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Oui, la lutte des classes existe. Elle s’aiguise même. Elle s’est étalée sur cinq pages dimanche dernier dans le quotidien détenu par le groupe Lagardère : le Journal du Dimanche. Dès la Une, on nous lance « l’ultimatum des grands patrons » avec la photo de cinq d’entre eux qui dirigent des entreprises qui, à elles seules, « pèsent 128 milliards d’euros en bourse ». Et le journal publie un manifeste des 98 dirigeants réclamant de nouveaux cadeaux dont ils se gardent bien de dire qu’ils viendraient encore grossir leurs profits pourtant déjà florissants. Et la presse détenue par M. Dassault, Le Figaro, celle de M. Arnault, Les Echos, celle du groupe Amaury, Le Parisien, les télévisions privée et publique, relaient avec constance et persévérance le manifeste du capital français. Des commentateurs adhérents du grand parti de la pensée unique de l’aristocratie se relaient, de commentaires en éditoriaux, déclamant sur le ton de l’évidence que ces patrons ont raison de réclamer encore et encore, tandis que les salariés et les privés d’emploi devraient accepter leur sort. Pourtant, ce sont précisément ces entreprises multinationales qui ont réalisé 74 milliards d’euros de profit l’an passé. La moitié de cette somme a été reversée en dividendes aux actionnaires. Ça suffit maintenant ! L’argent doit aller au travail, pas aux actionnaires profiteurs. Et le Secrétaire général de l’UMP de les soutenir jusqu’à en appeler à la rue, pour qu’enfin le peuple capitule après l’avoir emporté dans les urnes il y a à peine six mois.
Cette offensive a eu lieu le jour même où une personne privée de logement est morte dans une rue de la capitale, à un moment où le tsunami du chômage se déchaîne partout, où la pauvreté galope. La même semaine aussi où la Commission de Bruxelles décide d’abaisser le Fonds européen destiné aux plus démunis. Le tract patronal est diffusé alors que se tient le congrès du Parti socialiste, dans lequel une partie des adhérents, à l’unisson des forces du Front de gauche, réclament au gouvernement de ne pas céder à l’oligarchie financière, et de s’engager résolument du côté d’un changement améliorant la vie des familles populaires. Le patronat et la droite veulent gagner ce qu’ils ont perdu sur le terrain électoral. Le gouvernement va-t-il répondre à l’intérêt général, faire reculer l’austérité et donc la crise, conformément aux demandes de celles et ceux qui ont voté pour lui il y a quelques mois ? Ou au contraire va-t-il céder à l’incroyable pression et au chantage des puissants qui n’ont que faire ni de l’expression du suffrage universel, ni du redressement du pays. Seule compte pour eux la rémunération maximum de leur capital qu’ils veulent garantir dans une terrible crise qui leur doit tout, en exploitant davantage celles et ceux qui n’y sont pour rien. Ces questions ne se posent pas dans l’abstrait. Elles se posent à chacune et chacun d’entre nous, à chacune des forces syndicales, sociales, progressistes. Faut-il que nous laissions les forces de l’argent tenir le haut du pavé sans créer les conditions d’une mobilisation populaire inédite pour pousser le changement à gauche ? Telle est bien la question fondamentale des semaines que nous vivons. Il ne faut plus lâcher un seul cadeau de plus à ces grandes sociétés qui bénéficient déjà d’un cadeau social et fiscal de 172 milliards d’euros.
Car que demandent les responsables des mastodontes, Total, Sanofi, LVMH, ou L’Oréal, aux profits faramineux ? Un cadeau jamais encore consenti par l’Etat au capital. Sous un chapitre intitulé « Compétitivité », ils demandent une réduction de la dépense publique de soixante milliards d’euros. Remarquons que ceci correspond à la norme de « 0,5 % de déficit structurel » du nouveau traité européen. Puis, ajoutent-ils, « il faut baisser le coût du travail d’au moins trente milliards d’euros, en réduisant les cotisations sociales qui pèsent sur les salaires moyens (deux SMIC et plus). Un transfert financé pour moitié par un relèvement de la TVA de 19,6 % à 21 % ».
De telles injonctions n’ont évidemment rien à voir avec l’intérêt général. Cela fait des années que des gouvernements ont multiplié les cadeaux fiscaux et sociaux au grand patronat, sans que le chômage et la pauvreté reculent. Bien au contraire ! Les profits ont augmenté, les rémunérations des dirigeants et actionnaires aussi. Mais les salaires et le travail ont diminué. Les capitaux mis à l’abri dans les paradis fiscaux ont augmenté, ceux destinés à la recherche et à l’innovation ont diminué. Le crédit public pour l’investissement productif et celui nécessaire pour inventer de nouveaux systèmes productifs industriels et agricoles s’inscrivant dans la mutation écologique diminuent, tandis que les frais financiers et les placements boursiers augmentent.
Dans un tel contexte, la gauche doit se lever, réagir, s’unir pour octroyer des droits nouveaux aux salariés, légiférer contre les licenciements boursiers, créer un pôle public bancaire pour un nouveau crédit favorable au travail, à la formation et la recherche. Elle doit aussi s’orienter vers une maîtrise publique et sociale de certains secteurs économiques et bancaires décisifs tant s’avère désastreuse leur gestion privée actuelle. On ne peut laisser écraser les travailleurs sous la broyeuse de « l’ultimatum » patronal.
Après avoir obtenu des allègements fiscaux sur les bas salaires jusqu’au SMIC, voici que le grand patronat réclame une nouvelle étape pour de telles exonérations sur tous les salaires jusqu’à l’équivalent de deux SMIC. Ainsi ils veulent combiner une violente baisse des crédits publics destinés au bien commun, comme la santé, l’école, le logement, les transports, à un transfert sur les salariés et les consommateurs de la part qui jusqu’ici leur revenait.
Au bout du compte, c’est la financiarisation qui se poursuivrait contre la production et le travail. Ils veulent détruire l’Etat social alors qu’ils n’y contribuent que pour 145 milliards d’euros tandis qu’ils versent 309 milliards d’euros en dividendes à leurs actionnaires et en frais financiers aux banques.
Voilà la nature de la terrible guerre engagée entre le capital et le travail. Atteindre un plus haut degré de civilisation commande de choisir d’abord les êtres humains et non la rapacité destructrice de la finance.
01/11/2012
0 commentaires
“Oui, la lutte des classes existe. Elle s’aiguise même.”
Hélas ! dans le mauvais sens. C’est même pour cela qu’elle revient sur le tapis.
j’ai pas bien compris:
“en réduisant les charges sociales qui pèsent sur les salaires moyens”.