent et pour l’avenir.
Il faut la république universaliste pour avoir le productivisme universel, je n’ai pas dit mondialiste, je ne suis ni mondialiste, ni démondiaste, je suis universaliste ; monsieur Hulot n’a rien fait de concret pour l’écologie, il n’y a pas une voiture électrique Hulot ! Les écologistes ont une propension à l’autoritarisme, mais les gens n’ont pas du besoin de cette autorité, les gens ont besoin de moyens de transports en communs adéquats, et de moyens de transports particuliers adéquats. Je suis contre le célébroïdisme.
Je suis contre l’informatisation des voitures et contre la voiture sans conducteur, les inventions informatiques ne sont toujours pas assez convaincantes pour la population que déjà les constructeurs de voiture font des voitures pour les riches trop riches.
Ce ne sont pas les migrations qui mènent à des catastrophes, c’est la bêtise.
Lire ou écouter Jacques Brel.
Ça bloque continuellement pour tout le nécessaire et l’indispensable sobre mais suffisant et d’excellente qualité parce qu’il n’y a pas assez d’inventeurs, et que fait la classe politique depuis 1995 pour qu’il y ait assez d’inventeurs : rien, absolument rien.
Très peu d’entrepreneurs sont des inventeurs, il y a même eu plus de paysans inventeurs que d’entrepreneurs inventeurs, je crois, je n’ai pas de documentation, je n’ai que la connaissance que j’ai de la vie. Je ne crois pas aux prouesses des « magics men » ; ce n’est pas avec ces clans que l’Humanité peut se sauver.
Les “magics men” peuvent être des “stupids men”.
Il serait bon de réfléchir s’il faudrait un réseau associatif de l’automobile ou un service publique de l’automobile au service des utilisateurs d’une voiture, et s’il faudrait tout en ne faisant plus de bagnoles informatisées tant qu’on est pas sûrs qu’on peut bien informatiser pour tous ; un service associatif de l’informatique ou un service publique de l’informatique et quelle soit l’évolution choisie, il faudrait un ministère de l’informatique, nous sommes au vingt et unième siècle ; il faudrait se réveiller. Il ne suffit pas d’avoir le haut débit et de ne pas avoir le matériel et le système adéquats nécessaires et indispensables. J’ai encore beaucoup à dire mais je serais trop long.
La politique est tellement dingue dans ce monde fou qu’elle entraîne la Terre des Hommes à sa perte. Il faut remplacer la dinguerie par les talents humains authentiques indispensables à la vie de l’Humanité.
Tant que j’y pense : un groupe électrogène pour voiture fonctionnerait pour un chauffage à l’intérieur de la voiture, et sa consommation en carburant est infiniment plus faible à très modeste coût que celle des grosses bagnoles. Une bonne invention humaniste, c’est beaucoup de bon sens, et du bon sens aucune population n’en a trop, c’est pourquoi il faut l’Humanité.