Un bien commun humain

le 24 février 2015

SIA

Le succès du Salon international de l’agriculture ne se dément pas. Il reste ce lieu unique au monde, à la fois espace de rencontre et de fête, vitrine de notre agriculture, du travail  et des  spécificités régionales, de la recherche et de l’alimentation. Les citadins y viennent en masse et en famille pour humer l’air des terroirs et découvrir chaque année un peu plus cette alliance entre la recherche, les progrès technologiques, numériques et la production agricole et alimentaire.

 

En venant ainsi nombreux visiter le Salon peut-être un certains nombre d’entre eux font part de leur crainte de voir disparaître un formidable patrimoine alors qu’en une décennie le nombre des petits agriculteurs a diminué de 350 000. En effet derrière cette vitrine se cache  beaucoup de souffrances quand on pense aux fermetures d’exploitations agricoles, au surtravail et au surendettement que subissent nombre de familles paysannes, au revenu trop bas pour la grande majorité , dû à des prix à la production ne couvrant pas les coûts et charges. Les orientations impulsées depuis plusieurs décennies, faisant des agriculteurs de simples extracteurs de matières premières, devenues marchandises dont le prix est décidé dans quelques grandes bourses mondiales, où la spéculation dicte sa loi, sans tenir compte ni de la vie et de la qualité des sols, des différences climatiques,  des traditions  et des diversités alimentaires et culturelles, mais surtout de la santé humaine et animale nous mènent dans de douloureuses impasses.

 

Les progrès techniques pourraient, aujourd’hui encore plus qu’hier, permettre d’alléger la peine des hommes, d’améliorer l’environnement et d’ouvrir de nouvelles possibilités  pour affronter les défis nouveaux auxquels  est confrontée l’humanité. Or, le travail paysan est devenu toujours plus intensif, dangereux avec l’utilisation de produits phytosanitaires dont les paysans sont les premières victimes. On ne connaîtra  sans doute les effets néfastes de cette agrochimie à outrance que dans une génération. Mais déjà des alertes existent. Et la prise en main d’une grande industrie capitaliste sur l’alimentation porte en elle de multiples risques. La nourriture est de plus en plus traitée comme une simple marchandise, transportée souvent sur de longues distances, et désincarnée du vivant. La tentative de  double industrialisation de la production agricole et de la valorisation agro-alimentaire  prépare les usines à lait et à porc de demain pour des repas « fast-food » traités par des multinationales de la nourriture rapide. L’uniformisation culturelle accompagne l’uniformisation alimentaire.

 

Il y a très longtemps les êtres humains utilisaient pour leur consommation sept mille espèces végétales différentes parmi les trente mille consommables.  Aujourd’hui ce ne sont plus que  trente espèces qui fournissent la quasi-totalité des calories à base végétale consommées dans le monde. Et l’utilisation des techniques de modification génétique appauvrit sans cesse notre biodiversité comme la sélection animale réduit plutôt le nombre de races au lieu d’améliorer chacune d’elles à partir de leurs caractéristiques  initiales adaptées à leur  terroir  d’origine. Le modèle industrialisé de production agricole et alimentaire, dans le cadre d’une économie capitaliste globalisée ne garantit en rien la sécurité alimentaire de neuf milliards d’êtres humains demain. Encore moins la santé humaine à terme. Cet enjeu de la santé et des équilibres environnementaux  est bien  trop sous-estimé dans le débat public et politique. Au contraire la politique agricole européenne ou américaine n’a pour souci que de mettre en œuvre un modèle de production alimentaire pour une nourriture pesant moins dans les budgets familiaux au profit du coût du logement, mais surtout pour ne pas avoir à augmenter les salaires et les prestations sociales. C’est la raison essentielle de destruction des prix de base fixes au profit de prix décidés par la main invisible du marché sourd et  aveugle aux conditions de production, à l’environnement, à la vie humaine.

 

Si le projet de traité transatlantique voyait le jour, cette orientation serait considérablement aggravée avec de redoutables conséquences sur la qualité alimentaire. C’est le respect des souverainetés alimentaires dans le cadre d’un nouveau type de coopération qui peut permettre d’assurer  la sécurité alimentaire de chaque peuple. Le projet d’un processus de transformation vers un  modèle agro-écologique est un atout  à la fois pour permettre à l’agriculture de s’adapter aux effets des changements climatiques tout en contribuant à la diminution des émissions de carbone. Une meilleure gestion des sols, un combat sérieux contre les gaspillages alimentaires et des moyens incitatifs pour modifier les méthodes et les  systèmes de production plus économes en engrais,  produits chimiques et en eau constitueraient des atouts considérables pour réduire ou faire cesser les modifications climatiques.

 

Il y a bien un projet du gouvernement en ce sens mais il est contredit par d’autres décisions comme celles d’autoriser, la semaine dernière, l’agrandissement des élevages avicoles et porcins, de donner des primes à la vache allaitante pour des troupeaux plus  importants qu’auparavant,  après l’autorisation  des fermes de mille vaches ou de veaux et celle votée au Parlement européen de permettre à chaque Etat d’autoriser la culture des OGM.

 

Or, le développement technologique permettrait aujourd’hui de revenir à des systèmes de production plus durables, respectueux de l’environnement, participant à la lutte contre le dangereux réchauffement climatique. La condition est la mise en place de prix de base rémunérant correctement le travail paysan tout en améliorant le pouvoir d’achat des salariés et les prestations sociales. Une autre logique, une autre cohérence que celles qui sont à l’œuvre aujourd’hui.

 

Puissent les rencontres et les débats à l’occasion du Salon de l’agriculture poser les enjeux liés à l’agriculture et l’alimentation en termes totalement nouveaux. C’est un nouveau projet mondial qui devrait être mis en débat afin d’affronter les grands défis de la sécurité alimentaire mondiale, en lien avec les souverainetés alimentaires des continents combinées aux coopérations indispensables, de la qualité de la nourriture dans toutes ses dimensions, de la valorisation des territoires  et des paysages en lien avec de nouveaux équilibres « villes –campagnes », le respect des biodiversités et la valorisation du travail. En définitive la production agricole et agro-alimentaire devrait être plus pensée à partir des besoins humains et de la santé  et non plus à partir des projets et des espérances de profits de l’agro-buissnes. Ceci concerne chacune et chacun.  L’heure est venue de rechercher un nouveau système agricole économiquement efficace et  viable, socialement juste, et écologiquement durable et sain. L’alimentation ne peut être considérée comme une marchandise mais comme un bien commun humain.


6 commentaires


Le.Ché 24 février 2015 à 13 h 53 min

Il faut revenir à une agriculture raisonné ou raisonnable, ce qu’on appelle aujourd’hui une agriculture “bio”.
Comme le disait José Bové, il faut revenir à des fermes de 50 hectares
pas plus, faire de la polyculture de manière à faire une rotation des terres afin de protéger les sols et de mettre un minimum d’engrais, mais de l’engrais naturel.
C’est la seule façon de revenir à une agriculture saine et de recréer des emplois en agriculture.

pellizzoni 24 février 2015 à 15 h 21 min

ce qui me scandalise c’est qu’au salon de l’agriculture on a pu voir à la télé les enseignes des grands supermarchés en concurrence avec les agriculteurs et les producteurs artisanaux, cela ne devrait pas être permis, c’est tout simplement défier toute la production artisanale et inviter le simple consommateur à se procurer la marchandise que dans les grandes surfaces

Michel Berdagué 24 février 2015 à 16 h 30 min

Oui une agriculture et de l’ élevage production laitière et viande à l’ échelle humaine , mais il y a d’ immenses progrès à faire en développant les CUMA en particulier et toute la solidarité , les mises en commun de matériels et d’ entraide .Depuis des dizaines d’ années le piège de la modernisation avec l’ achat individuel de matos plus gros les uns que les autres , a été avec la disparition de familles entières dans nos villages avec des fermes s’ agrandissant en surface par disparition de collègues voisins proportionnelles avec le paysan se retrouvant souvent seul et obligé d’ emprunter avec le Crédit Agricole pour acheter encore plus de matériel compensant ? les bras manquants . Or il existe cette mise en commun de matériels et avec une autre mentalité , qu’ individualiste , de solidarités et avec l’ appui de communes , beaucoup de vies et de dynamisme retrouveraient le chemin des champs . Une sacrée révolution est à faire dans l’ approche de la production agricole où les grands groupes de semences d’ engrais de chimie arrosent les campagnes de leurs produits uniques et souvent toxiques pour la santé à court moyen et long terme . Ce n’ est pas étonnant que les fermes à mille veaux vaches cochons et autres poulets de batterie infectes voient le jour ou si peu , éclosent par ci par là : le profit pour ces investisseurs bientôt côtés en bourse et avec des parachutes et autres golden hello des saigneurs de manants . Pour les gueux des villes en recherche pénible de taf ou encore ceux qui en ont un privilégiés , l’ individualisme des champs les gagne alors que tout passe par la Lutte des paysans et des ouvriers avec leurs symboles pour entamer une Révolution gagnante : la gestion et la propriété collectives des banques devenues publiques et de reconsidérer cette B.C.E./U.E. pour ceux qui travaillent la terre comme pour toutes et tous les producteurs e richesses . Si le capital financier n’ est pas dans les mains calleuses , rien ne se fera : les rapaces continueront comme des vautours à voler dans les campagnes et les corbeaux dans les villes . Et dire que La Terre a disparu …comme dit André Chassaigne , c’ est triste .

Redon Georges . 24 février 2015 à 18 h 36 min

Un beau texte label rouge ( et vert ) qui devrai rassembler beaucoup de monde car , oui, l’agriculture nous concerne tous .

echard 28 février 2015 à 20 h 16 min

le salon de l’agriculture j’aurai voulue y aller car il y avait des standes de la gastronomie de province, mais quand j’ai vue que le salon de l’agriculture à été récupérer par les membres des parti politique pour faire de la propagande en fin d’électorale j’ai décidé de ne pas y aller on ne fait pas de la propagande surtout quand on c’est dans quel situation se trouve les agriculteurs et la souffrance qu’ils endurent beaucoup dans quelques temps seron obliger de vendre pour laisser la place à quoi à une exportation étrangère il y à assez il faut du changement en France

site web 13 mars 2015 à 18 h 16 min

Billet pertinent, que je m’en presse de partager

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