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Elle n’en finit pas, cette agressive procession des va-t’en guerre qui occupe toutes les ondes et tous les écrans. Par un curieux renversement de concept, elle se déroule au nom de « la sécurité de l’Europe ».
Comme par mystère, elle a subitement effacé les enjeux de premier plan des dernières semaines. Disparues des radars, les catastrophes de Mayotte ou de La Réunion, de Valence en Espagne ou de Redon, de Floride ou de la vallée de la Roya. Ignorés, les résultats de la dernière conférence mondiale sur la biodiversité et les lourdes problématiques liées à l’épandage généralisé du plastique, qui va jusqu’à constituer des îles artificielles et étouffer les poissons et les fonds marins.
Pourtant, le combat pour la vie des êtres humains, des animaux, des sols et des océans a un impérieux besoin des immenses sommes aujourd’hui engagées dans l’échevelé et dangereux militarisme. L’Agence internationale de l’énergie évalue à environ 2 500 milliards d’euros la somme nécessaire pour construire un système mondial basé sur les énergies renouvelables. C’est exactement la totalité de la valeur des dépenses militaires dans le monde. Cette même agence de l’OCDE aboutit à la même conclusion pour l’Union européenne. Les dépenses d’armement y sont de 300 milliards d’euros, soit ce qu’il faudrait investir pour faire bifurquer le continent vers les énergies renouvelables, tout en accompagnant tous nos concitoyens dans cette transition.
Évidemment, la répartition des moyens à allouer pour freiner et interrompre les modifications climatiques est totalement incompatible avec le concept « d’économie de guerre ». Celle-ci ne fait qu’ajouter l’insécurité physique aux insécurités sociales et environnementales. Les perroquets en treillis bien propre, qui répètent les éléments de langage des « bienfaits » de la force des canons, des missiles et des drones, font presque oublier que la guerre produit aussi, surtout, des morts et des blessés, des deuils et mille souffrances, l’empoisonnement des terres et des mers pour des siècles.
Plus encore, la guerre avec ses armes chimiques, bactériologiques, nucléaires peut anéantir toute vie sur Terre. S’y inscrire, c’est laisser s’amplifier la dégradation climatique et celle de la biodiversité jusqu’à l’impossibilité de la vie sur Terre.
Le militarisme, c’est aussi l’insécurité sociale. Pour qui en doutait encore, le Premier ministre vient de s’appuyer sur les bouleversements internationaux pour dévoiler le sens de la farce de son prétendu conclave sur les retraites. La situation internationale exigerait non seulement de maintenir la scélérate loi des 64 ans, mais, jour après jour, les militaristes dégagent au bulldozer le vieux chemin qui permettrait d’aller vers les 70 ans et la retraite par capitalisation. Les institutions européennes imposent aux États membres de trouver 650 milliards d’euros pour les œuvres de mort en pressurant les droits sociaux et les salaires, auxquels il faudra ajouter 150 milliards d’emprunts aux institutions financières pour nourrir grassement les rapaces, dont les nids sont installés au cœur des places boursières. Par contre, l’Union européenne et le gouvernement ne trouvent pas un sou pour empêcher les fermetures de classe dans nos écoles primaires et secondaires, pour améliorer la situation de nos hôpitaux, pour contraindre la Poste à respecter ses missions de service public en distribuant courriers, journaux et colis tous les jours, pour conforter les communes et les départements que l’État au service du capital ne cesse de ponctionner, pour promouvoir avec les paysans-travailleurs une réorientation agro écologique de la production agricole et une sécurité sociale de l’alimentation, pour porter en avant la création culturelle et une sécurité d’accès à la culture pour toutes et pour tous.
Que l’Union européenne soit capable de multiplier les fonds pour le militarisme et la guerre et incapable de créer un fonds pour le développement social, humain et environnemental dit tout de sa nature profonde.
Si les peuples d’Europe, en se tenant la main, descendaient ensemble dans les rues de nos villes et de nos villages en criant 800 milliards pour l’éducation, la santé, le travail, la culture, la recherche, pas pour les marchands de canons et de munitions, cela aurait de l’allure.
En effet, alors que l’investissement dans l’avenir et les nécessités de formation de toutes et tous tout au long de la vie frappe bruyamment à la porte, la somme de 800 milliards équivaut à 63 fois les investissements européens pour la recherche. L’horizon des 100 milliards d’euros d’engagement de dépenses militaires pour la France équivaut à une fois et demie le budget de l’Éducation nationale ou permettrait la construction de 50 à 100 hôpitaux.
La folie militariste qui s’est emparée des milieux dirigeants pousse toutes les insécurités sociales, écologiques, alimentaires et sanitaires. Il faut y mettre fin tout en pesant pour ouvrir les chemins de la paix en Ukraine ou à Gaza comme pour la centaine d’autres conflits en cours. On voit combien le sort du peuple palestinien est caché, enfoui, dans les décombres de la guerre. Là, pas de réunion au sommet, pas de Conseil européen, pas de déplacement à la Maison-Blanche, pas de projections de soldats pour protéger les Palestiniens qu’un pouvoir d’extrême droite tue, vole et expulse de ses maisons et de ses terres.
Voilà qui jette une lumière crue sur les agitations de quelques dirigeants, dont le président français. Voilà qu’au son du canon, il retrouve, grâce aux yeux des forces du capital et de leurs portevoix au Parlement et au gouvernement et dans les médias. Elles hument cette si particulière odeur des profits et des dividendes. Quelle abjection de vouloir se « refaire la cerise » en utilisant les malheurs du monde et le bruit assourdissant des bourdonnements des avions de combat et du sang des autres ! Reprenant ses fonctions de chef de guerre sociale au nom des intérêts de l’industrie d’armement et des banquiers accourant à la maison du roi chercher dérogations et passe-droits, il ouvre les trappes des dangers au lieu de faire valoir un rôle original de la France pour la paix à partir du droit international, en lien avec l’ONU.
Peut-être poursuit-il l’objectif de devenir chef de l’Union européenne, offrant, sans débat national, le parapluie nucléaire tout en impulsant l’intégration de nouveaux pays au sein de cette union pour élargir les territoires de l’exploitation du travail et de la nature, camouflés derrière ces mots de « bloc géopolitique » ou « d’autonomie stratégique ».
C’est exactement ce même raisonnement, qui pousse aux guerres de territoire, qui anime les réunions de travail à la Maison-Blanche et au Kremlin. La violente compétition intra capitaliste dans le cadre d’une faible croissance a en effet besoin d’élargir les zones d’exploitation, de consommation et de pillage de matières premières liées aux besoins énergétiques, technologiques et numériques. Loin de s’émanciper, les dirigeants européens répondent aux demandes des dirigeants nord-américains en dépensant plus pour la « défense », donc dans les armements, de telle sorte que l’imperium puisse se tourner vers l’Asie et le Pacifique.
Contrairement à ce qui se raconte à longueur d’antenne, nous ne sommes pas en train d’assister à la fin de l’OTAN, mais à son renforcement conséquent incluant un nouveau découpage international du déploiement des armes et de l’organisation des tensions. Les États-Unis comptent, dans la phase présente, obtenir une coupure entre Moscou et Pékin afin de leur permettre de continuer à s’occuper de leur question centrale : la compétition tous azimuts avec la Chine. Le souci principal de l’imperium n’a rien à voir avec les enfants, les femmes ukrainiennes, les classes ouvrières ukrainienne et russe, ni celle des pays européens, ni avec la sécurité européenne, mais tout à voir avec leurs propres intérêts. À la faveur de la guerre en Ukraine, comme celle qui se mène chaque jour depuis des années contre le peuple palestinien avec des armes occidentales, il s’agit de redisposer les forces armées occidentales sous commandement de l’imperium.
Les dirigeants européens s’engagent dans cette stratégie mortifère, car ils pensent que le réarmement va leur permettre de rattraper le décrochage constaté avec les économies états-uniennes et chinoises en laminant encore plus les droits sociaux et humains sur l’autel de la « défense européenne », dont il faut sans cesse rappeler qu’elle ne serait qu’un pilier de l’OTAN, selon le traité européen.
L’insistance mis pour déployer une nouvelle phase dans La stratégie des nouveaux élargissements de L’Union Européenne est motivée par ces objectifs et par le développement d’une dangereuse compétition avec la Russie à propos des Balkans. Là se trouve une part importante de l’explication des gesticulations du président de la République et d’autres, comme M. Glucksmann. Au cœur de celles –ci s’ajoute l’idée folle que, grâce à ses capacités militaires, la France en compétition avec la Pologne et désormais avec l’Allemagne, aurait vocation à structurer la défense sur le flanc oriental de l’actuelle Union européenne, alors qu’elle est rejetée de tous les pays d’Afrique.
Posons une question subsidiaire. Avec un tel arsenal militaire, que ferait demain une coalition politique dominée -ici et dans d’autres pays européens – par les extrêmes droite suiviste des nationalistes Russes et des faucons de la maison blanche à qui ils vont déjà faire des courbettes ?
Toutes ces voies sont dangereuses. Elles n’ont pas grand-chose à voir avec la nécessité d’inventer un système paneuropéen de sécurité commune. Au contraire, la course aux armements, les surenchères guerrières vont plonger les peuples dans un abîme d’insécurités. Elles n’ont rien à voir non plus avec les nécessaires dialogues entre les peuples, entre les cultures. Rien à voir avec la protection et la mise en partage des biens communs humains et environnementaux. Or, la mise en sécurité sociale, écologique, démocratique de tous les êtres humains et de leurs environnements ne peut passer par la militarisation. Elle appelle au contraire une autre construction européenne associant et respectant les peuples et les nations, promouvant la coopération et agissant pour la paix et une mondialité d’actions et de projets pour nos humaines causes communes.
Ni la France ni l’Union européenne n’ont à s’aligner sur « un camp ». Elles ont par contre le devoir d’impulser des mécanismes de règlement et de prévention des conflits et des guerres, le dialogue, la coopération avec tous les pays, dont les pays s’inscrivant dans le projet des BRICS+. Elles pourraient, avec les opérateurs de l’Organisation des Nations unies, porter un projet neuf pour « une économie du et des communs » incluant sécurité sociale, culturelle, sanitaire, climatique et alimentaire. Au militarisme, fauteur d’insécurité, opposons dans l’action unitaire mondiale le projet d’une sécurité humaine et environnementale globale.
Patrick Le Hyaric
19 mars 2025
4 commentaires
Merci Patrick !
Totalement d’accord avec ton analyse et le projet qui tourne le dos a la course aux armements qui n’enrichira que les plus riches…
Ce qui se passe est terrifiant et nous hante jour et nuit.
Levons nous tous ensemble Ppeuples du Monde pour la Paix et la Vie !
Tellement juste.
La terre n’est ni bleue, ni orange, c’est une vaste plaie ouverte, elle meurt et l’humanité avec.
Mais où est donc passée notre intelligence.
Où sont passés ces ” peuples du Monde pour la Paix et la Vie”, tellement malmenés partout qu’il ne reste qu’une profonde dépression difficile à dépasser.
“C’est partout le bruit des bottes c’est partout l’ordre en kaki” chantait Ferrat, que cela puisse être encore d’actualité terrifie – comme dit Guilheu – et interroge sur nos capacités à résister et surtout imposer la “Paix sur Terre” et partout d’ailleurs.
Ta lettre hebdomadaire est précieuse, merci d’exister.
A bientôt te lire.
Rien sur les marches du 22 mars ? De beaux écrits mais dès qu’il s’agit d’unir la gauche de transformation sociale : rien. Une gauche de compromission avec le social libéralisme, tu me déçois beau. J’ai supprimé mon abonnement à l’humanité pour ces raisons.
Et dire qu’aux élections où JLM a été empêché par le PS d’être au deuxième tour, et que leur programme avait reçu l’appui du PRCF. Encore une fois les gauches ont fait capoter l’union des gauches et du programme (sans appui du PRCF), et pour quoi, parce que la FI leur a servi de bouée de survie qu’on jette en passant à côté d’un rendez-vous, oubliant qu’il faut savoir changer et prendre le virage (et l’argument du: le temps n’est pas encore mûr, n’est que de la démagogie).