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Photo AFP
Par Patrick Le Hyaric
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L’élaboration et le vote du budget de la Nation est l’un des actes politiques majeurs d’un gouvernement et d’un parlement. Il s’agit de choix fondamentaux dans l’utilisation de la « caisse publique » à laquelle chaque citoyen, chaque entreprise, par l’entremise des richesses créées par le travail des salariés, contribuent. Il s’agit donc d’un bien commun sur lequel chacune et chacun devrait avoir son mot à dire. Le gouvernement, chaque parlementaire devraient animer un tel débat. Les technologies numériques le permettent. Le budget qui va venir en discussion au parlement est le dernier qui s’exercera pleinement avant la fin de ce quinquennat. Il devrait être celui, à partir du constat que les exercices précédents n’ont en rien résolu les difficultés essentielles auxquelles nos concitoyens et le pays sont confrontées, d’une réorientation des choix à effectuer, notamment dans le sens d’une plus juste redistribution des richesses disponibles. Il n’en est rien. Au contraire ! Il amplifie les choix d’austérité, martèle le cap fixé par le gouvernement, loin, très loin des promesses de 2012. Adopté tel quel, ce projet de budget produirait les mêmes effets que les précédents, à savoir l’augmentation du chômage, l’approfondissement des inégalités, la création de nouvelles couches de pauvreté et la précarisation de pans entiers de la société.
On aurait pu espérer que le gouvernement écoute les alertes citoyennes exprimées lors des élections municipales, départementales et européennes, relayées par des fractions importantes du parti socialiste et des écologistes, les communistes et le Front de gauche. Qu’il écoute leurs demandes, celles des organisations syndicales, de réduction des inégalités en menant une politique de soutien aux classes populaires par une autre répartition des richesses et une nouvelle manière de les produire, l’impulsion d’un crédit utile aux investissements d’avenir et la transition environnementale. Tout devrait conduire à ce que monte dans le pays la plus large et unitaire opposition populaire à ce projet de budget 2016.
Engoncé dans des traités européens verrouillés, le gouvernement fait le choix une fois encore d’obéir à l’orthodoxie libérale. La non-renégociation du traité budgétaire en 2012 coûte très cher aux populations et à l’économie. L’acharnement prioritaire à répondre aux injonctions européennes ne laisse aucune marge de manœuvre pour permettre l’indispensable relance sociale.
Or, la dette, nous apprend-on, n’en finit pas de grimper et tutoie maintenant les 100% des richesses produites. Malgré l’austérité budgétaire, de nouveaux sacrifices sont réclamés aux classes populaires pour remplir ce tonneau des danaïdes. Ainsi, pour l’année 2016, le gouvernement annonce une nouvelle baisse de 16 milliards d’euros des crédits publics utiles !
En revanche, s’il est un engagement que le gouvernement est en passe de tenir, c’est bien le cadeau de 41 milliards offerts aux entreprises sans contreparties. Ainsi, 16 milliards leur seraient de nouveau offerts l’année prochaine. Soit l’exact montant de la baisse de la dépense publique ! C’est absurde et inefficace. La question de la nature des dettes publiques de l’Etat comme des collectivités territoriales doit être soumise à l’expertise et au débat citoyen.
Parmi les mesures d’économie, le gouvernement a annoncé la baisse des aides personnalisées au logement pour…. paraît-il, financer l’aide aux réfugiés. Insupportable opposition de pauvres à d’autres pauvres, maniée à longueur de journée par les leaders de la droite et de son extrême qui favorisent l’installation d’un climat xénophobe ! Les cadeaux au patronat seraient, eux, intouchables pour financer la solidarité alors que les aides aux plus vulnérables serviraient de variable d’ajustement comptable. Pourquoi ne pas rogner sur les milliards du pacte dit de responsabilité qui n’ont pour l’instant eu pour seul résultat que de garantir les taux de marges des entreprises sans effets sur l’emploi et les salaires des travailleurs ?
Dans le train des économies, une fois encore, la sécurité sociale est ciblée pour un montant de 7.4 milliards. Les exonérations de contributions patronales finissent de mettre en péril cette clef de voute de notre modèle social et justifient le désengagement de l’Etat.
Au moment où est célébré le 70eme anniversaire de sa création, sur les ruines du nazisme, la question même de son existence et de son élargissement dans un pays développé comme le nôtre n’est pas une question subsidiaire. C’est au contraire le moyen de garantir l’existence d’un niveau de protection sociale conforme aux exigences de notre époque qui s’émancipe du capital financiarisé et promeut des logiques de solidarité tout en garantissant l’égalité dans l’accès aux droits fondamentaux.
Pour contrebalancer le flot de mauvaises nouvelles, le gouvernement annonce une baisse des impôts des ménages pour 2 milliards d’euros, après les avoir considérablement augmentés et accompagnés de l’augmentation de la TVA. Sans doute espère-t-il que la réduction des subventions aux collectivités contraindra ces dernières à assumer une augmentation des fiscalités locales. On est toujours loin d’une vraie réforme fiscale, pourtant promise, qui allie la justice fiscale avec plus de nouvelles tranches et une plus grande progressivité, et l’efficacité économique et sociale.
L’aide au développement subit une baisse de 6%, en total contradiction avec les propos tenus par le président de la République à la tribune de l’ONU, où il annonçait pourtant que la France allait « montrer l’exemple ».
Au moment où la France s’engage sur des fronts militaires, où elle va accueillir à Paris des délégations du monde entier pour tenter de résoudre la crise climatique, comment accepter qu’elle sacrifie, une fois encore, l’aide au développement et le budget du ministère de l’environnement ?
Notre sécurité et la paix sont deux choses inséparables. Elles ne peuvent être garanties sans le développement des Etats les plus fragiles ou déstabilisés, au Moyen-Orient comme ailleurs. La France a un devoir moral et politique de hausser dès maintenant son effort, conformément aux objectifs qu’elle a contracté avec l’ONU.
La période historique que nous vivons ne peut se satisfaire de ces filets d’eau tiède matinée de logiques libérales. Elle appelle au contraire à une grande bifurcation. Sans relance de l’activité, sans relance sociale par des investissements utiles et créateurs d’emplois, sans investissements dans des services publics de nouveau type pour le développement humain et le progrès écologique, la France et l’Europe risquent de sombrer plus profond encore dans les abîmes du ressentiment.
Nos sociétés ont besoin de nouvelles dynamiques sociales, démocratiques et écologiques que les budgets successifs, fidèles à la ligne choisie par l’exécutif, rendent impossible.
Il faudrait d’urgence réaffecter au moins 10 milliards du « crédit impôt compétitivité » en soutien aux collectivités territoriales qui assurent l’essentiel de l’investissement public en France.
Il devient nécessaire qu’une mission parlementaire puisse procéder a une évaluation contradictoire des effets des dispositifs d’aides aux entreprises ces dix dernières années.
Le débat sur l’indispensable « révolution fiscale » devrait être remis au gout du jour.
Il conviendrait d’écouter le message anti-austérité et anti-régression sociale de la Confédération européenne des syndicats qui tenait son congrès la semaine passée à Paris.
Contre la nécrose des logiques comptables des dettes et déficits au service de la rente, nous préférons l’audace, l’activité correctement rémunérée et la souveraineté populaire.
A l’atomisation de nos sociétés, nous préférons la solidarité par la consolidation des services publics, par une sécurité sociale élargie et de vraies initiatives pour la formation et la recherche.
La réussite de la journée de mobilisation interprofessionnelle du 8 octobre prochain pourrait être une nouvelle étape pour faire entendre une autre voix et imposer d’autres choix avant le vote du budget. Les lignes peuvent bouger si les citoyens, les travailleurs et les retraités, si la gauche dans sa diversité se font entendre.
3 commentaires
Le budget de la nation pourrait et devrait être le budget de la République réelle, République universaliste qui n’existe pas quand l’Associatif culturel ne compte pas ; alors que nous n’avons toujours qu’une apparence de République et que l’apparence même s’estompe ! Le bugdet tel qu’il devrait être exige d’exercer la démocratie entière qu’aucun parti politique français n’a encore présenté à ce jour, d’où des révoltes et des votes blancs.
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Que la gauche se décide.