- Views 490
- Likes 0
Par Patrick Le Hyaric
Il faudra des semaines et peut-être des mois pour que les nombreux citoyens, les agriculteurs, les entreprises, les commerces, retrouvent leur visage défiguré, souillé, saccagé par l’indomptable marée d’eau douce, alimentée par cet incompréhensible ciel de mai.
Le reflux risque d’être aussi inquiétant que les crues. Dans les zones atteintes, l’ampleur des pertes, des dégâts, des destructions est considérable dans les maisons, les écoles, comme sur les lignes SNCF, les routes et autoroutes, dans les ateliers et bureaux, chez les artisans ou commerçants.
Aux pertes matérielles s’ajoutent, pour quelques familles, le deuil de la disparition d’un proche et des blessés. Pour d’autres, beaucoup plus nombreuses, la perte d’objets personnels vient effacer les traces intimes de toute une vie. La belle entraide, la solidarité qui se manifestent, participeront à la nécessaire reconstruction matérielle et psychologique.
Les compagnies d’assurance doivent être mobilisées rapidement. Les banques doivent ouvrir la possibilité de crédits gratuits aux petites entreprises, aux artisans, commerçants et agriculteurs qui en ont besoin pour faire repartir leur activité, comme aux particuliers qui doivent reconstruire.
Une fois de plus, les services publics et les élus locaux, avec les agents communaux se sont portés en avant de cette solidarité pour protéger des familles, les héberger, leur apporter aide matérielle et réconfort.
Une fois de plus, cette douloureuse actualité démontre leur utilité et l’ineptie des coupes budgétaires qu’ils subissent au nom de dogmes comptables qui n’ont rien à voir avec la vie réelle.
Alors que nous subissons les affres de la météorologie, le Président de l’euro-groupe a enjoint notre pays à serrer encore la vis de l’austérité. Les actuelles rebuffades de la nature soulignent l’incompatibilité majeure entre ces politiques de restrictions budgétaires, l’affaiblissement du rôle des collectivités locales et la nécessité de protéger les populations, de faire fonctionner l’économie en sécurité, de préserver l’environnement.
Pour éviter de tels dégâts, il faudrait développer la prévention, qui implique de préserver les zones humides, d’entretenir nos canaux, fleuves et rivières, d’y entretenir les digues, de construire des bassins de rétention ou de dévoiement pour protéger les habitations. De cela, tous les dirigeants politiques ou presque en parlent quand la catastrophe s’étale sur tous les écrans. Puis, plus rien jusqu’à la suivante ! Cela devient insupportable !
Ce sont les élus locaux avec les populations qui connaissent le mieux les besoins. A force de prétendre faire des économies, ce sont des sommes considérables qui sont perdues par les catastrophes naturelles, dont il semble bien qu’elles pourraient être de plus en plus fréquentes et violentes.
Ces vingt-cinq dernières années, elles ont coûté 44 milliards d’euros. Des études prévoient qu’elles puissent atteindre près de 100 milliards d’ici 2040 ! A ceci devrait être ajoutés les effets secondaires de telles catastrophes sur l’environnement et les sols.
Il a fallu l’action des maires pour qu’enfin le président de la République reconnaisse que le garrot appliqué aux communes était trop serré. Il vient, à l’occasion du congrès des maires, de le desserrer à moitié, en restant très loin des ponctions et transferts effectués pendant des années. Les actions inlassables des syndicats, d’enseignants, des intermittents ou des jeunes ont permis d’obtenir également des engagements d’amélioration. C’est la reconnaissance implicite que les choix d’austérité sont inefficaces et néfastes. Mais il faut aller plus loin et sortir de l’engrenage austéritaire mortifère.
L’efficacité économique y commande, comme les investissements indispensables pour faire face aux modifications climatiques dont des spécialistes montrent qu’elles ont leur responsabilité dans les intempéries de ces derniers jours.
De même, le pouvoir doit cesser d’être sourd au refus majoritaire de la loi de précarisation du travail. Il peut suspendre le débat parlementaire sur le texte et relancer une discussion sur un droit du travail moderne, dont ont besoin les salariés, au moment où les gains de productivité du travail augmentent, que la révolution robotique et numérique va encore bouleverser bien des choses, soit en allégeant la peine des travailleuses et travailleurs, soit, au contraire, en augmentant le chômage et la précarité. Tel est l’enjeu. Il appelle d’inventer un système de sécurisation des parcours professionnels et de formation.
Tout commande non pas d’aller toujours plus loin dans la régression sociale, mais au contraire de se hisser au niveau des enjeux environnementaux et sociaux de notre temps en inventant un nouveau système pour le bien commun.
Les rivières qui sortent de leur lit nous le rappellent ! La solidarité doit être plus forte que l’austérité.