L’irruption sociale !

le 21 octobre 2015

regression sociale

Par Patrick Le Hyaric

La réaction des salariés d’Air-France contre un nouveau plan de réduction d’emplois agit comme un révélateur des froides colères rentrées, sourdes, silencieuses qui enflent depuis des mois dans les tréfonds du pays.

Elle met à nu la fracture sociale qui ne cesse de s’élargir, laissant sur le bord de la route des millions de personnes écrasées dans le grand jeu de la mondialisation capitaliste. Cet antihumanisme fabrique des chômeurs, des précaires, des travailleuses pauvres, des jeunes instruits mais déclassés. Paysans, ouvriers, retraités, étudiants, enseignants, médecins, avocats, créateurs n’en peuvent plus de vivre dans l’inquiétude du lendemain. Partout, leur est imposée la baisse des rémunérations du travail, la réduction de l’emploi, la diminution des moyens pour leur permettre de remplir leurs missions ou leurs activités, sous la pression d’une austérité sans fin, ni perspective.

S’y ajoute le mépris doublé de la volonté de détruire un à un tous les droits sociaux et économiques construits par des décennies de combat sociaux et votés par des gouvernements et des majorités parlementaires de gauche. Nos concitoyens, qu’ils soient paysans ou médecins, ouvriers de l’automobile ou enseignants, cadres ou femmes et hommes de culture, sont atteints dans leur « être ». Leur utilité sociale est de plus en plus mise en cause. Ne voit-on pas une inspectrice du travail être poursuivie devant la justice pour avoir expliqué les pratiques de l’entreprise Téfal, tandis que des dirigeants de grosses entreprises reçoivent primes de départ ou (et) primes d’arrivée qui ne sont rien d’autre que des rentes de milliardaires à vie. Abject ! Nos concitoyens ne le supportent plus et le font savoir sous des formes différentes, diffuses, sur la place publique comme dans les urnes en n’allant plus voter.

Au sommet de l’Etat, dans les partis qui le soutiennent, on ne l’entend pas. Pour la première fois, un gouvernement issu du vote d’une majorité de gauche ne se situe pas dans la conflictualité avec les détenteurs de capitaux mais avec le monde du travail et de la création, suscitant le mécontentement  de la quasi-totalité du peuple de gauche. C’est un drame pour toute la gauche. Chez beaucoup de nos concitoyens, le sentiment grandit qu’un mur se dresse devant leurs espoirs de mieux-vivre et qu’ils devraient s’accoutumer à l’idée que les choses iront plus mal pour eux et leurs enfants. Ce serait le cas si continuait de s’imposer la violente loi de l’argent-roi. En vérité, elle peut être contestée. Il est d’ailleurs grand temps que le gouvernement et au-delà toute la gauche ne laissent pas aller plus avant le seuil de la désespérance. Ce seuil sur lequel les monstres qui hantent de plus en plus nos sociétés européennes prennent leur élan. Il faut donc entendre le cri strident, l’appel à la justice, au respect et à la démocratie qui monte de part en part. On ne peut, comme l’a fait le premier ministre, traiter des travailleurs–syndicalistes de «voyous » avant de s’envoler pour une tournée au Proche et Moyen-Orient. Dans ce périple, où la paix a moins été à l’ordre du jour que la vente d’engins de guerre, il s’est permis, devant les dignitaires saoudiens, grands spécialistes en droit social et humain comme chacun sait, de critiquer à nouveau le syndicalisme français avant de rassurer ses hôtes. Ces derniers pourront continuer d’ordonner des  milliers de coups de fouets et des décapitations de jeunes, garantie ayant été donnée à leurs richissimes capitalistes à venir s’installer en France en leur préparant un terrain favorable avec la diminution de la fiscalité des entreprises et des « réformes du marché du travail ». M. Macron s’y évertue avec ses sorties contre « la gauche archaïque », pour l’augmentation de la durée du travail, le travail du dimanche, la destruction du statut de la fonction publique et la mise à mort du code du travail.

Personne, à Air-France comme ailleurs, ne souhaite voir la violence régir les rapports humains ou ceux au travail. Mais précisément, ces derniers sont de plus en plus violents dès lors que celles et ceux qui l’accomplissent sont surexploités et n’ont aucune reconnaissance. Le concept de « compétitivité », conçu par la seule compression de la valeur du travail, y compris en en détruisant une partie, le rend lui-même malade jusqu’à affecter celles et ceux qui l’exécutent, ouvriers comme cadre. Il ne retrouvera un sens que dans le cadre d’un nouveau projet d’émancipation. Il redeviendra intéressant le jour où les salariés, les citoyens seront associés à la marche de l’entreprise et de l’économie, et pourront porter ensemble l’innovation sociale, la solidarité, le sens commun et la gestion durable des biens communs. Un tel projet, jumelé avec la baisse du temps de travail, tenant compte des gains de productivité en cours, appellerait la création de millions d’emplois correctement rémunérés. Le salarié devrait pouvoir, sans ruptures et selon les périodes, se former, évoluer dans les fonctions, les métiers et les activités. Dès lors, s’ouvrirait la voie d’une sécurité de vie pour toutes et tous, à l’opposé de la guerre organisée de tous contre tous et du climat de peur et d’angoisse actuel, ferment de violences dont le monde du travail et de la création sait d’expérience qu’il n’a rien à en attendre de bon.

Or, la France de 2015, et singulièrement celle du travail, voit l’inquiétude du lendemain, la précarité, le chômage dominer dans les têtes et les porte-monnaie.

Le chômage de longue durée a augmenté de 146% depuis juin 2008. Il a progressé de 11% l’année dernière et continue sa funeste ascension. Depuis cinq ans, le point d’indice des millions de fonctionnaires au service de l’intérêt général est gelé, amputant sérieusement leur pouvoir d’achat déjà bien entamé et réduisant d’autant les capacités de relance par la consommation.

Les jugements d’expulsion locative bondissent de 5% chaque année !

Les services publics, qui permettent d’atténuer les conséquences sociales de la crise, périclitent sous les coups de boutoir de la baisse continue des dotations. Le gouvernement prévoit de poursuivre sa saignée dans les collectivités locales, à tel point que de nombreux départements annoncent de grandes difficultés pour assurer le versement du revenu de solidarité active, dont les bénéficiaires progressent de 9 à 10% chaque année. 780 000 millions d’euros manquent pour financer cet ultime filet de protection sociale et dix départements ont annoncé être en cessation de paiement.

Inquiète, une partie de la jeunesse commence à crier son désarroi dans les universités. Nous assistons au spectacle ahurissant au 21ème siècle d’étudiants contraints de prendre des notes à même le sol faute de places pour accueillir les 65 000 nouveaux étudiants attendus cette année. Les personnels de l’enseignement supérieur connaissent une précarité grandissante. Un pays incapable de former correctement sa jeunesse condamne son avenir.

Les milliards déversés dans la sombre tuyauterie de la finance au nom du «  crédit impôt compétitivité- emploi », au lieu de créer des emplois, ne font que contribuer à assécher l’économie réelle en renforçant le poids de la finance spéculative.

La campagne des élections régionales devrait donner l’occasion de débattre d’une situation dans les régions qui découle, pour une large part, des choix nationaux et européens. L’occasion de rechercher dans les territoires toutes les capacités d’une réindustrialisation d’un type nouveau, qui réponde au défi environnemental, de pousser le déploiement de la révolution numérique, de la recherche et de l’innovation, d’agir pour une politique audacieuse de formation, de s’appuyer sur le développement offensif de nouveaux services publics démocratisés et humanisés, d’utiliser l’argent à des fins sociales et non spéculatives.

L’urgence sociale, comprise au sens large, est la seule capable d’orienter le débat public et l’action ailleurs que dans les eaux troubles des discours de repli, de la xénophobie et des divisons identitaires. Elle devrait être l’affaire de toute la gauche, de tous les humanistes, de tous les hommes et toutes les femmes de progrès. Elle devrait être la base de rassemblements progressistes de l’essentiel des secteurs de la société pour porter ensemble dans la délibération collective les immenses défis de l’avenir que sont la réinvention de la civilisation et du mieux vivre ensemble sur la planète. Les enjeux humains, ceux liés au climat, à l’énergie, aux ressources disponibles, la biodiversité, la démographie donc le soutien au quatrième âge, la santé, la protection sociale et les retraites, l’organisation des territoires donc la vie de la ruralité comme d’une ville vivable sans pollution, nous l’imposent. Les chantiers d’avenir sont donc nombreux et peuvent s’avérer enthousiasmants. L’irruption sociale est une bonne nouvelle.


7 commentaires


Xavier Girard 21 octobre 2015 à 17 h 17 min

La clarté est la clairvoyance ne sont sans doute, in fine, que la même intellingente énergie au service de l’Humanisme.
“Le XXIème siècle sera spirituel ou ne sera pas…” Malraux.

danilo 26 novembre 2015 à 10 h 48 min

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Potier Jacques 24 octobre 2015 à 22 h 51 min

Merci pour cet excellent article bien documenté. Je pensais que l’on était tombé un peu mais si bas, il est temps de se relever.

J’aimerais être utile mais que faire ? Je suis au parti et je ne sais pas ce que l’on peut faire. Dites moi ce qui pourrait être utile.

Jacques

RABOTOT Robert 25 octobre 2015 à 11 h 06 min

Stoppons la casse du Code du Travail, imposons le respect des travailleurs qui défendent leur outil de travail; Ne tolérons pas qu’ils soient traités de voyous, à plus forte par un premier Ministre. Tous ensemble nous pouvons imposer des changements, j’en appelle aux jeunes qui doivent avoir conscience que c’est par la lutte que les plus grandes revendications ont abouti dans le passé.

pellizzoni 26 octobre 2015 à 9 h 06 min

comment lutter contre cette mondialisation,quand au plus haut du gouvernement qui se prétend de gauche on fait la sourde oreille,on n’entend pas la plainte des petites gens et de ceux qui sont dans la difficulté , tout ceci n ‘est pas fait pour endiguer la violence quand on est dans la désespérance, quand on est dans l’incapacité de diriger un pays on se retire, avant d’emmener celui ci à sa perte, mais malheureusement l’argent mène le monde je ne crois plus aux politiques

breteau jean claude 26 octobre 2015 à 10 h 17 min

Je suis retraité , maltraité par la droite et ses successeurs ,montant des retraites ,recul de l’age du départ, et maintenant baisse des complémentaires .ils nous pensent résignés,sans moyen pour gueuler ,ils se trompent nous pouvons nous les retraités étre ACTIFS en étant solidaires des salarié-e-s contraint de travailler le dimanche .Ne laissons pas se détruire la vie familiale ,si précieuse,(les patrons font du chantage,pour obliger les employé-e-s qui refusent majoritairement cette dictature) obtenue à coup de 49-3 ,en les menaçant de modifier les horaires et autres crapuleries .Déjà les maires sont sollicités pour des ouvertures des début novembre !Pourtant ,avec un pouvoir d’achat en baisse ,l’économie se contracte ,démontrant la bétise de Macron qui n’a que comme seul soucis de soumettre le salariat aux dicktat patronal .Nous pouvons étre ACTIF en faisant la gréve des achats le diman che ,retraité-e-s nous avons toute la semaine pour cela ,les privés d’emploi doivent se joindre à ce mouvement ,et rien n’interdit à ceux qui demain seront victimes à leur tour, voir le projet de la Poste précurseur ,de ce qui attend tous pour demain .Que l’Huma et le parti relaient cette proposition ,ne laissons aucun moyen pour dire assez

Anonyme 26 octobre 2015 à 10 h 19 min

Je suis retraité , maltraité par la droite et ses successeurs ,montant des retraites ,recul de l’age du départ, et maintenant baisse des complémentaires .ils nous pensent résignés,sans moyen pour gueuler ,ils se trompent nous pouvons nous les retraités étre ACTIFS en étant solidaires des salarié-e-s contraint de travailler le dimanche .Ne laissons pas se détruire la vie familiale ,si précieuse,(les patrons font du chantage,pour obliger les employé-e-s qui refusent majoritairement cette dictature) obtenue à coup de 49-3 ,en les menaçant de modifier les horaires et autres crapuleries .Déjà les maires sont sollicités pour des ouvertures des début novembre !Pourtant ,avec un pouvoir d’achat en baisse ,l’économie se contracte ,démontrant la bétise de Macron qui n’a que comme seul soucis de soumettre le salariat aux dicktat patronal .Nous pouvons étre ACTIF en faisant la gréve des achats le diman che ,retraité-e-s nous avons toute la semaine pour cela ,les privés d’emploi doivent se joindre à ce mouvement ,et rien n’interdit à ceux qui demain seront victimes à leur tour, voir le projet de la Poste précurseur ,de ce qui attend tous pour demain .Que l’Huma et le parti relaient cette proposition ,ne laissons aucun moyen pour dire assez

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