Des ombres lourdes sur nos libertés

le 20 novembre 2009

Editorial de l’Humanité dimanche

Au pays de Voltaire et de Hugo, de Zola et de Jaurès, démocratie et libertés ont façonné en profondeur l’identité de la France républicaine. Il n’est pas exagéré de dire que ces valeurs essentielles sont sournoisement mais très méthodiquement attaquées derrière une multitude de rideaux de fumée  dont le dernier en date est celui de « l’identité nationale ».

Ce dernier sert à raviver tous les populismes et nationalismes et à camoufler les énormes balafres que produisent les poignards sarkozystes contre les droits sociaux et économiques, constitutifs d’un progressisme « à la française ».   Certes, il s’agit de rassurer un électorat de droite qui perd confiance et de conserver celui d’extrême-droite avant les élections régionales. Mais, plus fondamentalement, l’ambition du pouvoir vise à modifier profondément la France pour la plier de force et plus vite au capitalisme mondialisé.

Ainsi, c’est au moment même où il applaudit des deux mains l’adoption volée et forcée du traité ultra-libéral de Lisbonne, qu’il lance cette thématique de « l’identité nationale ». Un traité qui, précisément, rend supérieure la directive européenne sur la loi nationale. Ajoutons qu’il est curieux, très curieux de lire parmi d’autres affirmations discutables dans le discours du Président de la République de La Chapelle en Vercors, le 12 novembre dernier, cette phrase selon laquelle : « Depuis deux siècles, à part l’expérience sanglante de la terreur, nul totalitarisme n’a menacé nos libertés » ! Qu’était donc le système contre lequel sont tombés les maquisards du Vercors pour défendre la liberté ? Ils sont morts en combattant ces systèmes mortifères, sordides et liberticides qu’ont été le nazisme et le pétainisme qu’on voudrait donc effacés de nos livres d’histoire et de nos mémoires ?

C’est bien à rebours des valeurs de « liberté, d’égalité, de fraternité » que la droite sarkozyste fait reculer notre pays. Un député UMP de Seine-Saint-Denis, M. Raoult, peut se permettre de demander à Mme Marie N’Diaye, qui vient de recevoir le prix Goncourt, de ne pas critiquer le régime. Pire, comme Ponce Pilate, le ministre de la culture, qui prétendait il y a quelques semaines être le défenseur des artistes et créateurs, laisse faire. Ce même M. Raoult avait précédemment demandé à notre consœur du Monde, Florence Beaugé de ne pas critiquer le régime tunisien de M. Ali qui emprisonne des journalistes.

Et voilà que le bureau national de vigilance contre l’antisémitisme  (BNVCA) se permet, sans qu’aucune autorité ne trouve rien à y redire, de menacer l’acteur François Cluzet, parce qu’il a osé parler de la situation de Salah Hamouri.

Mais la liste ne serait malheureusement pas complète si on ne notait pas d’autres graves et inquiétantes régressions : la prolifération de fichiers divers, laissant présager une société de surveillance. Les modifications dans la justice avec notamment la suppression du juge d’instruction et le principe du « plaider coupable ». La mise en cause de l’autonomie des médias publics avec la nomination directe des présidents de chaîne par le pouvoir exécutif, tandis que la concentration des médias privés se poursuit. Et il y a en permanence cette police de la pensée qui réduit, oriente ou empêche des recherches ou des créations.

Souvenons-nous qu’il y a plusieurs mois il a été demandé à un chercheur du CNRS de cesser une enquête parce qu’elle portait sur « les enseignants issus des migrations maghrébines ». C’est à cette occasion qu’a été découvert au CNRS un « agent de la sécurité et de la défense », chargé de contrôler certaines recherches portant sur des enjeux politiques et sociologiques.

Et quelle signification donner à cette « identité nationale », sur cette terre d’accueil, terre d’asile, quand le pouvoir expulse des jeunes afghans, vers un pays en guerre ? Non content de cette infamie, le Président de la République a proposé à d’autres pays européens des « charters communs » de la honte, pour mettre en œuvre la directive européenne de la honte, baptisée « directive retour ».

Et que dire de ce gouvernement qui au nom du code des étrangers et de son article L 622-1, poursuit des familles qui commettent le crime de donner le gîte et le couvert à des « étrangers » démunis, au moment même où le capitalisme débridé vient de faire franchir au monde le cap du milliard d’habitants victimes de la famine !

Plus généralement, ce sont les droits fondamentaux qui sont attaqués. Le droit à l’avortement l’est en douce en réduisant les moyens. Le droit à la santé est mis en cause par le fait qu’il coûte de plus en plus cher de se soigner et par la suppression de pans entiers de l’hôpital public. En supprimant le poste de défense des droits de l’enfant, le pouvoir montre à quel point ceci n’est pour lui que quantité négligeable.

Et que dire quand il organise la chasse aux syndicalistes. En effet, on ne compte plus le nombre de représentants du personnel inquiétés, blâmés, poursuivis devant les tribunaux, licenciés, parce qu’ils ont le tort de défendre leurs camarades de travail, l’emploi et l’intérêt de leurs entreprises. Que valent dès lors toutes ces larmes de crocodile abondamment versées sur « la faiblesse du syndicalisme » par les ténors de la cour élyséenne ! Décidemment, appelons à la vigilance partout. Rien n’est anodin.

Ne laissons-pas passer !  A la manière de Paul Eluard, disons partout : « Liberté, j’écris ton nom ».


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Daniel Paquet 21 novembre 2009 à 20 h 33 min

Quel beau texte! Au Québec, nous vivons des problèmes assez similaires, bien que les gouvernements soient plutôt du centre et qu’ils évitent les mesures extrêmes. Ce qui divise surtout, c’est la question nationale. Devons-nous quitter la fédération canadienne, conserver le statu quo ou encore opter pour un nouveau type de confédération où les Canadiens-français seraient égaux en tant que nation aux Canadiens d’expression anglaise; c’est le point de vue des communistes.
L’autre enjeu, c’est la guerre en Afghanistan; nous ne sommes pas habitués à voir partir nos troupes à l’étranger pour combattre d’autres peuples. Nous soutenions plutôt les Casques bleus. La très grande majorité des Canadiens veulent le retour des soldats et la paix.
Au niveau pancanadien, il faut rebâtir le Parti communiste du Canada, refaire de cette formation politique le pilier des démocrates dans notre pays. Un avenir pour la jeunesse, voilà ce qui presse.
Finalement, l’opposition au gouvernement conservateur de Stephen Harper doit tendre vers la fin de sa campagne pour faire du Canada un pays de tradition rétrograde comme son parti. Le Canada doit redevenir un pays où il fait bon vivre, où les femmes sont respectées, où les immigrants sont les bienvenus et où les travailleurs ont de l’emploi. En un mot: refaire du Canada, un pays où les étrangers diront: c’est grand et j’y ai ma place moi aussi.
Avec l’Internet et la mondialisation, on pourra bien sûr ouvrir les portes beaucoup plus largement au monde de la culture et de l’éducation de notre belle planète. En somme, faire de Fairouz ou de Neruda des artistes que nous aimerons chérir.

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