Les jeunes réclament une « bifurcation »

le 24 mai 2022

Il y a quelques semaines, lors de la cérémonie de remise de diplômes, des élèves ingénieurs d’AgroParisTech ont fermement dénoncé, à plusieurs voix, le système économique dans lequel on voulait les intégrer.

« L’agro-industrie mène une guerre au vivant et à la paysannerie partout sur terre », ont-ils dénoncé. « Nous sommes plusieurs à ne pas vouloir faire mine d’être fiers et méritants d’obtenir ce diplôme à l’issue d’une formation qui pousse globalement à participer aux ravages sociaux et écologiques en cours », ont-ils poursuivi, ajoutant avec fermeté : « La société ne pourra devenir soutenable sans que l’on se débarrasse de l’ordre social dominant ».

Il est plutôt rassurant pour l’avenir qu’en recevant leur diplôme, de jeunes ingénieurs agronomes questionnent le sens de leur futur travail et contestent le rôle des firmes de l’agrochimie, alors que les sols sont trop empoisonnés, les abeilles pollinisatrices décimées, les vaches transformées en usines à lait, que les scandales alimentaires se multiplient et que chaque jour, poussés au plus grand désespoir, deux paysans se suicident.

Mais les cercles de la bien-pensance ne l’entendent pas de cette oreille. Ils s’agitent pour traiter ces jeunes « de petits bourgeois illuminés » dans l’espoir de les couper du reste de la société. Ils refusent évidemment de débattre de la signification politique de leur message. Il y a quelques années déjà, un élève de centrale de Nantes avait également prononcé un discours très critique sur le sens de ses études et leur utilité pour l’intérêt général.

Parce qu’ils contestent les orientations antisociales et antiécologiques, de nombreux jeunes diplômés refusent désormais de travailler pour de grandes sociétés transnationales. Ils illustrent un pan de cette radicalité progressiste qui le 10 avril, a marqué le premier tour de l’élection présidentielle.

Pourquoi vouloir décrédibiliser ces actions ? Parce qu’elles mettent en cause le système ? Elles sont l’une des manifestations de l’aspiration à être considérés, respectés, et à des pouvoirs nouveaux sur l’orientation de la stratégie des entreprises, sur leur travail dans l’intérêt général humain. Ils font entendre fortement l’aspiration à une pleine souveraineté des citoyens dans la cité et la souveraineté des salariés sur leur travail.

Les grands mouvements comme « Occupy Wall-Street » devant la bourse de New York, il a quelques années, suivi du mouvement des « Indignés » dans plusieurs pays européens, des « Nuits debout » à Paris, comme les mouvements sociaux contre la destruction du Code du travail et du système des retraites, celui des gilets jaunes et celui des jeunes pour le climat, sont la marque d’une volonté plus ou moins consciente de transformer les rapports sociaux, la société et le monde. On peut certes discuter de leurs débouchés politiques. Ils peuvent en être les prémisses. On ne saurait donc les opposer à des engagements plus permanents. Ils peuvent trouver des prolongements dans des syndicats ou des forces politiques de transformation sociale à l’opposé de ceux qui appellent à la désertion et à l’abstention.

On peut aussi considérer que le progrès technique, la formation, la recherche et la science « en conscience », pensés comme des moyens d’alléger la peine des êtres humains au travail seront utiles dans la perspective d’une radicale transformation écologique de notre monde.

Pour qui est soucieux de la recherche de chemins d’invention d’un post-capitalisme, ces prises de position doivent être écoutées, entendues et mises en lien avec un mouvement général visant à dépasser l’ordre existant. Voici une bonne nouvelle ! Des jeunes diplômés, de ce haut niveau, refusent le formatage idéologique et manifestent leur volonté de se mettre au service de l’intérêt général et non de celui des voraces de la finance et des firmes agro-industrielles qui, après avoir profité de la pandémie, gonflent actuellement leurs profits grâce à la guerre de M. Poutine.

À ces jeunes diplômés, s’ajoutent ceux qui se mobilisent régulièrement pour exiger la transparence sur « l’impact » social et écologique des activités de la société qui les emploie. D’autres décident de « bifurquer » et quittent des emplois bien rémunérés dans les mondes de la finance, de la publicité, du marketing, de la grande industrie, de l’alimentation industrielle et des frères siamois de McKinsey, pour des projets plus conformes à leurs valeurs progressistes et écologiques.

Ils créent de petites entreprises d’intérêt public dans l’alimentation de qualité, contre le gaspillage alimentaire, dans les services de santé, la qualité de l’eau, l’agro-écologie, ou le sport. Ils y gagnent bien moins d’argent, mais se sentent bien mieux, plus utiles à la société. Toutes et tous posent les deux enjeux anthropologiques et environnementaux majeurs de notre temps : celui du sens des formations et du travail, et celui de l’indispensable combat pour le climat, la biosphère et la biodiversité qui conditionnent la vie humaine et animale.

La nomination d’une ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, soucieuse que l’université soit « intensive » et que la recherche soit d’abord un investissement économiquement rentable, va à rebours de ces aspirations nouvelles.

Or, il est incontestable que le besoin de démocratisation de l’accès à l’université et l’élévation des compétences et des recherches sont indispensables pour inventer un autre modèle productif, de distribution et de consommation. En revanche, le choix du ministre de l’Éducation nationale, antithèse du précédent, peut être une bonne nouvelle s’il lui est permis d’impulser un grand projet éducatif et de formation pour toutes et tous, en refusant « le marché des savoirs » tout en portant des efforts exceptionnels en direction des enfants des quartiers populaires.

Ces derniers ne peuvent continuer d’être victime de la sélection et d’une sorte de ségrégation pour n’être destinés qu’à devenir des premiers de corvée sous-payés et méprisés. Eux aussi, à leur façon, ont montré leur révolte à l’occasion du premier tour de l’élection présidentielle. Toutes et tous, par-delà leur lieu d’habitation et leur niveau d’études, aspirent à la transformation sociale, démocratique et écologique. En se liant, en s’unissant, ils peuvent constituer une force considérable. Plusieurs enquêtes d’opinion montrent que les jeunes de 18 à 35 ans placent, d’un même mouvement, au cœur de leurs priorités le pouvoir d’achat et l’environnement. Dans une enquête parrainée par la revue interdisciplinaire « The Lancet Plantard Heath », réalisée dans dix pays dont la France, les trois quarts des jeunes jugent le futur « effrayant » et un sur deux considère que « l’éco-anxiété » pèse sur leur vie quotidienne.

Et une récente étude de la fondation Jean-Jaurès réalisée en janvier dernier, montre que 82% des jeunes de moins de 30 ans se disent « préoccupés » par le changement climatique. La problématique climatique devient donc pour une majorité de jeunes quasi existentielle. Voilà qui ouvre un important chantier de mobilisation collective et de débat pour conjuguer, mêler, entremêler intimement dans tout projet de transformation, les enjeux sociaux, démocratiques et écologiques.

Ces jeunes auront l’occasion de prolonger leurs actions et leurs désirs en utilisant le bulletin de vote des candidats de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale le 10 juin prochain, pour changer de majorité à l’Assemblée nationale. Ces débats et actions qui portent les enjeux anthropologiques et environnementaux sont les nouvelles graines d’une visée communiste moderne. On comprend que les milieux dirigeants en soient tant effrayés !

Patrick Le Hyaric

24 mai 2022


15 commentaires


Moreau 24 mai 2022 à 14 h 12 min

L’aggravation du problème climatique et les prévisions d’aggravation pouvant s’avérer sont très très très préoccupants chez les Jeunes selon une certaine lucidité réelle, et chez les personnes des autres générations qui ont cultivé leur lucidité.

Les aggravations ont été annuelles et les Jeunes ne doivent pas devenir des Esclaves d’un vingt et unième siècle conjuguant des barbaries et des épidémies, et des problèmes comme le problème du climat et de l’eau.

C’est pourquoi aussi, il faut le revenu d’existence universel, la sécurité sociale à 100%, et les marchandises sociales de première nécessité, simples et de qualité, pour toutes et pour tous, ainsi que les services de proximité indispensable autant dans les villes qu’en milieu rural. Ces progrès réels sans lesquels rien n’est possible sinon la disparition de l’Humanité, sont possibles et réalisables avec des politiques sensées équitables.

alain harrison 24 mai 2022 à 22 h 04 min

M. Friot donne la réponse.

Tout le PIB à la Cotisation

Des coopératives autogérées (temps partagé) rentables

Pas dans 100 ans, mais à partir de maintenant, progressivement et systématiquement.

Le Frexit peut être le déclencheur de l’effet dominos !

En tout cas c’est pas en remettant en cause chaque élément des traités européens, que vous sortirez du cercle que Macron manipule (tourner en rond). Dans une nouvelle formulation.

Et changer la formulation permet de faire perdre son temps (des tactiques, le néo-libéralisme bancaire en a plein. Mais, attention aux spécialistes du double bind.

alain harrison 24 mai 2022 à 21 h 51 min

Juncker a-t-il vraiment déclaré un jour qu’il ne pouvait y “avoir de choix démocratique face aux traités européens” ?

Oui, dans une interview au Figaro en janvier 2015, après l’accession de Syriza au pouvoir

Bonjour,

Vous faites référence à une phrase qui tourne depuis quelques années. Et qui a bien été prononcée.

Elle provient d’une interview donnée par le président de la Commission européenne, le 28 janvier 2015, après la victoire d’Alexis Tsipras et de Syriza à Athènes.

A la question : «Comment l’Europe démocratique doit-elle traiter un pays qui décide démocratiquement de sortir du rang?», Juncker avait répondu :

«Il ne peut pas y avoir de choix démocratique contre les traités européens. On ne peut pas sortir de l’euro sans sortir de l’Union européenne. À l’inverse, pour revenir, il faudrait que les 28 parlements nationaux soient d’accord, avec traité d’adhésion et ratifications idoines. C’est une pure spéculation. Le débat sur la sortie de la Grèce de la monnaie commune est un faux débat.»

La formulation avait choqué, à l’époque. Voilà ce qu’en écrivait Jean Quatremer, correspondant de Libération à Bruxelles.

Cordialement

C.Mt

https://www.liberation.fr/checknews/2018/06/14/juncker-a-t-il-vraiment-declare-un-jour-qu-il-ne-pouvait-y-avoir-de-choix-democratique-face-aux-trai_1659020/

alain harrison 24 mai 2022 à 22 h 06 min

En tout cas dans la gauche, y a plein de faux aveugles. Le QI !

Moreau 25 mai 2022 à 9 h 02 min

Science et vie a répondu à la question de l’égalité…

Hommes et femmes ont-ils le même Q.I. ?
Le 02 Juil 2018 à 06H00 Par Karine Jacquet

Le question n’a plus lieu d’être aujourd’hui, et pourtant, il y a encore quelques décennies, les hommes avaient le dessus dans cette mesure de l’intelligence. Voyons pourquoi.

Il n’en a pas toujours été ainsi : longtemps, les hommes ont « dominé » d’environ 5 points. Ce qui ne veut pas dire qu’ils étaient plus intelligents, puisque le Q.I. est une mesure valable au sein d’une population donnée, qui dépend de facteurs sociaux. Que le Q.I. des femmes ait rattrapé celui des hommes signifie seulement qu’en accédant à l’éducation et à des vies sociale et professionnelle mieux remplies, elles musclent leurs facultés intellectuelles… rattrapant un retard qui n’avait rien d’inné.
Une division genrée des métiers

L’analyse des résultats de chaque sexe aux tests de Q.I. confirme cet état de fait : les femmes s’illustrent dans les épreuves demandant des capacités verbales et de synthèse, alors que les hommes brillent dans les exercices de représentation spatiale et les épreuves analytiques.

Moi je pense que les Hommes sont égaux en QI mais qu’il y a des différences selon les spécificités de leurs activités qui se traduisent en démocratie participative par des analyse, des critiques, des préférences, des propositions différentes ; l’important est d’associer le meilleur de chaque personne.

mOuDrLyoRtX 30 mai 2022 à 3 h 10 min

mHhFkWiRLpSj

zMULaNRyr 30 mai 2022 à 3 h 50 min

TgVQkLMHyhx

alain harrison 10 juin 2022 à 18 h 52 min

Bonjour

Vous dites

««« Il est plutôt rassurant pour l’avenir qu’en recevant leur diplôme, de jeunes ingénieurs agronomes questionnent le sens de leur futur travail et contestent le rôle des firmes de l’agrochimie, alors que les sols sont trop empoisonnés, les abeilles pollinisatrices décimées, les vaches transformées en usines à lait, que les scandales alimentaires se multiplient et que chaque jour, poussés au plus grand désespoir, deux paysans se suicident.»»»

Il fallait en arriver aux effets, de nos comportements (sur consommation versus les inégalités, les guerres….) de plus en plus néfastes qui se multiplient. Les jeunes agronomes sont-ils conscients de tout ceci et ont-ils une connaissance des travaux et des écrits de René Dumont ?

Venezuela : Une science pour la vie, pas pour la guerre ou pour la mort
7 Mai 2022,
Publié par Bolivar Infos
Interview de Gabriela Ramírez par Geraldina Colotti

«« La science sert à créer la communauté et la vie non à imposer des connaissances élitistes importées et à promouvoir la guerre. » C’est ce que dit Gabriela Ramírez, ministre de la science et de la technologie du Venezuela qui se définit comme une « militante de l’espoir » et féministe. Nous nous rencontrerons dans son bureau à Caracas, entourées d’archives classées et d’une brillante série de livres publiée par le ministère. Diplômée de l’université centrale du Venezuela en biologie moléculaire, elle a continué à approfondir ses connaissances dans ce domaine mais en les mettant au service de la révolution bolivarienne qu’elle a soutenue dès le début.»»
Bolivar Infos

Depuis plus de 20 ans, le Peuple Vénézuélien avance progressivement, malgré la tourmente occidentale inépuisable, Mais personne ne semble s’apercevoir que la résilience de ce peuple et sa détermination se fait dans le respect de leur Constitution et de l’Ordre International prescrit. En regard du nombre d’élections “impécables” reconnues par l’ONU et l’ancien président Clinton même. Mais rien y fait, les US parlent de dictature, suivi par les pays Occidentaux. (hypocrisie ouverte aujourd’hui)

Pour résumer clairement, la formule employé par Jean Jaurès semble adéquate:

Pour Jean Jaurès, la révolution socialiste n’est concevable que dans le cadre de la légalité démocratique, c’est-à-dire par une conquête graduelle et légale par le prolétariat des institutions parlementaires et de la puissance de la production.

Dans l’autre siècle, le Chili d’Allende.

L’oublie semble être la règle.

La technologie a sa place, mais il semble que les avancés sur la condition humaine sont instrumentalisées comme l’a été le Darwinisme (L’ultime retour des barbares
Fethi GHARBI).

alain harrison 11 juin 2022 à 0 h 53 min

La solution passe par (comme vous le signalez)
«« quittent des emplois bien rémunérés dans les mondes de la finance, de la publicité, du marketing, de la grande industrie, de l’alimentation industrielle et des frères siamois de McKinsey,….. »»

Mais, ils accélèrent l’automation pour parer, et les start up , ce bassin de créativité, sont achetés.

Il y a une course contre la montre, entre les prises de conscience et l’automation, question de conditionnement et de manipulation. Chapitre 1 du livre de……

Seul lavision d’ensemble nous permet d’avoir accès aux tenants et aboutissants, aux causes et aux acteurs responsables. Le questionnement aux solutions (pas aux opinions: à l’image ou à la réalité).
L’UE, la seule façon de la changer est de la quitter.
Les jeunes , intuitivements en montre le chemin (conditionnement et manipulation).

alain harrison 11 juin 2022 à 0 h 57 min

Le Vénézuéla tente de quitter l’état de droit (faillite), la Chine (le dollar), la Russie (du piège),
les jeunes (comme vous le signalez). Mais les adultessont un peu hypocrite et vont dire OUI MAIS.

jean claude bricault 12 juin 2022 à 0 h 34 min

vivre les jours heureux

alain harrison 18 juin 2022 à 20 h 30 min

Soyez plus explicite, une idée. Vous avez sans doute un cheval de bataille à explorer, avancé quelque chose qui rend le jours heureux pour tous. PLus nous serons nombreux à échanger et répendre des solutions, plus de gens se mettront à y réfléchir. Les solutions.

alain harrison 18 juin 2022 à 20 h 41 min

La gauche qui prône la justice économique (un partage réel, pas de l’aumône). Les de coopératives autogérées et à temps partagé grâce aux technologies adéquates. Le temps à consacrer (gratuitement, parce que le salaire est adéquat) à ceux qui sont en proie aux affres de la vie (selon cjacun). Il ne s’agit pas de privation, mais d’une consommation de “partage”.
Moi je prône deux choses très contradictoires en apparence (la naissance sans violence et mon appui pour l’avortement). Mais ce n’est qu’en apparence. Le respect demande une vision plus large que nos convictions morales apparentes.

alain harrison 21 juin 2022 à 7 h 06 min

Dabs le programme “consensuel” de la NUPES, J’ai retenu ce passage concernant L’UE.

Chapitre 8 : Union européenne et international

Étendre les droits sociaux : harmoniser par le haut les droits sociaux et les salaires minimums européens afin de lutter contre le dumping social, d’améliorer les conditions de travail et de converger vers le mieux-disant social, lutter contre les délocalisations, défendre le principe d’un “travail égal, salaire égal et cotisations sociales égales” en revenant sur l’organisation actuelle du travail détaché, imposer une présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes, développer un plan européen de lutte contre la pauvreté notamment des enfants et des personnes âgées.

«« harmoniser par le haut les droits sociaux et les salaires minimums européens afin de lutter contre le dumping social »» ;;;; et développer un plan européen de lutte contre la pauvreté.

Voilà la priorité des priorités.

En tirer les conséquences sur le système actuel, et l’obligation de résultat.

Par quel bout doit s’attaquer la stratégie de changement, s’il y en a une ?
Ici on parle de l’obligation de résultat.

alain harrison 22 juin 2022 à 5 h 17 min

Mais ce sera probablement ingouvernable !

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