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Le Parlement européen s’est réuni en session plénière à Strasbourg du 17 au 20 janvier, en voici les principaux éléments.
L’ordre du jour de cette session aurait pu être bien plus riche si le Parlement n’avait pas refusé de donner toute sa place à des événements aussi importants que la révolution en Tunisie ou le texte de loi qui vise à museler les médias en Hongrie. Mais les relations ambigües de l’UE avec ses voisins dans le premier cas et la volonté de ne pas froisser la Hongrie au début de sa présidence dans le second, ont eu raison de nos appels à de vrais débats de fond sur ces questions.
Tunisie-Libye : réactions et réserves timorées du Parlement européen alors que de vraies questions demeurent sur les relations qu’entretient l’UE avec ses voisins
Les mouvements populaires en Tunisie qui ont marqué la fin de la dictature Ben Ali, ont été salués lors d’une courte déclaration du Président du Parlement européen qui se félicitait de “la révolution du Jasmin”. A la place d’un vrai débat dans l’hémicycle avec le vote d’une résolution demandée par notre groupe de la Gauche Unitaire Européenne et Europe-Ecologie Les Verts donnant la position du Parlement, nous en sommes restés à cette déclaration optimiste mais qui ne pose pas la question fondamentale des relations de complaisance qu’entretiennent les gouvernements européens et l’UE avec les plus terribles dictatures.
La Tunisie est le premier pays du Maghreb à avoir signé un accord d’association avec l’UE en 1998, les autres pays de la région ayant suivit son exemple à partir des années 2000. Ces accords d’association portent principalement sur l’ouverture des marchés européens aux produits des pays signataires (et réciproquement) mais également sur le “dialogue politique”. Or, malgré les clauses systématiques appelant au respect des Droits de l’Homme et à la promotion de la démocratie dans ces accords, on est en droit de se demander quelle a été la teneur de ce “dialogue politique” entre l’UE et l’ancien régime tunisien. Notamment lorsque l’on apprend que quelques semaines encore avant la chute de Ben Ali, il était question d’un rehaussement de cet accord d’association, c’est à dire un approfondissement de la coopération et des échanges selon les principes du libre-échange qui mettent en concurrence les salariés européens et tunisiens.
La question des relations qu’entretient l’UE avec ses voisins du Sud de la méditerranée et avec le reste du monde mérite d’être posée. D’autant plus que l’UE est en train de développer ses propres outils diplomatiques avec le futur Service Européen pour l’Action Extérieure présidé par la britannique Catherine Ashton.
Doit-on adopter le ton accommodant de certaines organisations internationales comme la Banque mondiale qui faisait de la Tunisie dans sa note de présentation 2010 « un pays qui a enregistré des progrès remarquables en matière de croissance équitable, de lutte contre la pauvreté et d’indicateurs sociaux » ? Pire : selon les indicateurs de la gouvernance dans le monde établis par le World Bank Institute, la Tunisie se situe très en avance en termes d’efficacité des pouvoirs publics, de primauté du droit, de lutte contre la corruption et de qualité de la réglementation.
Doit-on encore voir nos voisins uniquement comme des opportunités économiques en négociant avec eux des accords de libre-échange, ou encore de potentiels garde- frontières en leur imposant de coopérer avec nos polices pour stopper les flux d’immigration ? Les nouveaux accords d’association ou de libre-échange font cette synthèse : ouverture des marchés européens contre coopération policière et possibilité de renvois d’immigrés dans les pays signataires.
Il est scandaleux qu’après la fin de la dictature du régime Ben Ali, l’UE continue de négocier ce type d’accord avec la Libye, une des pires dictatures au monde et un des plus fidèles soutiens à Ben Ali. Les réserves de députés européens exprimées le 19 janvier lors des débats sur cet accord de coopération ne suffisent pas.
C’est notre coopération, notre collaboration avec de tels régimes qu’il nous faut remettre entièrement en cause, à la faveur d’une diplomatie européenne intransigeante sur la question de droits de l’Homme et créant les conditions de vrais partenariats de co-développement humain et environnemental avec nos voisins.
Ma collègue Marie-Christine Vergiat est intervenue lors du débat sur la Tunisie, voici un extrait de son intervention : « Il est temps de passer des discours aux actes en matière de démocratie et de droits de l’homme. Il est temps de refonder les partenariats de l’UE avec les pays du sud et de construire enfin ceux-ci sur l’exigence démocratique, le respect des droits de l’Homme et l’égalité. Sinon l’UE fera effectivement le lit des intégristes ». [Pour lire l’intégralité de son intervention, cliquez ici ]
Agriculture : le Parlement reconnait la nécessité d’une Politique Agricole Commune forte pour garantir l’approvisionnement alimentaire européen et demande des efforts pour lutter contre la spéculation
Le texte voté le 18 janvier par le Parlement est le dernier d’une suite de résolutions appelant à une « PAC forte ». Le titre du rapport est très clair : Reconnaissance de l’agriculture comme d’un secteur stratégique dans le contexte de la sécurité alimentaire.
Rédigé par la socialiste roumaine Daciana Sârbu, il prône une politique agricole « forte » afin de pouvoir assurer un approvisionnement suffisant en aliments abordables et demande également des mesures permanentes et vigoureuses pour lutter contre la spéculation. Rappelons que la spéculation est responsable pour moitié de la hausse des prix agricoles. On annonce déjà pour certaines céréales de base une hausse encore plus élevée que celles constatées lors des émeutes de la faim en 2008. En plus d’un appel à la création de mécanismes de protection contre la volatilité des prix, le Parlement suggère la mise en place d’un réseau mondial de stock alimentaire géré par la FAO ou les Nations-Unies pour lutter contre les effets des variations de cours. Cet objectif de création de stock est un progrès dans la réflexion politique.
Cette résolution s’inquiète du renouvellement de la profession chez les agriculteurs (seuls 7% ont moins de 40 ans et d’ici 10 ans, 4,5 millions partiront à la retraite) et dénonce également les gaspillages survenant dans la chaine de production agricole, de la production jusqu’à la consommation finale, qui représentent dans certains cas jusqu’à 50%.
Un point négatif (et non des moindres) : le vote en plénière n’a pas repris le soutien de la commission Agriculture à l’aide alimentaire européenne aux plus démunis. Les pays qui ne font pas partie de ce programme, comme l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Suède et les Pays-Bas, estiment qu’il s’agit là d’un programme social qui ne concerne pas l’agriculture. Notons qu’à l’exception de l’Allemagne ce sont aussi les partisans d’un approvisionnement alimentaire reposant grandement sur les exportations et qu’ils sont favorables à un démantèlement de la PAC.
Bilan de la présidence belge : une bien pâle présidence
La Belgique laisse la présidence de l’UE à la Hongrie. La présidence est l’occasion pour un pays de faire avancer les dossiers qui lui tiennent à cœur, ce que fera la Hongrie en mettant en avant la politique énergétique et le partenariat oriental, les relations avec des pays qui lui sont voisins, comme l’Ukraine, ou l’adhésion de la Croatie.
Du fait de l’instabilité politique qui touche la Belgique, sans gouvernement depuis huit mois, la présidence belge avait volontairement décidé de s’inscrire dans la « sobriété ». Lors du débat sur le bilan de cette présidence le 18 janvier, on a pu être effaré des tombereaux de louanges déversés sur cette présidence, sans jamais aborder la crise qui secoue l’Europe, le chômage ou la pauvreté.
Pour ma part j’ai tiré un tout autre constat : la présidence a mis en œuvre les projets visant à renforcer le pacte de stabilité, et ainsi renforcer les politiques d’austérité. Il s’en est fallu de peu que ne passe une directive visant à élargir l’approche de la directive « Bolkenstein » (mise en concurrence des travailleurs) aux immigrants via le « permis unique ». Il n’a nullement été question des statuts de la Banque Centrale Européenne, de création monétaire, d’harmonisation fiscale, ou de taxation du capital. Pire, la présidence s’est conclue par le Conseil européen (la réunion des chefs de gouvernement européens) de décembre, qui a validé une révision en catimini des traités pour sanctuariser les outils de l’austérité.
Voici un extrait de mon intervention lors de ce débat : « Vous avez engagé en catimini une révision des traités européens que vous n’avez pourtant cessé de présenter comme intangibles uniquement pour rassurer la finance mondiale. Par contre, vous avez en permanence refusé un débat sur la mise en place d’un fonds de développement social et environnemental alimenté par une taxation des mouvements de capitaux, par une harmonisation vers le haut de la fiscalité du capital, par une création monétaire de la Banque Centrale Européenne pour le rachat des dettes des Etats et le développement des services publics indispensables à des choix de justice et de progrès social. » [Pour lire l’intégralité de cette intervention, cliquez ici ]
Soins transfrontaliers : éviter un grand marché européen de la santé
Les soins de santé transfrontaliers concernent les citoyens qui choisissent de se faire soigner dans un autre État membre, par exemple en raison de listes d’attente trop longues ou du manque de soins spécialisés dans leur propre pays. Actuellement, les États membres consacrent environ 1% de leur budget de santé à un traitement prodigué au-delà de leurs frontières.
Le Parlement vient de clore ce 19 janvier un lourd dossier opposant les parlementaires et les Etats européens : d’un côté les patients veulent pouvoir être remboursés s’ils vont se faire soigner ailleurs, de l’autre les Etats ne veulent pas avoir à financer des soins couteux qui pourraient être prodigués sur place. Une ouverture totale et l’obligation pour les Etats de rembourser systématiquement des soins à l’étranger pourraient avoir pour conséquence de créer un véritable « marché européen des soins », et d’encourager le « tourisme médical ». Ce système ne bénéficierait qu’aux patients les plus aisés, tandis que les autres souffriraient de la disparition des soins de proximité du fait de la spécialisation qu’entrainerait un grand marché européen des soins.
Notre groupe de la GUE/NGL n’est pas opposé à la mobilité des patients, certains traitements ne peuvent attendre, ou ne sont disponibles qu’en certains endroits. Mais, comme l’a dit ma collègue néerlandaise Kartika Liotard, « les soins de santé ne sont pas un produit commercial, échangeable ; c’est un besoin fondamental pour tous. La nouvelle directive de l’UE signifie que les assureurs pousseront les patients à se faire soigner à l’étranger pour bénéficier de traitements moins chers. Mais les patients – surtout s’ils sont gravement malades – ont juste besoin de soins dans leur région, près de leur famille et d’un médecin qui parle leur langue ».
Le compromis trouvé avec les Etats leur permet d’avoir encore le dernier mot sur l’autorisation de transfert, nécessaire pour se faire soigner à l’étranger. Cela protège encore, pour l’instant, les budgets de santé, mais si un Etat décide de ne pas investir dans des soins de qualité et de proximité il pourra désormais toujours envoyer ses patients à l’étranger.
Haïti : un an après où en sommes-nous ?
Le 19 janvier, le Parlement a voté une résolution sur la situation en Haïti, un an après le terrible tremblement de terre qui a frappé ce pays. Cette catastrophe ne doit pas faire oublier dans quel état était Haïti avant que tous ne volent à son secours. C’était pourtant le ton de la résolution adoptée, qui ne se focalise que sur les aspects humanitaires de la profonde crise que traverse Haïti.
Pourquoi a-t-on attendu ce tremblement de terre pour qu’enfin la Banque mondiale et le Fonds Mondial International se décident à annuler la dette d’Haïti ? Comment se fait-il que les gouvernements feignent de ne découvrir le terrible dénuement des Haïtiens qu’à ce moment là ?
L’histoire d’Haïti est jalonnée de multiples tentatives d’ingérences mais aussi de total abandon dans les moments les plus critiques. Un an après les belles déclarations d’intentions (11,5 milliards de dollars ont été promis par la Communauté internationale pour la reconstruction du pays), la question de la part de l’aide effectivement arrivée sur place doit être posée. Tout comme celle de son utilisation, qui doit permettre à l’intégralité de sa population de se remettre des épreuves qu’elle subies et endurées bien avant le tremblement de terre.
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Avec ceux qui nous gouvernent, que pouvons nous attendre ? un renforcement des idées d’extrême droite, le néo-colonialisme, l’asservissement des peuples… et sûrement pas des accords de coopération ou des effacement de dettes dans des pays comme l’Algérie où la France et ses multinationales se sont servies largement