Un poison brun infeste…

le 3 mars 2020

Des manifestants brandissent des photos de certaines victimes de l'attentat raciste de Hanau, le 21 février (Odd ANDERSEN/AFP)

Il coule dans les veines du continent européen un venin de couleur brune comme si aucune leçon n’avait été retenue de l’histoire. Il se répand dans tous les pays jusqu’à nos pieds. Quelques semaines seulement après la tentative d’alliance entre la droite de la démocratie-chrétienne et l’extrême-droite allemande pour faire battre le président de gauche de la région de Thuringe, l’Allemagne vient de subir une des attaques racistes et xénophobes parmi les plus meurtrières depuis 1945. Cet attentat terroriste allonge une liste déjà trop longue d’actions et de crimes de la peste brune dans ce pays. Qui aurait pu penser, il y a encore à peine une dizaine d’années, que ces démons resurgiraient au cœur de ce pays qui a tant souffert et tant fait souffrir du nazisme ?

Le poison raciste et fascisant nourrit le bras de ces fanatiques extrémisés. Les conditions de la réunification de l’Allemagne doublées de campagnes anti-communistes ont créé un terreau fertile. S’y sont ajoutés toutes les contre-réformes du travail, le développement de la pauvreté et des travailleurs pauvres. Tracer un trait d’équivalence entre  la gauche de « Die Linke » et le parti d’extrême droite fut tout aussi catastrophique au point de libérer, dans un contexte de crise démocratique et politique, des pulsions extrémistes. Les mêmes phénomènes sont à l’œuvre dans toute l’Europe où la destruction des conquis sociaux, dont les systèmes de retraite, la précarité du travail, les délocalisations d’entreprises, les campagnes contre les réfugiés et les immigrés, la stigmatisation de la religion musulmane et la progression de l’antisémitisme se combinent avec les combats pour effacer les forces de transformation sociale et démocratique de l’espace public. Qu’on le veuille ou non, sous les mots « communautarisme» ou « séparatisme », on montre du doigt une partie de la population, et on injecte à dose constante un poison qui peut devenir mortel. La course des droites et d’autres vers les thèses des extrêmes-droites n’a fait que la renforcer. Et en restreignant drastiquement le droit d’asile, le gouvernement allemand n’a fait que les valider.

Que peut bien provoquer dans un tel contexte d’étouffement de la démocratie, de mépris de la gauche parlementaire jusqu’à suggérer son impuissance, la marche forcée imposée pour une contre-réforme des retraites non inscrite dans le programme présidentiel et qu’une majorité de la population refuse ?

Au début du salon de l’agriculture, le président de la République a distribué des heures durant moult paroles laissant croire qu’il se plaçait du côté des paysans et des consommateurs. Mais à aucun moment, il n’a eu la franchise de dire qu’il laisse, en ce moment même, discuter à la Commission européenne et au Parlement européen un projet de « réforme » de la politique agricole commune qui va à l’encontre de ses belles paroles. Jamais non plus il ne leur a dit qu’il laissait cette même Commission européenne discuter d’un projet d’accord de libre-échange avec l’administration nord-américaine, lequel bradera les normes sanitaires, environnementales et sociales. Voilà qui ne peut que nourrir le ressentiment et le rejet de la chose publique et alimenter l’extrême droite. Toute la stratégie du chef de l’Etat pour sa réélection vise à faire monter le pire pour se placer en garant de la République. En fait en garant du capital ! Ce projet est dangereux. Il fait progresser ce que l’on prétend combattre. Une stratégie intelligente de la gauche de transformation, une grande bataille d’idées et des actes nouveaux vont être indispensables pour assécher ce venin qui infeste le continent.


1 commentaire


chb 5 mars 2020 à 9 h 47 min

« Le poison raciste et fascisant nourrit le bras de ces fanatiques extrémisés », hé oui, en Israël aussi.
Et en Ukraine.
Et en France ? où le régime macronien, qui a cru malin de louer le Pétain de Verdun, instrumentalise lui aussi le séparatisme après s’être octroyé l’Elysée en (faux) rempart contre Lepen. Vous le notez fort à propos.
Et voilà que, comme dans les années 30, c’est la crise économique mondiale qui, accompagnée de tambours de guerre, reconstitue le « terreau fertile ». Une « gauche intelligente » ne s’y fera pas sans reconnaître l’inanité d’un accommodement de classe avec le socialisme ultra-libéral (la bourgeoisie menchevik?). Notre gauche rêvée, internationaliste évidemment, reconnaîtrait l’OTAN pour ce qu’elle est : un instrument criminel de l’impérialisme. Elle romprait avec les diktats de l’UE, tant sur la PAC que sur la privatisation de la Sécu.
Du coup, on pourrait cesser de diaboliser et sanctionner à tout va. On n’aurait plus besoin de plaindre et protéger les succursales d’al Qaeda (à Alep, et maintenant Idlib), de se pincer le nez devant Poutine, Xi, al Assad et Maduro.

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