Des débouchés pour la révolte

le 17 juin 2020

Manifestation contre les violences policières, Place de la République, Paris - 13/06/20

L’éditorial de L’Humanité Dimanche du 18 juin – par Patrick Le Hyaric

Le rassemblement contre les violences policières et le racisme qui s’est tenu samedi dernier à Paris fera date. Par milliers, des jeunes, des citoyens, des militants ont manifesté leur soif de justice et d’égalité, leur refus des discriminations qui continuent d’assigner toute une frange de la jeunesse à ses origines. Loin, très loin de ce qu’a voulu en retenir le Président de la République dans son allocution et qui n’aura eu aucun mot pour celles et ceux que leur nom écarte d’une embauche et que leur couleur de peau condamne à d’incessants contrôles d’identité.

Cette expression générationnelle et populaire est mondiale, touchant peu ou prou l’ensemble des pays qui ont fondé leur puissance sur la domination impérialiste. Elle dit donc quelque chose de profond sur la crise de civilisation qui frappe l’humanité. Aux États-Unis, la révolte unit des sphères qui dialoguaient jusqu’ici peu ou pas, débordant largement la communauté noire. Le pays est ainsi entré dans le rang de ceux, nombreux, qui se sont levés contre leurs gouvernements il y a quelques mois. Le phénomène doit ainsi être intégré à une séquence historique large qui couve une révolte contre un ordre du monde fondé sur l’exploitation du travail et de la nature et la compétition entre les êtres humains. Il est trop tôt pour dire l’importance de l’épidémie dans l’évolution de ce phénomène. Mais en liant les peuples par l’ « universalité » du virus, et en offrant un exemple tangible de l’universalité de la condition des classes populaires, elle risque d’accélérer le processus.

En France, cette séquence se déploie après trois mois de confinement particulièrement douloureux pour les quartiers populaires et avant une crise économique et sociale qui donne des signes avant-coureurs extrêmement préoccupants. Les portes du travail, vulgairement baptisées « marché de l’emploi », se ferment peu à peu pour les 700 000 jeunes qui peuvent y prétendre cette année. Et il y a fort à parier que les logiques discriminatoires dudit marché jouent à plein, triant les futurs salariés en fonction de leurs adresses, voire de leurs noms de famille, tandis que l’ensemble de la jeunesse servira de variable d’ajustement pour déterminer un « prix du travail » global que les capitalistes veulent à tout prix réduire, à fortiori en temps de crise. Selon un récent sondage, 57 % des 18-27 ans estiment qu’ils paieront le plus lourd tribut de la pandémie[i]. Le Président de la République a prévenu que les Français devront « travailler plus et produire davantage ». Personne n’aura compris qu’il pensait à tous ces jeunes et aux chômeurs qui ne demandent qu’à travailler…

C’est donc une bombe sociale qui se prépare. La jeunesse qui fait aujourd’hui l’expérience des luttes ne restera pas l’arme au pied, ni les ouvriers à qui l’on promet de nouvelles saignées, ni celles et ceux qui ont porté un gilet jaune pour manifester leur refus du monde macronien. Les manifestations de mardi dernier pour la défense de notre système de santé publique en témoignent. Des ferments révolutionnaires agitent le corps social. Ils doivent trouver des points d’appui politiques.

Tandis que « le bloc bourgeois » fait corps dans la perspective du second tour des élections municipales, les classes populaires doivent se doter d’élus et de municipalités qui non seulement appuieront les luttes pour la dignité et l’égalité, mais proposeront également des antidotes à la domination capitaliste par la défense et le développement des services publics, de l’économie sociale et solidaire, et de logements publics à prix accessibles.

Partout en France, des listes d’union des forces de gauche et de l’écologie, avec des communistes rassembleurs, au plus près des attentes et espoirs des populations, affronteront les forces réactionnaires et libérales. Porter ses suffrages sur ces listes est une étape décisive pour construire un rapport de force favorable aux classes populaires.

[i] * Baromètre « #MoiJeune, Déconfiné et demain ? », 20 Minutes – OpinionWay, réalisé en ligne du 5 au 8 juin.


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