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Interview de Patrick Le Hyaric dans le journal Le Patriote à l’occasion de la Fête du Patriote 2013
Voici l’article:
“L’ accord sur la “sécurisation” professionnelle » mais aussi les réformes annoncées sur les retraites, l’assurance chômage, les prestations familiales… sont en train démanteler le modèle social français.
Effectivement, depuis plusieurs années, les puissances industrielles et financières au cœur même de la crise qu’elles ont provoqué démantèlent chacun des droits économiques et sociaux de notre pays.
Pour une part importante, la propagande autour de « la crise » sert à faire accepter ceci comme inéluctable, alors que c’est l’exact contraire. Plus on applique l’austérité budgétaire aux Etats et aux collectivités territoriales et l’austérité salariale et plus la crise s’aggrave et s’aggravera.
Pendant ce temps, les entreprises cotées en bourse ont distribué ces derniers mois encore plus de dividendes à leurs propriétaires et un institut européen vient de calculer qu’elles disposent d’une trésorerie mobilisable immédiatement, ce que l’on appelle « le cash » de 750 milliards d’euros. C’est l’équivalent de presque sept années de budget européen.
Quant au texte sur la flexibilité du 11 janvier dernier, il donne les pleins pouvoirs aux employeurs sur la vie des salariés dans l’entreprise, mais aussi hors de l’entreprise. Il invente ce curieux concept du contrat à durée indéterminé « intermittent », c’est-à-dire un contrat de travail totalement flexibilisé et un salaire modulable.
Le contenu de ce qui se prépare est trop peu connu. C’est le droit social français qui serait mis en cause si le Parlement transposait ce texte dans la loi.
Une telle exigence du grand patronat n’a jamais été formulée en ces termes dans notre pays. Ce sont les députés et les sénateurs qui disposent du droit inaliénable de faire la loi. A ceux de la gauche de refuser de transcrire le projet du Medef dans la loi.
La gauche vient de se battre victorieusement pour le droit au mariage des couples homosexuels. Elle peut de la même façon, élargir les droits du monde du travail et de la création. Qu’elle laisse M. Copé et ses amis soutenir seuls le texte du Medef.
Voilà un service à rendre à l’intérêt général, au droit des travailleurs. A la jeunesse afin d’empêcher que les jeunes générations entrent dans le monde du travail dans l’insécurité totale.
Peut-on dire qu’il s’agit d’une transcription du traité Sarkozy-Merkel, ratifié tel quel par François Hollande ?
Ce texte découle de ce que l’on a appelé « le pacte Euro plus » que j’ai baptisé dans un livre « Le pacte des rapaces ». Il s’agit d’un accord entre Mme Merkel et M. Sarkozy à Deauville, le 10 octobre 2010 et traduit dans le Conseil européen de mars 2011. Son alinéa 4, édicte, je cite : « Les Etats membres, participants s’engagent à prendre toutes les mesures pour favoriser la compétitivité ». L’alinéa 6 écrit : « Les progrès seront évalués sur la base des salaires et de la productivité ainsi que des besoins d’ajustement en matière de compétitivité ». Et la partie n° 7 demande de ne pas augmenter les salaires, je cite : « Les augmentations… pourraient provoquer une érosion de la compétitivité ». Et l’alinéa 8 demande de : « Réexaminer la disposition de fixation des salaires et le cas échéant le degré de centralisation du processus de négociations ainsi que les mécanismes d’indexation, l’autonomie des partenaires sociaux dans le cadre du processus de négociation ». Et un peu plus loin, il est demandé, je cite toujours : « des réformes du marché du travail destinées à favoriser la flexi-sécurité… ».
Voilà les ingrédients qui ont servi à rédiger le texte qui sera soumis au Parlement. Ceci est repris par les articles 9 et 11 du dernier traité européen.
Pourquoi la crise économique de la presse est-elle un enjeu de civilisation?
Enjeu démocratique, car c’est la diversité de la presse, son pluralisme qui permet à chacune et chacun de décrypter les événements et d’agir sur eux. Une presse uniformisée ouvrirait la voie à tous les nihilismes, tous les extrémismes.
C’est la République, le débat démocratique, la possibilité de faire société ensemble qui sont en jeu.
En quoi le combat pour Presstalis est-il un combat pour la liberté et la démocratie.
Presstalis c’est l’outil qui permet à tous les journaux d’être distribués sur tout le territoire, sans discrimination. C’est donc l’outil de l’existence de la pluralité des journaux et du pluralisme de la presse.
Il y a urgence à prendre la mesure des dangers actuels. Voilà pourquoi il faut suspendre le plan social à Presstalis.
Je propose la réunion d’une conférence nationale de la distribution de la presse et de créer les conditions d’adosser Presstalis à des instruments publics comme la Caisse des dépôts et consignation.
Peut on dire que l’accord signé avec Google la semaine dernière relève de “l’arnaque”?
L’accord Google est déjà la démonstration qu’on peut faire plier ce mastodonte. Mais, il faut savoir que d’une part les 60 millions d’euros dégagés ne représentent que deux jours de recettes de Google en France et que d’autre part, cette somme sera partagée entre 170 sites d’information.
Google veut éviter une loi permettant une répartition des richesses éditoriales et culturelles qu’il pille.
Il est de la responsabilité du gouvernement et du Parlement de préparer une telle loi et de ne pas diminuer les crédits publics à la presse en empêchant cet accord.
Comment aujourd’hui défendre efficacement le pluralisme et l’indépendance de la presse et garantir le droit à l’information du citoyen?
La garantie du pluralisme et de l’indépendance de la presse est un principe constitutionnel. Il appartient donc à l’Etat d’y veiller en soutenant la presse la plus faible, non adossée à des groupes industriels et financiers. C’est le principe des aides « inégalitaires » pour aider les journaux indépendants.
Evidemment, cet enjeu de la lecture des journaux et de leur utilité pour la citoyenneté doit être beaucoup plus débattu dans la société. Etre plus et mieux informé, c’est gagner en liberté.”
Entretien réalisé par Latifa Madani