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L’homme le plus riche du monde, qui vient de débourser 44 milliards de dollars pour s’emparer du réseau social Twitter, M. Elon Musk, n’est pas un simple homme d’affaires sans pensées, ni arrière-pensées, ni idéologie. Son monde est celui du capitalisme le plus sauvage. Sa seule foi est celle de l’argent-roi. Il incarne l’individualisme le plus acharné, le plus égoïste. Au nom de son rejet viscéral de l’État, il refuse de payer le moindre impôt sur le revenu et s’oppose au projet d’impôt sur les milliardaires discuté actuellement aux États-Unis. Ceci ne l’empêche d’ailleurs pas de recevoir des aides étatiques de plusieurs dizaines de milliards de dollars.
Il conceptualise « l’homme-machine », c’est-à-dire l’intégration d’outils dans le corps humain pour des objectifs de santé et de productivité. Or, face à un cocktail aussi explosif, ce que l’on nomme encore « les démocraties » regardent passer le train emporté par un seul homme. Ce dernier vient de se donner le pouvoir de contrôler et de sélectionner le contenu et la circulation d’une grande partie de l’information mondiale.
Le réseau social dont il est seul maître fait circuler 450 000 tweets par minute dans le monde. Et cet outil sert désormais quotidiennement de source d’informations aux journalistes, démunis par ailleurs de moyens humains et du temps nécessaires à l’enquête, au reportage, à la vérification. Ainsi, la culture et l’idéologie prêtes à être consommées, propagées par les réseaux dits sociaux, trouvent d’infinis prolongements.
Les messages recrachés aux quatre coins de la planète par le bec de l’oiseau bleu sont souvent pauvres, simplistes, ni vérifiés, ni retravaillés, ni confrontés à la véracité des faits.
Des études montrent qu’une fausse information émise par ce réseau à 70 fois plus de chance d’être partagée qu’une information vérifiée.
Et au-delà, au nom de la liberté d’expression M. Musk considère le sexisme, le racisme, la pornographie, l’homophobie comme parties intégrantes de la liberté d’expression. Difficile à croire ? Pourtant la stratégie du réseau social consiste à sélectionner les contenus les plus polémiques, les plus toxiques pour augmenter le nombre et le temps de connexions, exciter les réactions, les passions et les partages afin de rafler toujours plus de revenus publicitaires et collecter le plus de données possible. Les pires propos sont ainsi au cœur de la recherche des profits.
Alors que la vie libre en société exige la protection d’un certain nombre de données comme celles concernant le secret médical ou le secret des sources, celles-ci deviennent des marchandises.
La stratégie de déploiement de l’intelligence artificielle au sein du capitalisme utilise les algorithmes dans des buts bien précis : elles orientent les utilisateurs vers certains types de contenus, projettent des recommandations de lecture dans le but de vendre des services payants, engranger des recettes publicitaires, tout en marginalisant les individus.
Ces réseaux sociaux qui connectent tous les habitants de la planète entre eux pourraient être de grands vecteurs de fraternité, solidarité, de partages d’expériences, d’actions communes pour lutter contre la pauvreté, le surarmement, le réchauffement climatique, pour agir en faveur de la biodiversité, la santé humaine et animale, la paix et le désarmement. Ces réseaux pourraient être des passeurs d’antiracisme, de féminisme, du savoir, de la connaissance et des cultures. Ils ne sont pas, comme ils pourraient l’être, des « biens communs », totalement détournés d’une telle ambition.
Le pouvoir macroniste devenu « technocraties gouvernementales », au service du capitalisme le plus débridé, nous vante sans cesse les « start-up nations » et les « licornes » pour mieux laisser se développer une « technocratie numérique de pouvoir » dans tous les domaines contre les services publics. Il aurait pourtant fallu depuis longtemps construire un projet politique d’entreprises numériques publiques. Bref, « un bien commun ». Une vraie agora des citoyens du monde pour leur émancipation.
Jusque-là, la classe capitaliste s’appropriait et contrôlait les moyens de production. Elle franchit une nouvelle étape en investissant des moyens considérables pour contrôler la logistique. En utilisant les formidables capacités de calcul des outils numériques, elle se donne le pouvoir de maîtriser le contenu et la circulation de l’information, pour la conformer en un récit à leur avantage, contre les classes travailleuses.
Racheter Twitter, c’est mettre la main sur une base de plus de 436 millions d’utilisateurs actifs mensuels et sur la plus grande banque de données conversationnelle. Cette base est monétisée contre de la publicité. Ceci contribue à assécher une bonne partie des recettes publicitaires des journaux – jusqu’à les étouffer ou les placer sous la coupe d’autres milliardaires.
Ainsi les informations travaillées par les journalistes sont pillées pour être monétisées contre de la publicité elle-même retirée aux finances de journaux et provoquant une réduction du nombre de cartes de presse. Ce cercle infernal est antinomique avec le pluralisme de la presse et des idées.
La puissance de cet outil va permettre à M. Musk d’abonder en moyens nouveaux les entreprises qu’il détient, dont Neuralink qui porte un projet « d’homme augmenté » ou de « couplage homme-machine » et le transhumanisme.
Non seulement Twitter va devenir sa meilleure agence de relations publiques et de pouvoir, mais il sera connecté au développement de ses multiples autres activités : la voiture électrique Tesla, SpaceX dans l’exploration spéciale, Neuralink pour les implants cérébraux, Starlink dans les télécommunications, Boring Compagny pour les travaux publics.
Alors que les institutions internationales et les traités européens détruisent tous les monopoles publics, ils contribuent à créer des monopoles privés mondiaux.
Pourtant, il est urgent de conquérir une souveraineté numérique en Europe en lançant un projet public de développement numérique d’intérêt général. La France devrait impulser un débat essentiel sur, à la fois, l’actionnariat et les contenus des réseaux dits sociaux, au nom du pluralisme de l’information, des savoirs et de la culture et pour la démocratie.
La Commission européenne vient de proposer un projet baptisé « Digital Services Act » qui est une esquisse pour engager un processus de régulation. C’est un premier pas qui devra être suivi d’autres. Il conviendrait notamment de réfléchir à un « Médias Digital Act » s’appliquant à la régulation de l’audiovisuel privé. Une loi anti-concentration des médias en France devient urgente. D’abord elle devrait revenir au principe constitutionnel qui garantit le pluralisme de l’information et à l’esprit des ordonnances sur la presse de 1947. Mais une telle loi doit permettre de limiter les seuils de propriété, d’empêcher les groupes qui dépendent de la commande publique de posséder des médias ainsi concentrés, et un même groupe de détenir à la fois les infrastructures et la production de contenu. Il s’agit d’empêcher, et vite, les rapaces milliardaires de dévorer tous les petits oiseaux encore libres et d’étouffer le pluralisme.
Patrick Le Hyaric
04/05/2022
6 commentaires
Dans un premier temps face à l’urgence d’un développement informatique et numérique dans l’intérêt général, je vous fais la suggestion que l’Humanité dimanche soit un hebdomadaire mensuel complété par un magazine de la même qualité qui serait trimestriel (comme le magazine La Terre) ou plus fréquent, c’est à voir si justement il correspondrait à l’intérêt général qui pourrait se vérifier en assurant que les lecteurs puissent adresser un courrier, inspiré par la lecture du magazine informatique et numérique ; il faut justement qu’il puisse y avoir une relation épistolaire de confiance ; il faut que la possibilité de correspondance soit libre voire sans identifiant et mot de passe, le correspondant donne une adresse email et pas plus, exactement comme pour ce commentaire. L’expression “développement informatique et numérique d’intérêt général doit se vérifier ainsi, la possibilité pour chaque Citoyenne et chaque Citoyen de s’exprimer pour un progrès réel commun tant qu’en effet il s’agit de la réalisation de l’informatique et du numérique pour Tous, et je pense qu’il faut en tout premier ce progrès pour la lecture du vingt et unième siècle autant que pour l’information du vingt et unième siècle…
Je lis aussi ce même jour : “Droits de l’Homme
Le journalisme sous l’emprise du numérique” sur le site ONU un.org, article / journée mondiale de la liberté de la Presse, qui devrait être renommée ; journée mondiale de la liberté de la Presse et des choses et des moyens et des services pour les Citoyennes et les Citoyens. Il faut un tel progrès commun.
Actuellement il n’y a rien ou quasiment rien dans les kiosques et les rayons de magazines, alors que l’information dont je viens de parler irait de paire avec l’ensemble des choses, des moyens, et des services, espérés, attendus, avec forte anxiété face au retard qui se traduit par la situation décrite dans votre article.
Il y a des choses et des moyens voire des solutions informatiques et numériques de pays de l’Union Européenne, encore faudrait-il qu’il y ait un journalisme de cela et que les Citoyennes et les Citoyens puissent s’exprimer à leur sujet. Il faut un magazine dans le genre de cet article et de ces commentaires présents.
Choses et moyens et solutions informatiques et numériques de pays de l’Union Européenne qui pourraient être ameublis pour correspondre aux besoins de toutes et de tous…
J’ai trouvé sur Internet… Cette liste n’est pas du tout exhaustive…
Ordinateurs et tablettes français et européens :
Linux Open Suse OS Allemagne
Handylinux OS Debian OS France
Linux Trisquel OS France
Linux Elive OS belgique
Ordissimo marque française de matériel d’informatique et de numérique
Ardoiz marque française de matériel et de services de numérique via La Poste
Qwant Moteur de recherche français ; associé notamment au navigateur Brave « chromium »….
Messagerie La Poste France
Messagerie GMX Allemagne
J’aimerais être mieux et davantage informé avec la possibilité de correspondre pour participer au progrès commun adéquat pour toutes et pour tous, nous en sommes loin… Je ne trouve rien pour m’informer depuis plusieurs années en kiosque ou en rayons de presse.
La liberté d’expression et de partage n’existe pas avec la communication à sens unique ou tout de suite axée sur le commercial… Et les choses et les moyens et les solutions et les services ne correspondent pas à ce que les personnes ont le plus besoin, ou font défaut. Il y un désordre et un désert informatique et numérique gravissimes dans les métropoles, les villes, et la province….
Il serait intéressant de lire quelques articles sur le logiciel libre et les réponses communes voire communistes française et européennes et francophones notamment. Le dernier article de presse dont je me souviens que bien peu, je l’ai lu, c’était avant 2010, quelle désinformation sur l’informatique et le numérique français et européen et francophone…
Je ne demande pas mieux que de trouver à lire pour en savoir davantage et pour pouvoir participer comme j’essaie de le faire vaille que vaille.
Bonjour.
Cela me ramène à un vieil article sur l’égocentrisme-narcissique, une pathologie reconnue, donc une personne irresponsable devant être soignée médicalement ?
Patri Friedman, petit-fils de…, flotte en eau ultralibérale
Le digne petit-fils de l’économiste ultralibéral Milton Friedman porte depuis dix ans l’ambition de bâtir «des pays Apple et Google». Des villes flottantes sur l’océan, véritables paradis ultralibéraux sans gouvernement, ni État, ni démocratie, ni droit de vote.
Publié le
Mercredi 3 Septembre 2014
Pierric Marissal
«« Friedman prend l’exemple des îles Caïmans, de Hongkong ou de Singapour, qui étaient pleines de crève-la-faim avant de devenir des paradis fiscaux peuplés de millionnaires. L’individualisme n’a plus de bornes : si les pauvres ont envie d’être riches, il suffit qu’ils travaillent et fassent des efforts pour y arriver, si d’autres ont envie de devenir esclaves, pourquoi les en empêcher, et si un milliardaire veut devenir un homme bionique immortel, ce doit être un modèle à atteindre. Les villes flottantes deviendront également le lieu de développement privilégié du transhumanisme, une idéologie renaissante portée par Peter Thiel ou par la direction de Google. Le but est de dépasser la nature humaine pour se débarrasser de la mort et de la maladie, et dans ses aspects les plus extrêmes, des «imbéciles» et des êtres jugés inférieurs. »»
https://www.humanite.fr/culture-et-savoirs/google/patri-friedman-petit-fils-de-flotte-en-eau-ultraliberale-550733?IdTis=XTC-FT08-AI57XA-DD-DE35I-D2T5
«« Hongkong »» des paradis fiscaux peuplés de millionnaires.
Tien. je ne savais pas qu’à Hongkong, tout le monde vivait dans une villa.
HlxpnSBJuIw