Les révolutions arabes appellent de grands changements ici

le 3 mars 2011

Désormais les dimanches sont jours de remaniement ministériel. Après avoir dû se séparer d’un ministre grand fumeur de cigares, d’un autre grand voyageur, puis d’un ancien ministre empêtré dans des affaires avec Mme Bettencourt et un hippodrome, voilà que le Président de la République a, face à la condamnation de  l’opinion, remercié le ministre de l’insécurité en prise avec la justice et  lâché en plein vol sa ministre des affaires étrangères.

Elle était devenue l’emblème du soutien sarkozyste à Ben Ali, après lui  avoir proposé de l’aide policière pour mater la révolution tunisienne. Ne s’était-elle pas  rendue sur place pour, à la fois, rencontrer les oligarques liés au clan Ben Ali qui facilitaient ses déplacements en avion privé, pour survoler les manifestations, tout en réalisant des « affaires » avec sa famille? Le comportement de Mme Alliot-Marie est-il si isolé ? Non ! Depuis la soirée du Fouquet’s jusqu’aux utilisations d’avions de l’Etat par le Premier ministre pour se rendre dans la Sarthe, aux vacances des uns et des autres aux frais de la princesse dans les dictatures, leurs cas ne sont  pas les seuls. Loin de là ! L’éthique personnelle et politique est décidément à l’opposé de la marque de fabrique du pouvoir sarkozyste.

Ce n’est pas seulement le comportement d’un ministre qui doit être mis en cause, c’est la politique mise en œuvre. Il n’est pas si loin le temps où le pouvoir de droite formait des policiers pour le gouvernement de M. Moubarak. Pas si loin non plus le temps où le colonel Kadhafi recevait des milliards d’euros annuels pour sa connivence et son soutien avec les autorités européennes dans leur chasse aux immigrés. C’est bien l’orientation générale imposé à la politique de la France, tournant le dos aux principes du Général De Gaulle qui est fondamentalement en cause.

Le bilan est terrible: allégeance à M. Bush, alors que le peuple américain s’en détournait ; intégration de la France dans l’OTAN, en phase avec le traité de Lisbonne ; discours de Dakar abaissant, humiliant les peuples africains; engagement de la France dans des guerres impérialiste en Irak ou en Afghanistan ; alignement sur le gouvernement israélien contre la création d’un Etat palestinien;  reprise pour le décliner à l’intérieur du pays du concept mourant du « choc des civilisations » ; promotion du « libre échangisme intégral » pour les capitaux et les marchandises pour exploiter toujours plus les peuples partout sur la planète, la politique internationale de notre pays a tourné le dos à l’indépendance, à la coopération, au désarmement et à la paix. Elle est à l’opposé des valeurs humanistes.

Le remaniement ministériel est, à la fois, une reculade face au rejet de l’opinion  et  une tentative de parfaire une équipe de campagne en vue des élections présidentielles et avant les élections cantonales pour s’efforcer d’en limiter les dégâts.

Le discours de M. Sarkozy ne marque pas pour autant un changement d’orientation politique. Il utilise les révolutions arabes pour faire peur. Il tente de masquer ses propres fiascos, cultiver les fantasmes d’invasion et faire croire qu’elles sont la cause de la montée des prix pétroliers. Ce n’est évidemment pas le mouvement des peuples qui fait monter le prix des carburants mais les spéculateurs. C’est contre ceux là qu’il faut s’opposer tout en réduisant l’impôt injuste que constitue la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Mais M. Sarkozy préfère brandir la menace de déstabilisation pour réactiver son fond de commerce de l’insécurité. Vieille rengaine pour justifier les dictatures !

Et si on raisonnait autrement désormais ! N’est-ce pas l’émancipation démocratique, la liberté, la justice sociale qui seraient facteurs de sécurité, de compréhension mutuelle et de coopération ? La fin de l’humiliation palestinienne ou irakienne serait  facteur de stabilité. Une action énergique contre la pauvreté, la misère, la faim, les injustices, constituerait le plus grand coup porté contre le terrorisme ou certains intégrismes. Au lieu d’inventer cette nouvelle politique internationale de la France, active pour changer la mondialisation, transformer l’Europe, le Président de la République a agité la menace de nouveaux « flux migratoires ». Ceux-ci existent. Mais ce n’est pas en érigeant des murs qu’on créera un monde humain. C’est en agissant pour une nouvelle répartition des richesses mondiales, en faisant cesser le pillage des matières premières, en restituant aux peuples ce qui leur a été volé par des dictateurs corrompus, avec la complicité de nos propres dirigeants et de ceux des puissances occidentales, depuis trois ou quatre décennies.

C’est en taxant les mouvements de capitaux, en fermant les paradis fiscaux, en agissant pour changer les missions de la Banque mondiale, du Fonds Monétaire International, en transformant l’Organisation Mondiale du Commerce et en revalorisant une ONU profondément réformée et démocratisée que se construira un monde meilleur. C’est aussi en repensant fondamentalement les relations de l’Union Européenne avec les pays du sud de la Méditerranée. Tant de liens, de valeurs, d’aspirations nous unissent à ces peuples qu’une nouvelle politique doit nous conduire à soutenir ardemment les émancipations démocratiques, à développer des projets communs, économiques, sociaux, éducatifs, culturels, sans domination, mais dans le cadre d’une coopération d’égal à égal, positive pour les deux rives de la Méditerranée. Pourquoi ne pas inventer des services publics communs dans les secteurs des transports, de l’eau, de l’énergie, de l’alimentation et peut-être une banque publique commune euro-Méditerranée pour un crédit de co-développement ?

L’intérêt des peuples, là-bas comme ici, appelle d’en finir avec les concepts du traité de Lisbonne de « concurrence libre non faussée », du « libre échange intégral » ou de la privatisation permanente des biens publics.

Les révolutions des peuples arabes nous appellent nous aussi à des évolutions révolutionnaires en Europe pour bâtir un autre monde. Il faudra se hisser à leur niveau.

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0 commentaires


dominominus 3 mars 2011 à 8 h 04 min

C’est pour ça qu’il faut qu’ils dégagent, tous !

Canelle 3 mars 2011 à 12 h 39 min

Lorsque la tête est pourrie on l’a coupe ! Sarkozy doit quitter la France, même en Hongrie personne n’en veut……..

Il devient impossible d’attendre 2012, la casse sera effroyable et il sera impossible de compter le nombre de morts : morts de froid, morts de faim, morts de ne pas avoir eu de soins, morts dans la rue.

Peuple de France, réveilles toi et descend dans la rue, les vacances attendront !!

Lou 3 mars 2011 à 15 h 54 min

Mettons fin à la fraude et l’évasion fiscale massive, c’est vraiment une honte!

Les paradis fiscaux, c’est 800 milliards d’euros évadés des pays du sud chaque année alors que 30 milliards suffiraient à éradiquer la faim dans le monde, il faut faire quelque chose et agir!!!

ARABE LIBRE 3 mars 2011 à 17 h 51 min

La peur a quitté le camp arabe! les despotes arabes sont rejetés, vomis , reniés car ils ont trahi notre confiance par leur lâcheté et leur cupidité! Des dirigeants à l’esprit tribul: Que faire d’eux au 3 Millénaire!!!! Vive la révolution arabe , et sinon, vive les révoltes arabes!

ARABE LIBRE 3 mars 2011 à 17 h 53 min

le PEUPLE ARABE ira loin

GARCIA 4 mars 2011 à 7 h 32 min

Merci Monsieur Le Hyaric. Merci pour ce regard qui bien ancré dans les réalités, nous donne à voir les possibles.

Canelle 4 mars 2011 à 11 h 25 min

Les élites françaises et européennes ont trahi les peuples ; mais aussi le FMI et B. Obama :
http://www.leap2020.eu/GEAB-N-52-est-disponible-Crise-systemique-globale-Dislocation-geopolitique-mondiale-Fin-2011-Chute-du-Mur-des-petro_a5924.html

MORGADES 4 mars 2011 à 11 h 44 min

Article du Figaro…, il n’y a plus que dans l’huma que l’on ne parle pas des 5

Les relations cuba-Etats-Unis : 50 ans de mensonges

Par Patrick Bèle le 3 mars 2011 20h35 Le journaliste essayiste du Monde diplomatique Maurice Lemoine a écrit un livre à la fois tout à fait énervant pour son parti pris et totalement passionnant pour son contenu. Il s’agit de son « Roman de la guerre secrète entre Cuba et les Etats-Unis » : Cinq Cubains à Miami aux éditions Don Quichotte. Ce livre me permet enfin d’évoquer dans ce blog les « cinq héros », comme les qualifie le pouvoir cubain, qui sont emprisonnés aux Etats-Unis pour de longues années après avoir été condamnés par des tribunaux de Miami à des peines extravagantes par leur lourdeur pour « avoir porté atteinte à la sécurité des Etats-Unis ».

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