Relancer ? Non : refonder !

le 15 juillet 2020

(AFP)

Le 14 juillet est désormais le contraire de sa signification profonde. Cette fête de la prise de la Bastille, date symbole de la fin de la monarchie absolue et de la souveraineté populaire, est accaparée par un président monarque qui distille ses orientations avant même la déclaration de politique générale du premier ministre. Fête de l’égalité, elle est bafouée par le refus d’une nouvelle fiscalité permettant de progresser vers la justice, maquillée par le refus « d’augmenter les impôts ». Elle est la fête de la liberté alors que les libertés sont chacune mises en péril. Elle est la fête du peuple alors que le président est caché derrière un défilé militaire. Et l’événement, annoncé à grand renfort de trompettes médiatiques, n’accouche que d’un entretien lors duquel le président aura cherché à faire oublier ce qu’il racontait il y a tout juste quelques semaines.

Le sujet, on l’aura compris, était la « relance ». Le pouvoir, accompagné par la cohorte d’éditorialistes stipendiés, n’a que ce mot à la bouche. On comprend bien leur intérêt : tout doit repartir dans les conditions qui précédaient la crise sanitaire. Avec les mêmes avantages indus, les mêmes inégalités, le même pouvoir actionnarial, la même fiscalité. Pire, la crise doit être le levier d’un approfondissement de toutes les caractéristiques du modèle de développement néolibéral. Il ne s’agirait donc que de « relancer la machine », après que les mesures de chômage partiel aient, heureusement, soutenu la rémunération des travailleurs mais aussi gelé une grande partie de la force de travail mise à disposition du capital. Il est loin d’être acquis que les français, échaudés par ces mois de confinement et spectateurs d’une débâcle économique et d’un tsunami social, s’en satisfassent.

Le président de la République aura incidemment lâché sa vérité . Pour pallier à l’hémorragie sociale qui produit déjà ses ravages, il faudra, dit-il, « créer des emplois dans les secteurs dynamiques ». Autrement dit dans les secteurs à forts rendements pour le capital. On comprend donc qu’il ne s’agira en aucun cas de répondre aux besoins humains et écologiques, à organiser la production, à réindustrialiser le pays, mais à laisser faire le marché capitaliste, à épouser sa dynamique morbide. Ce même marché dont le président s’est félicité que ses actionnaires, baptisés « investisseurs », aient trouvé en France un terrain propice grâce à une fiscalité toute dédiée. Pas question donc de modifier le système fiscal de telle sorte que l’effort soit partagé. Non ! Dans le champ fiscal comme dans tant d’autres, il faut que le jour d’après soit copie conforme du jour d’avant. En pire évidemment, puisque les salariés des multinationales devront, elles et eux, admettre une baisse de salaire pour pouvoir garder leur emploi.

Sous pression populaire, le pouvoir a dû consentir à une hausse de salaire des agents hospitaliers. Pour autant leur rémunération restera la plus basse de l’OCDE, ce qui témoigne de l’inacceptable situation qui leur était faite sous les ricanements du pouvoir. Mais l’urgence de plier en quelques jours ce « Ségur de la santé », laissant au passage en suspens les investissements nécessaires à la rénovation du secteur de la santé publique, cache la volonté de mettre sous le tapis l’ensemble des revendications salariales qui montent dans de tant de métiers, particulièrement ceux qui montrèrent leur importance décisive au cœur du confinement. Au lieu d’une conférence générale sur les salaires qui aurait porté les débats sur le partage de la valeur ajoutée des grands groupes, le gouvernement laisse les entreprises user d’un chantage à l’emploi rendu possible par les « accords de performance collective » institués, en toute cohérence, par la refonte ultralibérale du code du travail au début du mandat de M. Macron.

Ainsi, pour les entreprises les plus exposées aux contrecoups de crise sanitaire, dans l’aéronautique avec une filiale de Derichebourg, ou dans l’automobile avec l’équipementier Valéo, l’Etat a mis en place l’outil parfait pour laisser place au chantage à l’emploi : soit la porte, soit une baisse de salaire évidemment maquillée de « dialogue social ». Où sont l’interventionnisme tant promis par le ministre de l’économie, et le « quoi qu’il en coûte » du président ? De vains mots pour faire accepter la mise sous tutelle du pays par les forces d’argent.

Dans son exercice d’autosatisfaction, le président est allé jusqu’à se féliciter d’un plan de relance européen qui n’a pour l’heure rien de ficelé et qui, au mieux, donnera aux marchés financiers de nouveaux pouvoirs sur le crédit. Quant à la jeunesse, il souhaite s’en servir pour en faire le cheval de Troie d’attaques contre les cotisations sociales, une nouvelle fois rabotées pour « inciter les entreprises » à embaucher. Et les emplois aidés risquent fort de se transformer en mesure ponctuelle pour offrir aux entreprises une main d’ouvre bon marché, sans que cette expérience ne serve de tremplin vers des formations qualifiantes ou un emploi salarié et correctement rémunéré. En lieu et place de ces mesures incitatives, pourquoi ne pas imaginer un plan d’embauche massive de la jeunesse dans les services publics, de la santé notamment, adossé à un plan de formation ?

Au lieu de renforcer le pouvoir des banques et des assureurs, la France devrait se battre pour la création d’un fonds européen de développement humain et écologique financé directement par la création monétaire de la Banque centrale européenne. L’argent débloqué abonderait un fonds que le Commissariat au plan promis par M. Macron pourrait démocratiquement prendre en charge, avec l’aide de la Banque publique d’investissement.

Au lieu d’attendre que le marché dicte la conduite à suivre, il serait opportun de flécher dès maintenant les secteurs stratégiques, répondant de la souveraineté industrielle, sanitaire et alimentaire du continent, de renforcer la protection sociale des peuples européens au lieu de chercher à conforter à coups de milliards les marges des multinationales dans l’attente d’un improbable ruissellement.

Macron ne veut, au fond, rien lâcher de son ambition à mettre le pays au pas du capital mondialisé. Sa volonté persistante de mettre à bas le système de retraites solidaires par répartition en témoigne.

Bref, les salariés et la jeunesse n’ont rien à attendre de ce gouvernement. Contre « la relance » des injustices, ils doivent se mobiliser pour une refondation sociale et écologique, une transformation profonde de notre société.

Le 14 Juillet 2020


2 commentaires


Rolland 15 juillet 2020 à 20 h 57 min

A suivre

alain harrison 16 juillet 2020 à 2 h 24 min

En passant, grâce à la pandémie, l’UE renforce ses arguments pour plus d’UE et moins d’état, sauf comme appoint selon les besoins,la pandémie a mis cela en relief.
L’UE est une prison et on ne réforme pas une prison, à moins de la privatiser (US).

Il y a 4 sorties, quatre qui forment un tout implacable. Et son plan d’affaire Bettes-austérité, dont la Grèce n’a pas fini de faire les frais. D’autres suivront et sans doute que l’extrême droite, ceux du haut du pavé, dans certains pays, se pourlèchent déjà les doigts. Les autres balanceront des pavés.

Cette pandémie peut durer et durer……..

Les citoyens doivent se rendre compte de la complexité dans laquelle le capitalisme compétitif nous a menés.

Le temps des débats d’idée ou le consensus sur les solutions de sortie par le haut.

La… en tandem avec le
Le..
Le…

Sommes-nous confus à ce point ?

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