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La décision du président de la République d’amplifier la contre-révolution sociale avec la loi dès 64 ans porte la crise politique et démocratique à son paroxysme. Il ne peut en être autrement tant l’ensemble des effets de sa politique est désormais rejeté. Mais, face à l’immense majorité des citoyens et la quasi-totalité des actifs, ce pouvoir isolé se coalisant avec les dirigeants de la droite utilise tous les artifices réglementaires des assemblées parlementaires et de la Constitution après avoir inséré cette loi dans un projet de rectification du budget de la Sécurité sociale. Face à une offensive aussi décomplexée contre la majorité du pays, on se demande légitimement dans quelle mesure une modification du régime n’est pas en cours. C’est la manifestation de la faiblesse du pouvoir au point qu’une partie de la bourgeoisie s’interroge, hésite sur les risques que font encourir les méthodes du pouvoir.
Le puissant rejet populaire de cette loi confirme l’étroitesse de sa base sociale qui s’est manifestée lors des élections présidentielles et législatives. À l’élection présidentielle M. Macron n’a rassemblé qu’à peine 20% des inscrits et n’a été finalement élu que pour faire barrage à l’extrême droite. Puis aux législatives, les électeurs lui ont refusé une majorité parlementaire. Et, le président du groupe « Les républicains » au Sénat, M. Retailleau a pu conclure les débats dans cette enceinte en s’écriant : « C’est notre loi », après avoir voté un texte auquel le gouvernement a ajouté en catimini, dans la navette parlementaire, un alinéa dit « 1bis » qui ouvre bien la voie au retour à un système de retraites par points et à la capitalisation. Autrement dit, un parti qui n’a obtenu que moins de 5% des voix à l’élection présidentielle fait la loi dans une assemblée qui n’est élue qu’au second degré. Ces coups de force sont révélateurs de l’empressement du capital à voir satisfait ses exigences par un personnel politique refusant tout débat, toutes contradictions, n’hésitant même pas à reconnaitre qu’il est ultra minoritaire dans le pays. Aucun argument de justice et de nécessité n’a pu justifier cette loi, réussissant à fédérer tous les syndicats contre elle. Au contraire un déluge de mensonges et de provocations a été déversé dans l’espace public avant qu’il ne soit retourné à l’envoyeur. Et n’oublions rien des brevets de respectabilité décernés à l’extrême droite. Celle-ci a fait sa part du travail en insultant en permanence les organisations syndicales. Une nouvelle fois, le Rassemblement national joue son rôle de béquille du capital et de roue de secours du système. Il le fait dans un nouveau contexte où tout est fait pour le rendre présentable, raisonnable comme l’expliquent des perroquets télévisuels. Bref, des cercles importants de la bourgeoisie l’envisagent désormais comme un recours et un barrage contre l’alternative démocratique et progressiste.
Il ne reste plus aujourd’hui qu’un seul moyen de sortir de l’ornière autoritaire dans lequel les fondés de pouvoir du capital ont plongé le pays : le lancement d’un grand débat démocratique portant sur le travail, la vie au travail, son utilité et son sens à l’heure des urgences climatiques et sanitaires, et un référendum sur le projet de loi gouvernemental. Le refuser démasquerait encore plus le visage anti-démocratique et antisocial du locataire de l’Élysée. Celles et ceux qui refusent cette loi n’ont aucune raison de céder. La profonde nature de classe de la contre-réforme pour pressurer encore plus le salariat et sans cesse réduire l’État social pour transférer toujours plus de richesses vers le capital privé ne doit pas être perdue de vue. Le recul de l’âge de départ en retraite vise à exploiter encore plus et plus longtemps les travailleurs et à ouvrir la voie à l’accès à la fin d’activité au travail sans pension complète dans le but de favoriser les retraites complémentaires c’est-à-dire les retraites par capitalisation et d’éteindre ainsi le conquis communiste de la libération de la retraite par répartition et dégager le chemin, d’un démantèlement de la Sécurité sociale. L’acharnement des macronistes et de la droite coalisée est tout autant motivé par la réponse aux marchés financiers qui font monter les taux d’intérêt et renchérir donc le service de la dette française. Autrement dit les représentants de la haute bourgeoisie laminent les conquis sociaux pour pouvoir verser au bas mot 20 à 30 milliards supplémentaires aux institutions financières à cause de la décision de la banque centrale européenne d’augmenter les taux d’intérêts des prêts que lève l’État.
Le capitalisme mondialisé financiarisé, aux prises avec ses immenses contradictions, a un besoin urgent d’amplifier la contre-révolution sociale et politique générale en cours. La loi des 64 ans en est l’une des briques s’ajoutant aux lois Travail et Pacte, à l’affaiblissement de l’assurance chômage, à la protection des firmes capitalistes jusqu’à octroyer aux citoyens en difficulté de maigres primes sur fonds public, afin de permettre aux grandes entreprises de ne pas augmenter les salaires. Pire, dans le cas des carburants, il s’agit d’une subvention déguisée aux majors du pétrole. Il en va de même avec le chèque alimentaire, si ne sont pas mises à contribution les centrales d’achat et les multinationales de la transformation agroalimentaire.
Plus le pouvoir se plie aux exigences du capital, plus il exacerbe la lutte contre les classes travailleuses. Pour parvenir à leurs fins, les mandataires de l’oligarchie capitaliste procèdent donc par coups de force. Voilà qui ne peut qu’élargir les fractures sociales et démocratiques et amplifier la crise politique, au point que les élites dirigeantes, utilisant la Constitution et le règlement des assemblées comme des boucliers, subissent une crise de légitimité de plus en plus profonde qui atteint désormais les institutions elles-mêmes. Le pouvoir exorbitant du président de la République, initiateur de la loi des 64 ans, est contesté parce qu’il est en décalage total avec l’élévation des exigences démocratiques. D’autant que le présidentialisme ne fonctionne que dans un sens. On a vu comment le pouvoir a été pris à son propre piège quand l’intersyndicale a demandé par écrit au président de la République d’être reçu pour débattre avec lui. M. Macron a agi à la manière que Ponce Pilate, s’en lavant les mains, renvoyant les débats à son gouvernement. Ce même gouvernement qui n’a cessé de mentir, de chercher des alliances avec la droite et de procéder par coup de force et qui, une fois ses basses œuvres accomplies, sera renvoyé par le prince.
Le quatuor chargé de promouvoir et de défendre cette loi, la Première ministre, le ministre du Travail, le porte-parole du gouvernement et le ministre des Comptes publics, toutes et tous issue du Parti socialiste, ne semble avoir aucune honte à écouter Retailleau et Ciotti s’écrier : « C’est notre loi ». Il était aussi instructif que stupéfiant et piquant d’entendre un député socialiste poser au ministre du Travail la même question que celui-ci posa à M. Woerth en 2010 pour s’insurger contre le recul de l’âge de la retraite à 62 ans. Treize années se sont écoulées et les voici dans la même coalition contre les travailleurs pour porter l’âge de la retraite à 64 ans. Voilà les ingrédients d’un fumier en décomposition avancée sur lequel peut se développer le pire si l’unité syndicale et l’unité de la gauche ne font pas ensemble rempart tout en aidant nos concitoyens à défricher un débouché politique progressiste. Tel va être le choix : se laisser glisser dans le schéma nauséeux qui affecte désormais tous les pays occidentaux, où trouver les voies nouvelles pour une transformation sociale et écologique progressiste de la société, en puisant dans l’histoire française du mouvement ouvrier et les aspirations des mobilisations actuelles.
Le grand saut démocratique à accomplir vise à la fois à porter une Nouvelle République sociale et démocratique et de rendre les travailleurs souverains sur leur travail et la production. Un nouvel âge de la démocratie va de pair avec le progrès social. Il va aussi de pair avec la transformation écologique de nos systèmes de production. Il n’y a pas de sécurité humaine sans porter ce triptyque : révolution sociale, révolution démocratique, révolution écologique. Le puissant rejet de la contre-réforme des retraites prend sa source dans des décennies d’adaptation de la France au capitalisme financier mondialisé. Une adaptation qui s’est traduit par le transfert de plus en plus de richesses du travail vers le capital, la privatisation, la marchandisation et la mise en concurrence des travailleurs, des territoires et des pays, l’entrée en application des traités européens et des traités de libre-échange visant la libre circulation du capital et des marchandises. Cette logique portant en elle toutes les insécurités, toutes les précarités, nourrissant une spirale d’aggravation des inégalités.
Or il n’y a pas de majorité populaire en France pour un tel programme. Une autre voie que celle du service au capital existe avec l’augmentation des salaires, la création et la sécurisation des emplois, l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, la mise à contribution des revenus financiers du capital. Deux choix s’affrontent. Des choix de civilisation. C’est l’une des raisons pour lesquelles le combat pour empêcher le recul de l’âge de départ en retraite devient un combat politique majeur. Il concentre en son sein toutes les souffrances des classes populaires. Et son injustice saute aux yeux : les milliardaires accumulent toujours plus de milliards et les profits sont au zénith quand les foyers populaires sont contraints aux privations et que les guerres et les bouleversements climatiques ajoutent une insécurité terrible aux insécurités de l’emploi et de revenu ou celle concernant l’avenir des enfants ou petits-enfants. Ce n’est pas la destruction de la Sécurité sociale qui doit être mise à l’ordre du jour, mais au contraire un projet neuf permettant d’assurer une sécurité de vie pour chacune et chacun. Celle-ci doit se combiner avec un grand projet de sécurité environnementale. Elle appelle la maitrise du travail, de la formation et de la production par les travailleurs eux-mêmes. L’intérêt général se situe de ce côté.
Patrick Le Hyaric
14 mars 2023
3 commentaires
La vérité bonne demeure qu’une certaine réparation sociale de la France et de l’Union Européenne a été, est demandée, de grande élection en grande élection, et au quotidien, par un grand nombre de personnes de bonne foi ; notamment entre 2007 et 2023.
Si ce qui s’énonce clairement, ce conçoit aisément ; l’alternance inédite en partie faiblit de façon inquiétante tant elle ne dit pas de façon claire la bonne vérité sur l’extrémisme en France et dans l’Union Européenne. L’alternance inédite ne parle pas assez vrai de l’extrémisme et rendre respectable pour du respect pour le respect à une part d’absurdité qui peut entraîne des conséquences graves comme selon ce qui se dit actuellement une crise administrative française jusqu’à présent réduite par une bonne politique informatique et numérique pour les entreprises et les grands organismes. L’absence de respectabilité que recueille l’extrémisme est faite d’extrémismes pas bien respectables, et de déséquilibres irresponsables et de problèmes de santé psychologiques sur fond de manque ou d’absence de suivi.
Les politiques françaises même avec ce qu’elles ont de bon, sont insuffisance pour arriver à l’intégrité de la population nécessaire, indispensable, pourtant.
Les citoyennes et les citoyens sont nombreux à ne plus pouvoir évaluer en raison de la pandémie et de la guerre et de leurs incidences et conséquences la présidence au titre de l’alternance inédite ; mais nous arrivons rapidement à évaluer ensemble que la culture savante et la culture marchande, même avec ce qu’elles ont de bien et d’utile, ont échoué non seulement pour qu’il n’y ait plus de guerre comme ce fut affirmé après la seconde guerre mondiale ; mais aussi pour qu’il y ai la meilleure réalisation de la révolution sociale perpétuelle qui fait partie de toute révolution d’art. Soixante ans de retard, comme je dis toujours. Il fallait, il faut, la culture vivante populaire majeure ; sans la culture vivante populaire majeure rien d’assez bien n’a été, n’est possible ; et des crises ne sont pas assez réduites et peuvent s’aggraver justement en raison de l’extrémisme très mal présenté pendant cette alternance inédite ; la France et l’Union Européenne sont exposées à un risque d’effondrement avec ces crises toujours à risques pouvant s’avérer fatal si elles empirent au lieu de disparaître.
A quand la demande d’abrogation de la loi Sarkozy : “TRAVAILLER PLUS POUR GAGNER PLUS” qui, concernant les décotes, constitue un véritable vol d’Etat !
En effet, les travailleurs(ses) et surtout les femmes qui n’auront pas pu cotiser tous les trimestres nécessaires pour avoir une retraite complète, se retrouveront déjà avec une toute petite pension. Pas de cadeau !!! Alors pourquoi leur infliger cette punition financière que je qualifie VOL D’ÉTAT !
Tiens, une coquille !
Dans “toutes et tous issue du PS”
L’excellence de ce blog en matière d’expression française serait-elle mise à rude épreuve par l’écriture inclusive 🙂 ?
Plus sérieusement, comment peut-on espérer du gouvernement qu’il respecte les français et prenne en compte leur bien-être, alors qu’on constate quotidiennement son action mortifère contre les services publics, contre l’industrie française, contre une diplomatie équilibrée et humaine… et pour le seul bien des capitalistes apatrides voyous et des marchands de canons (essentiellement étatsuniens) ?
A la remorque de ses patrons à Washington, l’homme des urgences et des banquiers oeuvre au chaos. Jusqu’au dernier ukrainien, jusqu’au dernier européen. Des français, il ne veut que la sueur et le sang. Et leurs bas de laine, bien sûr.