Le refus de la vie en miettes

le 16 mars 2016

Par Patrick Le Hyaric

La mobilisation populaire a obligé le pouvoir à renoncer à faire accepter automatiquement sa loi dite « travail ». Il a dû revoir une partie de sa copie, sans en changer pour l’instant la philosophie générale. Dès lors, s’ouvre une situation inédite.

Jamais en effet dans l’histoire, un gouvernement issu du vote d’une majorité d’électeurs de gauche, n’avait perdu à ce point le soutien de la gauche « réelle » et n’avait plus que pour seul soutien les représentants du capital, c’est-à-dire le Medef, les partis de droite et le Figaro qui l’exhorte chaque jour à « avoir du courage ».

Ce texte n’a même pas le soutien de syndicats dits « modérés », ni même du Parti socialiste. C’est dire la profondeur du divorce. C’est dire aussi les dangers.

L’exécutif qui pousse les feux de cette contre- réforme issue du pacte européen « Euro plus* », initié en mars 2011 par Mme Merkel et M. Sarkozy, croit qu’il sera toujours là dans un peu plus d’un an pour la mettre en œuvre à la faveur d’un duel au second tour de la présidentielle avec le parti d’extrême droite.

Mais, même en cas d’échec, -ce que confirme la série d’élections partielles de dimanche dernier-, et avec le retour de la droite aux affaires, le patronat fait le calcul qu’il en sera de toute façon le bénéficiaire. C’est la raison de cette forte pression à un moment où les forces de l’argent peuvent faire indistinctement de MM. Hollande, Valls, Macron, Sarkozy, Juppé ou Fillon leur candidat à la présidentielle.

Raison de plus pour que les progressistes, dans leur diversité, s’unissent jusqu’à choisir ensemble un(e) candidat(e) à l’élection présidentielle et travaillent indissociablement à une majorité nouvelle d’alternative à l’Assemblée nationale. Leur objectif devrait être de gagner afin que la France renoue avec le chemin du progressisme à la française.  Tel est l’intérêt des travailleurs d’aujourd’hui et celui des générations « kleenex », cachées derrière ce mot de « flexibilité », qui ne signifie rien d’autre que la possibilité pour les propriétaires d’entreprises d’embaucher et de débaucher en toute liberté, selon les critères de rentabilité financière.

Comment croire qu’avec la libre rupture du contrat de travail on crée de l’emploi durable ? Neuf recrutements sur dix se font déjà par contrats temporaires ou en intérim. Ce qui est proposé est pire ! Pour un jeune confronté à l’incertitude de trouver un travail, s’ajoutera demain moins de chance de le garder, donc plus de difficultés pour se projeter dans l’avenir. On est ici à mille lieux d’un projet moderne et progressiste visant à créer un nouveau mécanisme de sécurité du travail et de la formation, tout au long de la vie, incluant des réductions du temps de travail, l’orientation des crédits publics prétendument destinés à l’emploi vers des investissements du futur, particulièrement ceux liés au numérique et à la transition environnementale de l’économie.

On nous bassine régulièrement avec la « compétitivité ». Mais à quoi servent en ce moment les gains de « compétitivité », générés par la baisse des prix du pétrole, par la modification de la parité euro-dollar, les baisses du « coût du travail », comme ils disent, induites par les faramineux cadeaux aux grandes entreprises ? Pas à l’emploi ! Cela se verrait. Et qu’on en finisse avec ces comparaisons avec les pays voisins qui « réduisent » leur chômage en décuplant le nombre de travailleurs pauvres ! Renoncer à l’objectif du plein emploi stable et correctement rémunéré n’est pas un projet de société. La France résiste à se voir imposer ce modèle régressif qui ne correspond ni à ses traditions ni à ses aspirations les plus modernes.

De même, la Banque centrale donne désormais de l’argent gratuitement aux banques. A quoi cela sert-il ? Pas à l’investissement créateur d’emplois. Cela se verrait aussi. Autrement dit, nous sommes face à des choix qui continuent de détruire les droits sociaux pour servir les puissances industrielles et financières à l’opposé de l’intérêt général.

C’est un bond vers le 19ème siècle qu’on nous propose ici, avec une loi différente dans chaque entreprise, l’allongement de la durée journalière et hebdomadaire du travail, la pression continue sur les salaires et une moindre rémunération des heures supplémentaires.

Et derrière les écrans de fumée des discours destinés aux femmes le 8 mars dernier, il y a la réalité de propositions qui feront encore reculer l’égalité homme-femme au travail comme vient de le montrer le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle. On ne parle plus dans ce projet de « l’égalité » de rémunération entre les hommes et les femmes. On sait que les emplois précaires sont très souvent occupés par des femmes, qu’elles exercent dans les entreprises où les syndicats sont les moins présents, que la loi les visera d’abord au nom de la flexibilité et de la modulation des horaires.

Ce projet porte en lui des vies en miettes, dans l’insécurité généralisée. Pas de travail stable signifie l’impossibilité d’accéder à des emprunts ou à des logements. Et les projets de guerre économique que contient le traité transatlantique ne feraient que grossir encore les rangs du chômage.

Inventer un code du travail adapté aux évolutions du travail, des technologies et des besoins d’une société du mieux vivre est urgent. Y travailler est partie intégrante de la lutte pour mettre en échec ce nuisible projet gouvernemental qui n’a strictement rien à voir avec les idéaux de la gauche et du progrès et tout à voir avec l’orthodoxie bruxelloise au service des puissances industrielles et financières.

De l’amplification des actions unitaires et intergénérationnelles engagées, peut sortir le meilleur pour l’immense majorité. C’est le refus de la société « kleenex », le refus de la vie en miettes !

* Voir mon livre : « Le pacte des rapaces » qui décortique ce texte


12 commentaires


Michel Berdagué 17 mars 2016 à 9 h 21 min

De rejeter toutes ces attaques du capital de ce Medef de toutes ces directives de cette U.E. réactionnaire et même avec cette BCE avec des taux négatifs aux banques privées pour augmenter la manne spéculative , c’ est normal .
D’ où le fondamental débat nécessaire des communistes pour porter en avant les mesures révolutionnaires pour zéro chômage : la Sécurité Emploi-Formation tout au long de la vie professionnelle articulée avec le salaire à vie à partir de 18 ans basé sur les cotisations . La Sécurité Sociale à 100 % et la retraite à 55 ans pour les femmes à taux plein et 60 ans pour les hommes , revendication d’ il y a un demi siècle …
C’ est dire toutes les régressions …subies , et cette U.E. a eu un effet de levier vers le pire , malgré toutes les luttes défensives et qui devaient être offensives , revendicatives de réformes structurantes d’ avenir , révolutionnaires !

Colombe 17 mars 2016 à 10 h 13 min

Le gouvernement procède par étapes pour arriver a ses fin .
Quand j’étais petit et que je n’aimais pas ce qu’il y avait dans mon assiette ,mon père, faisait un petit tas et il me disait manges ca et laisse le reste .Je mangeais ce petit tas croyant etre débarrassé ,il me disait tu vois ca a bien passé !Et il me faisait un autre tas et ainsi de suite jusqu’a ce qu’il ni ait plus rien.
Pour fermer une entreprise ils font la meme chose ,s’il n’y a pas de rapport de force ils ferment tout de suite ,s’il y en a un ils divisent et procèdent par étapes .A nous de ne pas tomber dans le piège.

breteau jean claude 18 mars 2016 à 18 h 26 min

Pour finir “le travail” la bande du médef doit changer notre devise < Liberté,Egalité , Fraternité < qui ne veut plus rien dire . plus sérieusement ,ils nous ont déclaré la guerre ,soyons présents .Tous nous sommes concernés par cette agression ,électeurs de gauche évidemment ,mais aussi ceux ,qui sans vision votent à droite ,ou par mécontentement de celle-ci ,se tournent vers l'extréme ,muette pour le coup .Ce qui en dit long sur leur intérêt pour ceux qui subissent la loi des patrons plus voyous les uns que les autres .Nous pouvons faire la différence ,seule force organisée ,exclusivement ,disponible pour changer ,vraiment ,de politique .Mais là se pose un probléme ,comment se mettre à leur service en les excluant ,par une primaire antidémocratique ,initiée par des socialistes ,dont l'unique but est la réelection du traitre .Prenons nos responsabilités en proposant un candidat rassembleur élargisant le fdg .La division orchestrée par les socialistes ,sert les visées du médef ,c'est le moment de créer un front populaire ,avec cette jeunesse ,clairvoyante et battante ,elle peut étre le relais auprés de parents désorientés ,et démobilisés.Leur avenir est politique ,après le combat necessaire ,d'aujourd'hui ,deuxiéme étape lors de la présidentielle .L'espoir peut et doit changer de camp , des centaines de milliards sont disponibles pour cela

MOREAU Jean-Paul 21 mars 2016 à 4 h 59 min

Je n’ai vu nulle part une proposition du PCF proposant une primaire entre réformistes et révolutionnaires. La question posée est celle d’un candidat commun à toutes les organisations qui refusent l’austérité et la logique libérale ou social-libérale, donc qui veulent sortir de la dictature du capitalisme pour une véritable démocratie, commençant bien sûr par une nouvelle utilisation/répartition des richesses produites par le travail ou la spéculation.

Michel Berdagué 21 mars 2016 à 16 h 51 min

Nous sommes dans la Préparation du Congrès 2016 du PCF , et il y a à ce jour 64 contributions et qqs unes en attente de publications : http://congres.pcfr/
C’est dire en regard de la situation politique les débats entre communistes sont intenses , du fait des analyses différentes des communistes à l’ intérieur du Parti et aussi de nombreux communistes qui sont à l’ extérieur du Parti pour une raison ou pour une autre .
C’ est pour cela que le Congrès 2016 est historique pour Unir et déjà Rassembler les communistes ce qui est la moindre des choses pour son Projet/Programme élaboré analysé discuté et …voté , et si il y a un autre texte de base commune déposé début avril , il sera en concurrence et soumis au vote des communistes du Parti . Rien de plus démocratique .
Vous posez la candidature unique avec la chèvre et le chou , l’ un bouffant l’ autre , comme celui qui est pour cette U.E./OTAN et le reste , de Maastricht à 2016/2017 en passant par ce refus du peuple souverain du traité de 2005 sorti par la porte et revenu par la fenêtre par la grâce des pro U.E. d’ austérité et des casses des services publics d’ ailleurs tous atlantistes signant en catimini le GMT , ce qui aggrave la vie en miettes que Patrick et l’ immense majorité avec juste raison refusent.
Et dès le 6 juin , et suivant les décisions du Congrès nous nous adresserons , à tous ceux qui refusent cette situation de casses avec des krachs financiers et boursiers prévus en 2017…2019 , et en priorité au peuple souverain et comme nous sommes communistes à tout le monde du travail , au prolétariat à la Classe Ouvrière et au delà , les producteurs de richesse du professorat et de la Recherche /découverte, de l’ art et des lettres , les paysans , commerçants ,artisans et même les petits et moyens entrepreneurs se faisant bouffer par les multinationales.

surmely alain 18 mars 2016 à 19 h 18 min

Beaucoup de flexibilité et aucune sécurité:en ce sens vous avez raison,votre analyse politique et sociale est juste.Il n’y a aucune “flexisécurité” dans cette loi rétrograde.

BOUDET Pierre 21 mars 2016 à 18 h 16 min

Sur le serpent de mer des primaires, ce matin 21 mars sur France inter Benoit HAMON,illustre frondeur entre tous donnait son opinion sur cette consultation à laquelle il est favorable, disant qu’il se rallierait à la candidature de celui qui serait désigné par la majorité, fusse Hollande ou Cambadélis s’ils étaient candidats, cette prise de position démontre à contrario que l’option favorable du cc à cette stratégie est une voix sans issue ne pouvant aboutir qu’à la désignation d’un candidat social démocrate réformiste fermant la porte définitivement à tout projet progressiste et conduisant à l’élimination du parti.
Notre seule stratégie en vue de la préparation du congrès et de la présidentielle est d’appuyer toutes les luttes des travailleurs et des citoyens contre les dérives antidémocratiques actuelles et de populariser un projet véritablement communiste.

alain harrison 22 mars 2016 à 3 h 33 min

Bonjour.
Lisez cet article.

Bernie Sanders : Vers un mouvement de masse sans précédent aux Etats-Unis ?

15 mars par Yorgos Mitralias

«« Ce qui est très encourageant c’est qu’il y a déjà des milliers de ses supporters qui ressentent l’urgence d’un tel mouvement indépendant et s’en occupent non seulement en théorie mais aussi en pratique. C’est ainsi qu’on assiste depuis des mois à la radicalisation spectaculaire de ses partisans et à l’augmentation continue du nombre de ceux qui déclarent être décidés à abandonner le Parti Démocrate (la presse fait état des plusieurs dizaines des milliers) ou qu’ils ne vont pas voter en faveur de Hillary Clinton ou d’un autre candidat de l’« établissement » au cas où Bernie Sanders sera absent de la confrontation finale des élections présidentielles. Selon un récent sondage, ils représentent actuellement le tiers (33%) des partisans de Sanders, tandis qu’ils ne dépassaient pas 14% il y a trois mois ! »»

http://cadtm.org/Bernie-Sanders-Vers-un-mouvement

Sanders, et sans doute d’autres dans le futurs courses à la présidence….

Sanders a commencé le travail de base auprès de la population états-uniennes.

Et les états-uniens ont du chemin à faire par rapport au peuple français.

Michel Berdagué 22 mars 2016 à 8 h 08 min

Dans le cirque des primaires aux States et ailleurs , seuls les bonnets blancs et blancs bonnets peuvent se tirer ” la bourre ” en spectacle et avec l’ image des marchandisations très lucratives , juteuses , ces bonnets croient que le formatage est tel que ça va passer comme une lettre à la poste – privatisée pour la poignée les moins de 1 % à entendre – .
De croire qu’ en Amérique du Nord c’ est cuit et qu’ ils sont tous et toutes à se baigner dans le meilleur des mondes est de pure fiction , et dire par mimétisme ça copie ici et même pour certains dans le Parti communiste …mais qui l’ eût cru ?
C’ est oublier les Noam Chomsky , les Naomi Klein et le Mouvements de Luttes , grèves comprises , aux States et au Québec avec les mouvements OccupyWallSt.org, les plus de 99 % , délogés par la force à New York comme les Mouvements universitaires à Montréal . En France certains oublient tout ça très tournés dans l’ Hexagone , en nombrilisme alors que pour l’ Internationale des prolétaires ne demandent qu’ à s’ unir et il serait temps depuis Engels et Marx 1848 Le Manifeste , mais dans chaque pays ça n’ arrête pas de se bananer et en France qqs rassemblements suite aux divisions incessantes , en Italie le record avec ses 60 orga/groupes/partis se disant communistes , même si ça va mieux maintenant !
99 vs 1 , y a pourtant pas photo , plus de 99 % qui bossent et une poignée de parasites prédateurs …alors qu’ est-ce qu’ on attend pour être heureux ?

alain harrison 22 mars 2016 à 3 h 38 min

Mais quand une personne est réveillée, elle ne veut plus se rendormir.

La nouveauté, parfois fait faire un bond.

pam 2 avril 2016 à 8 h 32 min

il suffit de voir la situation brésilienne pour mesurer que le discours des 99% est un leurre politique… Oui, ceux qui dirigent vraiment sont un tout petit nombre, mais toute l’expérience de la bourgeoisie est justement d’organiser des alliances suffisamment larges pour assurer sa domination… et ce sont des millions de manifestants brésiliens avec la droite auxquels répondent des millions d’autres avec Roussef/Lula… et donc, c’est plutot du 50/50 que du 99/1 !!!

Donc au dela des 99% “théoriques”, nous avons un besoin concret d’analyser les luttes de classes internes aux 99% car comprendre les contradictions “secondaires” est essentiel pour unir dans l’action… privé/public, statut/précaire, urbain/rural, immigrés du Sud/de l’Est…

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