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C’est cette semaine que le Parlement européen doit voter les quatre rapports sur la réforme de la Politique agricole commune*. Le projet voté par la Commission de l’agriculture les 23 et 24 janvier derniers est encore plus négatif que les premières intentions de la Commission européenne.
La règle voulait qu’après les votes en Commission du Parlement, les groupes politiques pouvaient déposer, s’il le jugeait nécessaire, de nouveaux amendements en séance plénière pour défendre leur point de vue ou pour faire évoluer les propositions. Or, voici que dans la soirée de vendredi et dans la journée de samedi, cette disposition fut subitement modifiée pour être remplacée par l’impossibilité de déposer un amendement s’il n’était pas soutenu par cinq députés de la Commission de l’agriculture. Autant dire qu’il s’agit d’une nouvelle méthode pour empêcher les groupes les moins importants, notamment la Gauche unitaire européenne, au sein du Parlement, de déposer et de défendre des amendements. La démocratie ne coule pas à flots dans les veines de l’Europe. Et pour cause ! Les dirigeants ne sont soucieux que d’une chose : les intérêts des puissances industrielles et financières. Pas de ceux des agriculteurs et des consommateurs.
De plus en plus l’agriculture et l’alimentation ne sont considérées que comme de simples marchandises, contrôlées par un système concentré de l’agro-business qui, lui-même, est intégré à la spéculation mondiale et aux financiers et banquiers. C’est parce que l’agriculture et l’alimentation sont des biens communs qui ont à voir avec la sécurité alimentaire, la santé humaine et animale, la biodiversité, la vie des territoires, la qualité de l’eau, qu’elles doivent être portées par des fermes à taille humaine, riches en emplois, où le travail est convenablement rémunéré.
Progresser vers ces objectifs nécessiterait absolument d’extraire la production agricole et alimentaire des enjeux de la spéculation, des grands marchandages internationaux de l’Organisation mondiale du commerce. Raison de plus pour refuser le projet de marché libre transatlantique « Etats-Unis-Union européenne » qui saccagerait encore plus l’agriculture européenne et accentuerait l’insécurité sanitaire des aliments.
Toute modification de la Politique agricole commune qui ne s’attaque pas à ces problèmes de fond, ne créera pas les conditions nouvelles indispensables pour répondre aux défis agricoles et alimentaires. La justice voudrait que ce soit le travail que l’on rémunère et non les surfaces comme c’est le cas aujourd’hui. Voilà pourquoi nous continuons de militer pour un prix de base rémunérateur des productions agricoles, garanti jusqu’à un niveau moyen de production par pays. La PAC refuse ce système au bénéfice d’un mécanisme dit de « paiement direct ». Ajoutons qu’il faudrait sérieusement plafonner les aides publiques en deça de 100 000 euros au lieu des 300 000 euros prévus actuellement. Dans notre pays, seulement 1260 grandes exploitations agricoles perçoivent plus de 300 000 euros. En Europe cela concerne 14 560 fermes, sur les 13,4 millions existantes. Un plafonnement des aides publiques au-delà de 100 000 euros par exploitation ne toucherait que 450 000 fermes dans toutes l’Union européenne, mais permettrait d’aider mieux l’agriculture familiale, c’est-à-dire l’immense majorité des exploitations agricoles.
De même, le système d’assurance privée, proposé pour faire face aux « crises », ne servira qu’aux banques et aux compagnies d’assurance, sans sécuriser les travailleurs-paysans. Il a été fait grand bruit autour d’un « prétendu » verdissement de la PAC. Or, le soutien à la concentration agricole et l’importation abusive, en concurrence de nos productions, est antinomique avec le respect de l’environnement et de la qualité de l’eau. Enfin, la mise en place de nouveaux outils de régulation publique, avec une juste répartition des volumes de production et leur limitation quand cela s’avère nécessaire, avec des systèmes de protection aux frontières, sont indispensables pour assurer des prix corrects à la production.
Il y a urgence à bâtir une politique agricole européenne basée sur les principes de souveraineté alimentaire, de rémunération convenable du travail paysan, avec des prix, qui, en plus, couvrent les coûts de production dans l’objectif de l’impulsion d’une agriculture paysanne et durable.
Ce n’est pas ce que prévoit l’actuelle réforme de la politique agricole commune, qui fait l’objet de trop peu de débats publics alors qu’elle concerne le cœur de nos vies quotidiennes : l’alimentation. Voici maintenant que débat à son sujet aura été cadenassé au Parlement européen. Raison de plus pour s’en mêler.
* voir plusieurs éditoriaux précédents