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Les gesticulations du pouvoir ne peuvent cacher la guerre qu’il a engagée contre tous les compromis sociaux. « Je ne ferai preuve d’aucune forme de faiblesse » a proclamé le Président de la République pour rassurer les marchés financiers. Après le code du travail déchiré, la formation professionnelle livrée au patronat, l’assurance chômage décapitée, le fameux régime dit « universel » de retraite est une dernière pierre de l’édifice de la « mobilité » et de la « flexibilité » totale du travail, livré à la dure loi de la concurrence pour répondre à l’infinie rapacité du capital.
Le gouvernement et ses affidés du média-business ont beau multiplier les écrans de fumée, s’acharner à diviser les gens, ils ne convainquent pas. Une majorité de nos concitoyens comprend qu’il ne s’agit pas de créer un système plus juste améliorant la répartition mais d’un système individualisé dont on ne connait pas la valeur du point « servi », c’est-à-dire le niveau de retraite qu’il permettra et l’âge d’accès à celle-ci. On passera bien d’un mécanisme où chacun cotise selon ses moyens à un système où le niveau de la pension dépendra de ce que pourront payer les travailleurs cotisant tout au long de leur carrière. Ainsi sera créé le cadre pour une retraite d’individualisation forcée, antichambre de la retraite par capitalisation.
En exonérant de cotisation les cadres au-delà d’un revenu annuel de 120 000€, le projet de réforme crée lui-même un futur déficit des caisses communes de plus de 2,8 millions € par an, tout en poussant ces catégories vers le « plan d’épargne retraite » privé crée par la loi dite « pour la croissance et la transformation des entreprises » (loi PACTE). Celle-ci permet de se créer, via sa banque ou son assureur, une « rente retraite » comme l’a révélé le fond financier nord-américain BlackRock. Mieux ! Le pouvoir a décidé de défiscaliser jusqu’à 10% du revenu imposable le versement ainsi effectué sur les « plans d’épargne retraite ». Et l’entreprise qui s’y inscrira pour ses salariés bénéficiera elle aussi d’une nouvelle « défiscalisation ». Ceci représentera une nouvelle perte pour le budget de l’Etat de 1,2 milliards par an. Autrement dit, les déficits sont bien le résultat d’une volonté des gouvernants pour servir la finance et non la conséquence du nombre d’agents publics ou de la solidarité sociale ! Mais, le nec plus ultra du « nouveau monde » capitaliste est que la somme ainsi défiscalisée sera directement placée sur le compte du plan épargne retraite du salarié sauf … avis contraire de sa part. Fantastique ! C’est la capitalisation avec tacite consentement ! Les ogres de la finance, banquiers, assureurs et surtout BlackRock sont aux anges et … pressés. Voilà pourquoi le niveau de la lutte est si âpre et que le Président ne veut montrer « aucune preuve de faiblesse ». Le nom du « plan épargne retraite » est déjà en ligne avec le « produit paneuropéen d’épargne retraite individuelle » lancé en juin 2019 qui vise à pousser à la « mobilité » des travailleurs au sein de L’Union européenne tout en confortant le marché des capitaux et l’union bancaire européenne. Le double effet des contre-réformes menées depuis 1993 et la retraite par point auront les mêmes conséquences que dans les pays européens où ce mécanisme est à l’œuvre : une progression de la pauvreté des retraités, car un travailleur non cadre ne percevra plus qu’aux alentours de 55% du salaire moyen de sa carrière. Autrement dit, le pouvoir au service de la finance étouffe le système pour orienter l’argent vers cette dernière dans le cadre de la capitalisation. Le gouvernement n’a pas caché qu’il veut rapidement commencer par orienter 250 à 300 milliards € supplémentaires d’ici 2022 vers l’encours retraite « individuelle ».
Il est temps qu’éclate dans chaque foyer de France cette vérité : le gouvernement ment. La face cachée de sa contreréforme, c’est la capitalisation contre la répartition et la solidarité.
3 commentaires
“exonérant de cotisation les cadres au-delà d’un revenu annuel de 120 000€, le projet de réforme crée lui-même un futur déficit des caisses communes de plus de 2,8 millions € par an”
-> il s’agit apparemment de milliards.
De quoi conforter le CICE et les cadeaux aux actionnaires, de quoi faire quelques OpEx en Afrique, au Moyen-Orient et ailleurs, et plus généralement de baisser le coût du travail puisque l’état ne compense plus les pertes qu’il impose aux caisses sociales.
C’est là un deuxième hold-up perpétré par ce gouvernement des “premiers de cordée” : les salariés n’auront plus de pouvoir sur la gestion de leur Sécu.
Comme la santé publique asséchée sur pied par la T2A et l’Ondam,
comme les allocs (APL!) et indemnités chômage réduites selon les caprices (de l’UE, des banques et de leur porte-parole à l’Elysée),
comme les services publics affaiblis découpés et privatisés à qui mieux mieux,
la substance de la République est livrée (et nous avec) aux appétits quasi maffieux du capital glouton.
Oui, le gouvernement ment : il est là pour ça. Et pour terroriser les velléités d’opposition.
La capitalisation, c’est le bas de laine que l’on transmet aux héritiers. Or, la merveille de la retraite par capitalisation, c’est qu’elle disparaît à la mort de l’assuré… dans les caisses de la banque qui la gère. La loi Delevoye-Macron, c’est « chacun pour sa peau, et tous pour le bankster » ! Là ou la répartition, comme l’indique son nom, permet de faire vivre correctement les personnes qui ont la chance de vivre au-delà de leur temps au turbin, Macron veut en détourne l’essentiel vers les (infiniment rapaces) puissances d’argent. Peut-être lui en seront-elles reconnaissantes ? En tous cas en lui décernant le Trophée Thatcher !
Lucidité
« Tant qu’on n’a pas réglé le problème du chômage dans notre pays, franchement ce serait assez hypocrite de décaler l’âge légal. Quand, aujourd’hui, on est peu qualifié, quand on vit dans une région qui est en difficulté industrielle, quand on est soi-même en difficulté, qu’on a une carrière fracturée, bon courage déjà pour arriver à 62 ans (…). Alors, on va dire : “Maintenant, il faut passer à 64 ans ?” Vous ne savez déjà plus comment faire après 55 ans. Les gens vous disent : les emplois ne sont plus bons pour vous. C’est ça la réalité. (…) On doit d’abord gagner ce combat avant d’aller expliquer aux gens : “Mes bons amis, travaillez plus longtemps.” Ce serait hypocrite. »
Emmanuel Macron, conférence de presse, 25 avril 2019.
Le Monde Diplomatique, janvier 2020, page 16