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Désirer la paix, clamer
la paix, n’est pas prendre partie en faveur du terrorisme islamique du Hamas. C’est bien le contraire : si
les militants de la paix et du respect du droit international avaient été ces
soixante-dix dernières années écoutés, le Hamas n’existerait pas, et les
Palestiniens vivraient dans un État qu’ils construiraient, au côté de celui
d’Israël, partageant sans doute moyens de transport, eau, services de santé et
d’autres services publics. Ils pourraient voter et choisir leurs députés et le
président non plus d’une « autorité palestinienne », mais d’un État,
d’un pays avec une continuité territoriale. Seulement, dans les quartiers
généraux de Washington et de Tel-Aviv on a considéré qu’il était efficace de tirer
la cause palestinienne derrière le visage repoussant d’un monstre tueur. On
peut malheureusement penser que la nouvelle guerre de Gaza en fera prospérer de
nouveau qui n’ont que faire de la vie des enfants palestiniens et des enfants israéliens. On peut
condamner l’effroyable acte terroriste du Hamas tout en considérant que la
vengeance, cette espèce « d’obligation de tuer » de la puissance
occupante n’est pas un droit, mais se mue toujours en crime de guerre. Il
est commencé à partir du moment où le pouvoir de l’ultra droite israélienne
bombarde les bâtiments civils, les services publics, déplace massivement des
centaines de milliers de Gazaouis pour les entasser dans une étouffante et
mortifère impasse ; au moment où on les prive de nourriture, de médicaments,
d’énergie et d’eau. Les abominables crimes du Hamas, ne justifient pas de jeter
les enfants, les femmes de Gaza dans l’enfer ou sur de nouvelles routes de
l’exil. Il est urgent que les chancelleries du monde entier agissent pour une
désescalade et pour défricher les étroits chemins pour la paix. L’unité des peuples, des travailleurs, des
militants de la paix dans l’action sera décisive. Déjà de Jordanie, de
Syrie, d’Irak, du Liban, d’Algérie, du Maroc, d’Iran, du Pakistan, du Yémen, de
Malaisie, d’Afghanistan, du Bahreïn et d’Égypte, d’immenses foules condamnent les
accords dits « d’Abraham » souscrits sous le patronage de M. Trump
pour isoler les palestiniens. Elles refusent le crime de guerre en cours,
condamnent l’annexion et la colonisation de la Cisjordanie, l’exécution
sommaire quasi quotidienne de civils palestiniens par les colons, sous le
regard de l’armée israélienne, et les bombardements de Gaza. Les rues de New
York et de Washington, de Portland ou de Pittsburgh et de Londres, ont aussi
retenti des cris de la paix et de la justice dans de puissantes manifestations. Elles sont
interdites en France.
Vouloir manifester en France et en
Europe pour une initiative de paix et de protection des Palestiniens et des
Israéliens frontaliers de Gaza et du sud du Liban n’est pas soutenir le
Hamas. C’est se retrouver en compagnie du pape François,
d’Avraham Burg, ancien président de la Knesset, de
Dominique de Villepin, ou de prix Nobel pour obtenir le respect du
droit international et pour de grandes initiatives diplomatiques obligeant
Israël à s’assoir à une table de discussions avec l’Autorité palestinienne,
entourés des pays arabes, de l’Union européenne, des États-Unis, de la Chine.
C’est parce qu’il proclame son « soutien inconditionnel » au
pouvoir de Tel-Aviv que le gouvernement français interdit les manifestations
pour la paix.
Au-delà des habituelles figures de rhétorique convenue, il pourrait agir pour
une solution politique en s’appuyant sur un mouvement populaire pour la paix et
la justice dont tout le monde sait qu’elle passe par le droit des Palestiniens
comme des Israéliens à construire leur État, en lien avec un processus de
décolonisation.
Un tel mouvement populaire lui donnerait de la force à la table du Conseil de
sécurité de l’ONU, s’il en avait la volonté, et surtout s’il cessait de
s’aligner sur l’impérialisme américain et les faucons israéliens. Or, au sommet
de l’État français, on laisse faire la punition collective engagée par le
pouvoir israélien en dehors de toutes les règles du droit international,
particulièrement le droit humanitaire.
Plus généralement, l’Occident mise sur l’écrasement des Palestiniens en s’appuyant sur l’énorme service que vient de lui rendre le Hamas. Ce jeu est extrêmement dangereux. Il porte en lui les ferments d’une guerre régionale de haute intensité dont on ne connaît pas les limites. Agir pour la justice et la paix est donc un devoir.
Dès lors qu’une manifestation sous l’égide notamment du CRIF a été autorisée, on ne nous empêchera pas de considérer qu’il y a bien « deux poids – deux mesures ». Une tactique qui, au bout du compte, aboutit à soutenir le pouvoir israélien. Précisément le sort fait à la Palestine depuis tant d’années, soulève la question centrale de ce « deux poids – deux mesures » que contestent ceux que l’on désigne, désormais, les pays du « Sud global ».
L’application du droit international est de nos jours à géométrie variable, toujours en faveur de l’Occident capitaliste. Et, depuis plusieurs jours de multiples publications reprennent à propos de ces pays, qui ne supportent plus la domination du dollar et de l’OTAN, la théorie des conservateurs nord-américains, selon lesquels ils constitueraient l’« axe du mal »*. Cette thèse sert à justifier les restrictions de libertés, les dispositifs sécuritaires renforcés et, surtout, la militarisation de l’Occident, et particulièrement de l’Union européenne. Ajoutons que cette offensive idéologique se combine avec une multiplication d’articles et de déclarations accusant les gauches du monde entier d’être « antisémites ».
Il ne faut donc pas se tromper : ces campagnes acharnées contre des fractions de la gauche dans notre pays visent à paralyser et à diviser le bloc des gauches et des progressistes au nom d’un prétendu arc républicain alors que les forces d’extrême droite sont banalisées, ripolinées, maquillées par le grand capital qui ouvre journaux et télévisions pour ce faire, car, comme toujours, les extrêmes droites sont les béquilles et l’assurance-vie du système de domination capitaliste.
De même, on ne peut nous faire confondre l’impérieuse nécessité de l’action républicaine contre le racisme et l’antisémitisme, de l’indispensable rassemblement pour empêcher sur notre sol le terrorisme, les guerres de religion et la prolifération des intégrismes religieux, avec le projet « d’unité nationale », réitéré par le président de la République, pour faire accepter les sacrifices, des politiques antisociales profitant au capital, au surarmement et à la guerre, et à la colonisation israélienne, partie intégrante du capitalisme mondialisé.
Cela fait bien longtemps que les États-Unis et l’Union européenne auraient pu pousser à un processus politique conforme aux accords d’Oslo – deux peuples, deux États souverains, vivant en sécurité côte à côte –, en refusant les coopérations militaires et technologiques avec l’État d’Israël, en refusant l’achat de produits issus des colonies israéliennes, en contestant les énormes aides militaires des États-Unis. Les États membres de l’UE auraient pu aussi utiliser l’arme commerciale. L’Europe absorbe 35 % des importations israéliennes et les États-Unis, 30 % ; ils ont donc de fait favorisé la colonisation israélienne en fermant les yeux sur les violations permanentes du droit international au profit du marché capitaliste.
Il n’est pas trop tard ! Que l’Union européenne dise enfin qu’elle réduira ses importations d’Israël et mettra fin a l’accord d’association -Union européenne-Israël-, tant qu’un gouvernement de ce pays ne respectera pas le droit international bien loin des déclarations de soutien à la guerre contre les populations de Gaza, prononcées par la présidente de la Commission européenne Mme Von Der Leyen, sans mandat, vendredi dernier à Tel-Aviv**.
Les moyens politiques existent pour bâtir un projet de deux États vivant côte à côte dans la sécurité et la paix. Les actes politiques et diplomatiques des pouvoirs en Occident visent le contraire. Les peuples doivent donc se faire entendre.
À l’opposé des jeteurs d’huile sur le feu d’une guerre qui peut tout embraser, nous agissons pour la paix, qui demeure impossible sans justice. Cette dernière est la condition de la paix. Nous clamons la paix. Contre les interdits, on peut le faire entendre ensemble.
Patrick Le Hyaric
17 Octobre 2023
NOTES
* Voir, entre autres, la tribune de M Giuliani, président de la fondation Robert Schuman, dans le journal de droite L’Opinion du 10 octobre 2023.
** La présidente de la commission n’a pas compétence sur la politique extérieure de l’Union, qui relève du haut représentant pour les Affaires extérieures et du Conseil européen. Mme Von Der Leyen a déclaré qu’Israël « a le droit et même le devoir de défendre et de protéger sa population », approuvant de fait l’offensive israélienne contre Gaza.