Raoul Sangla, la télévision et la création au service de l’émancipation

le 1 juin 2021

Raoul Sangla. © Pierre Pytkowicz

C’est avec une immense tristesse que nous venons d’apprendre le décès de Raoul Sangla dans sa quatre-vingt-dixième année. C’est un monument de l’audiovisuel qui tire aujourd’hui sa révérence, un militant infatigable de la caméra et d’une télévision d’auteur. Raoul était également un lecteur attentif et soutien fidèle de l’Humanité.

Le parcours de Raoul Sangla porte témoignage de la possibilité – jamais épuisée mais que les temps mettent à mal – de mêler l’éthique professionnelle, l’exigence artistique et l’engagement progressiste. Dans les pas de ses camarades Stellio Lorenzi, Maurice Failevic ou Marcel Bluwal, il avait acquis la certitude que l’émancipation de tous comme de chacun ne pouvait répondre que de cette triple exigence. Ce n’était pourtant chose guère aisée au sein de cette ORTF aux mains du pouvoir gaulliste où il posa malgré tout, dans les années 1960 et 70, les bases d’une télévision à la fois populaire et exigeante.

On se souvient de ses premiers pas qui firent date avec la création de l’émission Discorama destinée à la création musicale. Le jeune Raoul Sangla y inventa une mise en scène révolutionnaire où le téléspectateur pouvait voir et entendre les plus grands artistes de l’époque interviewés par Denise Glaser au milieu des caméras et des micros rendus visibles, comme un hommage rendu par l’ancien artisan-ouvrier au travail des techniciens. Puis se furent « Bienvenue à… » animée par Guy Béart, ou « Le journal d’en France », autant de créations audiovisuelle audacieuses et d’une grande qualité, ancrées dans la mémoire populaire. Son audace faisait débat mais son talent tranchait les différents : on confia à ce militant impétueux la réalisation du journal télévisée de 20 heures en 1977.

Ses incursions dans la fiction et le documentaire, où il fit cheminer sa caméra dans de longs plans-séquence, laissèrent également des traces fécondes. Raoul chercha à imposer ce qu’il appelait « un nouveau regard » qui tenait à distance le spectacle toujours recommencé du divertissement au profit d’un réel magnifié par la caméra : « je refuse de faire de la télévision un spectacle » se plaisait à dire ce grand défenseur d’une télévision d’auteur et pourfendeur de « l’alambic à consensus » qu’elle est devenue par la suite. Nous nous souvenons également de son passage remarqué à la tête de la Maison de la Culture de Nanterre, de 1978 à 1981.

Jusqu’à récemment encore Raoul participait, aux cotés du regretté Marcel Trillat, aux réunions des Amis de l’Humanité, apportant à nos débats de riches réflexions. Nous avions eu grand plaisir à l’accueillir dans le comité de parrainage du centenaire de l’Humanité. Il avait légué à l’Humanité ces quelques lignes qui nous obligent désormais : « Le journal qui se mêle de ceux qui le regardent ; Le journal qui réfléchit avant de renvoyer votre image ; Le journal d’aujourd’hui pour servir à demain ; Le journal célèbre pour ses voix anonymes ; Le journal pour hâter la venue du printemps ; Le journal que les clichés n’impressionnent pas ; Le journal auquel je suis abonné. »

A sa famille, à ses amis et camarades nous adressons nos condoléances les plus attristées et fraternelles.  

Patrick Le Hyaric

Saint Denis, 1 juin 2021


1 commentaire


Ogulinac 6 juin 2021 à 15 h 02 min

Oui, je garde un fort souvenir de ces belles émissions ,d’auteurs réalisateurs, de la télévision, gens de talents, populaires , parce que exigeant, sur l’éthique, l ‘humain ,le devenir….Ayant fait partie du personnel de l’ORTF,de 1965 à 1974 je me souviens, il arrivait que nous mangions ensemble au réfectoire du dernier étage de la Maison de la Radio . ORTF ! ça fait rigoler certains lorsque le sigle est lâché sur nos plateaux …Rendez vous compte c’était la dictature!!!Ah les belles paroles! Et bien ce fut l’évolution d’une tv gaulliste monopoliste, certes mais au travers de laquelle, les facultés émancipatrices de la société, Paix, solidarité, progrès vivre ensemble, culture, triomphaient sur le petit écran, à périodes régulières .Informer ,éduquer, divertir, le sérieux était de mise. Aujourd’hui Hormis les flash commentés avec des voix appropriées tournant en boucle, et la parade publicitaire des bagnoles Bon . Avec toute ma tristesse mais aussi mon espoir je transmets mes condoléances à la famille.

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