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Le procès historique de France Télécom aura contribué à lever le voile sur les immenses dégâts du management néolibéral et les contraintes terribles qu’il fait peser sur le travail humain. Il appelle aussi à tirer enseignement des processus de privatisations, de recherche de la rentabilité pour satisfaire de voraces actionnaires privés et des stratégies poussant les entreprises dans le feu roulant de la guerre économique.
Le voile peine pourtant, près de 20 ans après ces faits sordides, à se lever sur l’ensemble du monde du travail. La perte de sens du travail humain, les doutes qui pèsent sur sa finalité à l’heure du capitalisme financiarisé avec ses exigences de rentabilité, ont pour corollaire une violence terrible qui touche aussi bien les cadres soumis à un stress croissant que les employés et ouvriers menacés dans leur intégrité physique.
On en oublierait que la condition ouvrière en 2019, oblige à vivre avec la menace d’une mort au travail. L’assurance maladie a recensé 530 accidents mortels en 2017 sur les lieux de travail du seul secteur privé, dont 66% ont touché des ouvriers. Ce chiffre ne prend en compte ni les nombreux suicides imputables aux conditions de travail, ni les décès sur les trajets. Ni les conséquences des expositions aux fortes chaleurs des ouvriers de voirie ou du bâtiment ou le maniement des produits toxiques. Restent également dans les limbes de la statistique les milliers d’accidents du travail qui ont eu pour conséquence un handicap souvent très lourd. C’est donc une hécatombe silencieuse qui s’abat sur la France chaque année, sans que l’État ne daigne prendre la mesure du phénomène. Aucun travail statistique, encore moins de prévention, n’est réellement mené et l’Assurance maladie ne comptabilise le sinistre que dans l’optique d’une indemnisation, limitée au secteur privé. Autrement dit, l’État laisse un peu plus en jachère son flanc social pourtant reconnu dans le bloc de constitutionnalité.
Le problème est lourd et manifestement structurel. Le député communiste Pierre Darrhéville s’est inquiété dans un important rapport de l’inaction de l’État, du manque de travail statistique et d’anticipation des risques dans l’industrie aujourd’hui largement atomisée dans des entreprises sous-traitantes. Comme si, sur ce sujet crucial, la responsabilité sociale des entreprises n’était pas engagée. Encore moins celle des actionnaires et du capital qui poussent à une réorganisation du travail dans de nombreux secteurs, jusqu’à inciter massivement aux contrats précaires, notamment aux contrats d’intérim et à saborder le droit du travail et les instances du personnel censées contrebalancer le pouvoir patronal. C’est du reste cette volonté patronale que M. Macron s’est employé à exhausser dès son accession au pouvoir avec ses ordonnances létales qui amplifient le rapport inégalitaire entre le capital et le travail et entérine le statut d’auto-entrepreneur – dont on apprend qu’il expose plus encore les travailleurs aux dangers de leurs métiers, surtout s’agissant des transporteurs, de personnes ou de marchandises, laissés sans protection sous la pression du marché concurrentiel féroce.
Le travail en souffrance mène à la souffrance au travail. Le chantier à lancer est énorme pour penser l’activité humaine productive à l’aune des enjeux sociaux et environnementaux, pour penser une autre répartition des richesses et du temps de travail et un rôle nouveau des travailleurs dans l’entreprise, avec des pouvoirs de décision sur la production et l’organisation du travail.
De même, la menace du chômage qui pousse au chantage à l’emploi précaire, mal payé et dangereux pourrait être levé par un droit à la formation tout au long de la vie, susceptible de promouvoir l’intelligence au travail et la pleine maitrise par les travailleurs de leur fonction dans l’entreprise. D’autant que le système d’insécurité sociale se double en France d’une mise au travail extraordinairement dure avec des objectifs de rendement toujours plus excessifs dans un pays où la productivité horaire est pourtant l’une des meilleures au monde.
Ce chantier nécessite un nouveau rapport de force contre le pouvoir exorbitant du capital qui contraint les Etats insérés dans la mondialisation capitaliste à se délester, par un usage démesuré du droit de propriété, de toutes leurs missions sociales. Le scandale des morts au travail pourrait être le levier d’une ample réflexion et mobilisation pour promouvoir le travail humain et écologique dont notre humanité a urgemment besoin.
1 commentaire
La souffrance au travail fait des ravages depuis des décennies dans le secteur privé comme dans le secteur public. La maladie, l’invalidité c’est une mort professionnelle. La CGT n’en pas pris la mesure. Le mal être se vie dans la sphère privée et la retraite pour incapacité professionnelle c’est l’indigence. Comment réparer cette ignorance et les conséquences sur les familles.