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À peine décrété, le déconfinement prend les allures d’une fronde sociale et politique d’ampleur. À la crise économique et sociale se mêlent les luttes pour la justice et la dignité. Il aura fallu que se lève un puissant vent de révolte pour que la réaction oppose à la colère sociale et politique des contre-feux relayés par des sphères médiatiques aussi bruyantes qu’arrogantes.
C’est ainsi qu’une infirmière qui aura passé trois mois confinée dans son hôpital pour soigner les patients atteints du Covid, sacrifiant ses jours et ses nuits pour pallier l’impéritie des pouvoirs publics et ayant elle-même contracté la maladie, a pu être gravement molestée par les forces d’un ordre décidément injuste, et traînée dans la boue pour avoir osé se dresser face aux gaz lacrymogènes qui l’asphyxiaient.
Cette poussée réactionnaire a été jugée opportune par un Manuel Valls pour orchestrer son retour par la porte de droite extrême, en donnant une interview au magazine Valeurs actuelles. Selon ce fossoyeur de la gauche, la lutte des races remplacerait désormais la lutte des classes, lui qui s’est acharné à mener cette dernière pour le compte du capital et à souffler sur les braises identitaires. Aveugle à l’ébullition sociale, il l’est tout autant aux combats pour l’égalité et la justice. Pendant ce temps, la cheffe de l’extrême droite parade. Le jour même de sa nouvelle condamnation pour détournement de fonds publics, elle supplante le ministre de l’Intérieur, se délectant des violences à Dijon, avant d’opérer, à l’occasion du 18 juin, un hold-up sur la mémoire du général de Gaulle. Et les caméras installées à Dijon et l’île de Sein étaient étrangement absentes du tribunal qui la condamne.
M. Macron met déjà toutes ses forces dans la bataille présidentielle. Tout en s’alliant au parti de la droite aux municipales, il enfile les habits du « parti de l’ordre » en laissant se perpétuer les violences policières et en se faisant le gardien d’une mémoire républicaine hémiplégique. La tentative ahurissante de modifier à sa guise le calendrier électoral pour éviter une nouvelle sanction lors des élections régionales témoigne d’une dérive autocratique sans bornes. Elle doit être fermement combattue. En arrière-fond se prépare un carnage social. Des secteurs industriels clés empochent les deniers publics pour sombrer les uns après les autres. Le tissu des petites entreprises est délaissé, tandis que la jeunesse s’apprête à faire les frais d’un chômage en expansion, prélude à un nouveau remodelage social.
Le moment que nous traversons appelle donc de la part des progressistes de l’audace dans les propositions et l’action. On ne peut laisser enserrer le peuple dans un mortifère débat « droite contre droite » sous l’œil goguenard des puissances d’argent qui répriment violemment les volontés de changements s’exprimant par le bas de la société. Tout ceci camouflé par une illusoire « grandeur nationale » pour accentuer encore l’exploitation dans le cadre d’une nouvelle guerre économique. C’est un tout autre chemin qu’il conviendrait d’ouvrir avec les forces sociales et populaires : celui portant pour chacune et chacun le projet d’une sécurité de vie émancipatrice, d’un nouvel universalisme, au cœur d’une nature vivante et préservée. De nouveaux « jours heureux » ne peuvent être que le fruit de ce combat.
Patrick Le Hyaric
Publié dans l’Humanité du 19 juin 2020 (p.6)
2 commentaires
M. Le Hyaric, votre post est daté du 19 juin et cette manifestation a eu lieu le 16, il y a t 3 jours.
Personne ne vous a encore dit que cette sympathique infirmière avait joyeusement concouru au lancer de poids avec les blacks-blocs et conclu avec un double doigt d’honneur à l’encontre des policiers !
Autrefois le parti ne manquait pas de lutter contre le gauchisme “cette maladie infantile du communisme” comme l’écrivait Lénine et aussi contre l’anarchisme qui faut inconsciemment le jeu du capital.
Vous seriez plus utile en éduquant vos lecteurs sur l’histoire de l’impasse anarchiste et sa version contemporaine, le mouvement black-bloc. Vous avez des cheveux blancs mais vous semblez encore en plein romantisme révolutionnaire comme on disait quand vous étiez jeune.
Cette infirmière a “concouru au lancer de poids” ? Elle jouait au black-bloc ?
Avouez que, pour déplacé et délictuel que soit son geste, il n’a mis personne en péril contrairement aux coups de matraques, gaz de guerre, flashball et autres GLI-F4 dont la police use si souvent contre des gens qui n’ont rien fait que d’oser une opposition au pouvoir, voire d’être à proximité d’une manif.
En outre, les brutalités qui lui ont été réservées ne sont pas “proportionnées”, comme le demanderait l’éthique des forces de l’ordre et de la violence légale.
La violence – en réunion ! – appliquée à cette infirmière avait le double objectif de la punir (ce n’est pas le rôle de la police), et de dissuader toute expression de dissension (ce n’est pas non plus le rôle de la police sauf si elle devient une police politique, indigne d’une démocratie).
Un autre aspect de l’affaire, c’est la suite judiciaire. Or la Justice, en principe garante de l’application juste de la Loi, à tous sans discrimination et indépendamment du pouvoir exécutif, elle s’occupe tellement plus de la protection du pouvoir et des puissants… Combien de brutalités de policiers ont été sanctionnées depuis deux ans ? Si peu que le laisser-faire de ce côté contamine la police dans son ensemble, sous l’autorité excessive de responsables jamais coupables. Fermer les yeux sur des centaines de cas de violence policière, c’est approuver et encourager la brutalité, c’est transformer effectivement les gardiens de la paix en milice de répression sans retenue. Cette transformation (pas si nouvelle) est à l’oeuvre en Macronie.
Puisque partis et syndicats, quels que soit leurs restes d’indépendance et d’honnêteté, ne sont plus le contre-pouvoir qu’ils étaient (mon pauvre Monsieur…), le recours à la violence paraît évidemment la seule expression possible. Dans le cas de cette dame, un jet de petit caillou est (ridiculement) symbolique plutôt que violent face aux robocops, face au totalitarisme sourd et aveugle de nos gouvernants en perpétuels mensonge et état d’exception. Mais Macron et ses patrons ne veulent pas lâcher un milliard pour la santé publique, alors l’infirmière (terroriste!) doit morfler : sa colère est délégitimée en même temps que celle de ses collègues fonctionnaires, ceux que soi disant on traitait en héros !
Je n’applaudis pas le geste d’exaspération. Mais je le comprends. Pas vous ?